[GÉNÉRIQUE]
Vous écoutez « L’Actualité de la vie publique », un podcast du site Vie-publique.fr.
Signature sonore
Stéphanie : Bonjour à tous, bonjour Patrice
Patrice : Bonjour Stéphanie
Introduction de la série
Stéphanie : Il y a 40 ans, presque jour pour jour, débute à l’Assemblée nationale le débat qui conduira les parlementaires à voter la loi abolissant la peine de mort en France. Cette loi promulguée le 9 octobre 1981, vient mettre un terme à un combat qui aura vu s’affronter, en France, pendant près de deux siècles, les partisans et les opposants à la peine capitale.
Notre podcast « L’Actualité de la vie publique » vous propose une nouvelle série consacrée à cette grande loi de la Ve république.
A travers cette série de quatre épisodes nous reviendrons sur les événements qui ont conduit au vote historique d’octobre 1981. Nous vous aiderons également à comprendre les ressorts du débat entre abolitionnistes et antiabolitionnistes et les raisons pour lesquelles aujourd’hui un rétablissement de la peine de mort en France est devenu très improbable. Nous nous intéresserons enfin à la situation dans le reste du monde et à la question de l’abolition universelle de la peine capitale.
Au sommaire de ce premier épisode : « L’abolition de la peine de mort, une grande loi de la Ve république ».
Extrait de R. Badinter : « J’ai l’honneur au nom du gouvernement de la République, de demander à l'assemblée nationale, l'abolition de la peine de mort en France… »
[GÉNÉRIQUE]
1. Stéphanie : Qui a aboli la peine de mort en France ?
Patrice : Lors de l’élection présidentielle de mai 1981, le candidat du parti socialiste, François Mitterrand, compte parmi ses soutiens un des juristes les plus fermement engagés dans la lutte contre la peine capitale, Robert Badinter, professeur de droit et avocat.
Au cours de la campagne électorale, François Mitterrand se déclare en faveur de l’abolition de la peine de mort et décide d’en faire un des plus importants engagements de son programme électoral. L’abolition de la peine capitale est la 53e proposition des 110 que compte le programme du candidat du Parti socialiste. Il faut également rappeler que cette proposition faisait l’objet d’un consensus au sein de la gauche : tous les partis de gauche avaient en effet inscrit l’abolition de la peine capitale à leur programme.
[Intervention Stéphanie : Et cet engagement de campagne sera tenu !]
Patrice : Oui Stéphanie il sera tenu ! François Mitterrand est élu le 10 mai 1981 et Robert Badinter devient ministre de la Justice, garde des Sceaux, dans le gouvernement de Pierre Mauroy (le Premier ministre). Moins de six mois après l’élection, la peine de mort est abolie en France. Cette abolition est l’aboutissement d’un long combat qui aura duré près de deux siècles.
2. Stéphanie : Pourquoi Patrice peut-on dire que Robert Badinter a joué un rôle déterminant dans l’abolition de la peine de mort ?
Patrice : D’abord, en tant que ministre de la Justice, c’est lui qui a porté et défendu le projet de loi d’abolition à l’Assemblée nationale. Avant cela, il avait joué un rôle important dans le combat pour l’abolition en sa qualité d’avocat pénaliste.
[Intervention Stéphanie : A quelle date a débuté son engagement ?]
Patrice : Son engagement date du début des années 1970, comme il le relate dans un ouvrage intitulé l’Exécution, paru en 1973 (Éditions Grasset). Il y fait le récit du procès, puis de l’exécution en 1972, de Roger Bontems, dont il a pris la défense en tant qu’avocat, inculpé du meurtre d’un gardien de prison et d’une infirmière. Roger Bontems sera condamné à la peine capitale, bien que dans cette affaire seule la complicité de meurtre avait été retenue contre lui. Ce procès a longtemps obsédé Robert Badinter car c’était la première fois qu’il défendait un homme qui encourait la peine de mort. L’avocat abolitionniste avait demandé pour son client la grâce présidentielle. Robert Badinter va ensuite, au cours de la décennie 1970, prendre la défense d’autres criminels dans des procès médiatisés, dont certains échapperont, grâce à lui, à l’échafaud, comme Patrick Henry, en 1977, coupable du meurtre d’un enfant, qui sera condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
3. Stéphanie : Comment s’est déroulée la procédure qui a conduit, en 1981 ?
Patrice : La procédure a été conduite avec une exceptionnelle rapidité. Comme on l’a dit, il s’agissait d’un des plus importants engagements de campagne de la majorité de gauche, victorieuse des élections du printemps 1981 (les élections présidentielle et législatives). Il était nécessaire de rapidement traduire cette promesse électorale en acte. D’autant plus, qu’à l’époque, il faut le rappeler, une bonne partie de la classe politique et de l’opinion publique étaient en faveur du maintien de la peine mort. En règle générale, on sait aussi que les réformes les plus importantes doivent être mises en œuvre en début de mandat.
[Intervention Stéphanie : Peut-on revenir rapidement sur le déroulement des événements qui conduisent au vote de la loi ?]
Patrice : Dès sa prise de fonction, le président de la République demande au ministre de la Justice, Robert Badinter, de préparer un projet de loi abolissant la peine de mort. A la fin du mois d’août, ce dernier présente en Conseil des ministres le projet de loi qui sera déposé trois jours plus tard à l’Assemblée nationale. L’examen du projet de loi défendu par Robert Badinter débute le 17 septembre. Le ministre de la Justice prononce à la tribune de l’Assemblée nationale, un discours resté célèbre. Écoutons la voix de Robert Badinter
[ARCHIVE : EXTRAIT DU DISCOURS DE R. BADINTER]
Patrice : A l’Assemblée nationale, le débat sera très rapide puisqu’il ne dure que deux jours, l’ensemble du texte étant adopté le 18 septembre. Un article additionnel (ajouté au texte donc) prévoit une réforme du code pénal, qui permettra, à la suite de l’application de la loi d’abolition, d’adapter les règles d’exécution des peines.
[Intervention Stéphanie : Que contient précisément cette loi ?]
Patrice : Il s’agit d’un texte très court qui ne compte que sept articles :
- L’article 1er se limite à une simple phrase : « La peine de mort est abolie »
- L’article 2 prévoit le remplacement de la peine de mort par la réclusion criminelle à perpétuité [c’est-à-dire une peine de prison « sans limitation de durée » prononcée pour un crime de droit commun] ou la détention criminelle à perpétuité [c’est-à-dire une peine de prison prononcée « sans limitation de durée » sanctionnant les crimes politiques]
- Les articles suivants 3 à 6 abrogent ou modifient des articles traitant de la peine de mort dans différents codes, comme le code pénal ou le code de justice militaire
- Enfin, l’article 7 rend la loi d’abolition applicable aux territoires d’outre-mer et à Mayotte
[Intervention Stéphanie : Et comment se sont répartis les votes entre les partis ?]
Patrice : L’ensemble du projet est adopté par l’Assemblée nationale. Le résultat du vote donne 363 voix pour et 117 contre. L’article 1er est adopté à la majorité de 369 voix contre 113. Les partis de gauche votent quasiment à l’unanimité en faveur du texte. A droite de l’hémicycle, 16 députés du Rassemblement pour la République (RPR) – dont son leader Jacques Chirac – votent pour l’abolition, ainsi que 21 députés de l’Union pour la Démocratie française (UDF), le parti de l’ex-président Valery Giscard d’Estaing, battu en 1981.
[Intervention Stéphanie : Ensuite, c’est donc le Sénat qui à son tour a examiné le projet de loi, n’est-ce pas ?]
Patrice : Absolument ! Le Sénat débute l’examen du projet de loi une dizaine de jours plus tard, le 28 septembre. Les débats au Palais du Luxembourg sont également rapides, se déroulant sur trois journées, plusieurs amendements visant à modifier le texte sont déposés. Un amendement, en particulier, celui d’Edgar Faure, propose que la peine de mort soit maintenue pour les crimes les plus abjects. Cet amendement est finalement rejeté, tandis que les autres sont tous retirés. A la fin des débats, les sénateurs votent le projet de loi dans les mêmes termes que les députés : 160 voix pour et 126 contre. Le texte est donc définitivement adopté.
[Intervention Stéphanie : Combien de temps s’est-il passé entre le vote du Sénat et l’abolition effective de la peine de mort ?]
Patrice : La loi est promulguée par le président de la République le 9 octobre. Celle-ci est publiée le lendemain au Journal officiel de la République. Vous le voyez, Stéphanie, la peine de mort a été abolie en un temps record.
4. Stéphanie : Et pouvez-vous nous dire Patrice quelle est la situation chez nos voisins européens au moment où la France abolit la peine de mort ?
Patrice : La promulgation de la loi du 9 octobre 1981 fait de la France le 36e État du monde à abolir la peine de mort. En ce qui concerne l’Europe, la France était le dernier pays d’Europe occidentale et de la Communauté économique européenne (CEE) à avoir procédé à une exécution (le 10 septembre 1977 à Marseille). Elle était également un des derniers pays d’Europe occidentale à abolir la peine capitale. En effet, si la Suisse, la Belgique ou le Royaume-Uni ont aboli la peine de mort plus tardivement, ces pays ne l’appliquaient plus depuis des décennies ou l’avaient interdite pour les crimes de droit commun ou les meurtres.
Fin de l’épisode :
Stéphanie : C’est la fin de cet épisode ! Merci « Patrice » ! Les arcanes du vote de cette grande loi de la Ve république, dont nous célébrons cette année le quarantième anniversaire, n’ont maintenant plus de secrets pour nous.
Au sommaire du prochain épisode : nous reviendrons sur les origines du combat pour l’abolition de la peine de mort en France, un long combat, on l’a rappelé, qui a duré près de deux siècles.
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On se retrouve très bientôt !
Au revoir Patrice, au revoir à tous !
Patrice : À très vite pour un nouvel épisode ! Au revoir !