La protection sociale a connu une augmentation très forte de ses dépenses durant les décennies 1960 (+3,2 points en moyenne) et surtout 1970 (+5,2 points en moyenne). Elle a cependant "peu coûté" socialement et économiquement car cette croissance s’est faite dans un contexte d’accroissement de la richesse nationale (période des Trente Glorieuses) rendant "soutenable" cette extension.
Ces deux décennies marquent l’arrivée à maturité du système de protection sociale français qui :
- intègre progressivement toute la population à un régime de sécurité sociale (loi du 4 juillet 1975 de généralisation de la sécurité sociale) ;
- harmonise le montant des prestations versées notamment entre régimes de sécurité sociale ;
- étend son champ d’intervention à de nouveaux risques comme le chômage ou la protection sociale complémentaire, notamment en matière de retraite ;
- crée ou développe des prestations non contributives, c’est-à-dire qui ne sont pas la contrepartie de cotisations, comme l’allocation aux adultes handicapées (AAH) en 1975, l’allocation parent isolé en 1976, l’aide personnalisée au logement (APL) en 1977. Ces prestations complètent son champ d’intervention en y intégrant des personnes qui ne peuvent pas bénéficier de la protection sociale par le biais de cotisations.
Les décennies 1980 et 1990 voient la progression des dépenses de protection sociale se poursuivre, même si elle est plus faible (+ 2,7 points) qu’au cours des vingt années précédentes.
Cette période est avant tout marquée par un double phénomène :
- l’augmentation des dépenses, liées à la survenue et au maintien d’une crise économique ;
- la mise en œuvre des premiers plans visant à maîtriser les coûts de la protection sociale.
On constate ainsi un ralentissement de la progression du PIB qui accroît mécaniquement les dépenses liées à la redistribution sociale (part prise par les dépenses de protection sociale dans le PIB) et une inscription de la « crise » dans le paysage économique et social avec l’installation et le maintien d’un taux de chômage élevé entraînant une augmentation des dépenses liées à son indemnisation et une baisse des ressources provenant des cotisations sociales.
On assiste également à la création de nouveaux minima sociaux, comme le revenu minimum d’insertion (RMI) en 1988, et à l’augmentation des sommes consacrées aux prestations non contributives, c’est-à-dire qui ne sont pas la contrepartie de cotisations (allocation aux adultes handicapés, allocation parent isolé, aide personnalisée au logement).
Parallèlement, des mesures tendant à limiter les dépenses sont prises, notamment en matière de santé et de retraite avec la mise en œuvre de plans d’économie.
Dans le domaine de la santé, on peut citer le plan Bérégovoy de 1982 instaurant un budget global hospitalier, le plan Séguin de 1986 limitant le champ des dépenses couvertes à 100% par l'assurance maladie, le plan Juppé de 1996 qui entraîne une diminution de la prise en charge des consultations de médecins.
Dans le domaine des retraites, la réforme de 1993 augmente le nombre d’années de cotisation nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein dans le secteur privé (passage à 160 trimestres de cotisation), et modifie les modalités de calcul des pensions de retraite qui sont dorénavant basées sur les salaires de 25 meilleures années au lieu de 10.
Les années 2000 sont marquées par une stabilisation des dépenses de protection sociale à un niveau élevé (près du tiers du PIB). Les différentes mesures de freinage des dépenses, notamment en matière de santé, sont dorénavant incluses dans les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), votées chaque année par le Parlement. Celles-ci fixent, entre autres, un objectif national de dépense de l’assurance maladie (ONDAM), tant pour les soins prodigués en ville qu’en établissements de santé et médico-sociaux. Depuis 2010, l’ONDAM est respecté et depuis 2002, on constate une diminution du rythme de croissance en valeur des dépenses d’assurance maladie qui est passé de 7% en 2002 à 2% entre 2015 et 2016.
Pourtant, malgré ces mesures stabilisatrices qui montrent une certaine efficacité, les dépenses de protection sociale demeurent très sensibles à la conjoncture économique et financière. Ainsi, la crise de fin 2008 a provoqué une nouvelle hausse de la part des dépenses de protection sociale qui ont atteint un niveau record en 2010 avec 32% du PIB, et se sont accrues depuis lors.
Plusieurs facteurs peuvent être avancés :
- la contraction du PIB en 2009 (-2,5%) et sa faible progression ensuite, qui accroissent mécaniquement le taux de redistribution sociale ;
- la baisse des ressources (cotisations salariales et patronales), liée à la dégradation économique et au chômage ;
- l’augmentation mécanique du nombre de prestations versées sous conditions de ressources (RSA, allocations logement) ou liées à la perte d’emploi (allocations chômage).