La loi du 5 avril 1910 dispose, dans son article 1er, que "les salariés des deux sexes de l’industrie, du commerce, des professions libérales et de l’agriculture, les serviteurs à gages, les salariés de l’État qui ne sont pas placés sous le régime des pensions civiles ou des pensions militaires, et les salariés des départements et des communes bénéficieront, dans les conditions déterminées par la présente loi, d’une retraite de vieillesse".
Pour y parvenir, elle rend obligatoire une triple contribution des ouvriers, des patrons et de l'État. L’âge de la retraite est fixé à 65 ans, avec un montant de pension compris entre 60 et 360 francs par an, ce qui est, pour l’époque, très modeste. Le système général de gestion des caisses est un système par capitalisation.
Au-delà de ces caractéristiques, cette loi est contestée, car elle est jugée complexe à mettre en œuvre, les mairies devant tenir un registre de cotisation. Elle est critiquée par une partie des ouvriers et de la Confédération générale du travail (CGT), qui dénoncent plusieurs points :
- le principe même d’une cotisation ouvrière. Ils revendiquent un système de retraite financé exclusivement par les employeurs ;
- l'interventionnisme de l’État dans un domaine qui devrait être de la seule responsabilité de la classe ouvrière ;
- l'obligation de détenir un carnet de cotisations présentant, sous forme de timbres, les versements effectués. Ce carnet est alors assimilé au livret ouvrier supprimé sous la Révolution et rétabli en 1803 pour les contrôler.
La loi rencontre également l’hostilité des patrons, opposés à l’obligation de cotisation.
C’est dans ce contexte d’opposition très forte que, le 11 décembre 1911, la Cour de cassation annule de fait le caractère obligatoire de la loi. Elle estime en effet qu’un employeur ne peut pas forcer un salarié à cotiser. La Cour confirme cette décision en 1912. La Première Guerre mondiale achève par ailleurs de ruiner les possibilités d’extension du système. Les montants collectés pour constituer les réserves du système de retraite deviennent en effet dérisoires, seule une minorité d’ouvriers et de patrons continuant à cotiser.
La loi du 5 avril 1928 instaure, pour tous les salariés, une assurance vieillesse ainsi qu’une assurance maladie. L'ensemble des salariés est couvert contre les risques maladie, invalidité et vieillesse. Ce texte est complété par la loi du 30 avril 1930, qui porte plus spécifiquement sur les retraites. Plusieurs principes de fonctionnement sont alors actés :
- les cotisations sont versées à parts égales par le salarié et l’employeur et prélevées mensuellement. Comme en 1910, ces cotisations prennent la forme d’un achat de timbres ;
- le système repose sur deux mécanismes de cotisations : une première base de cotisations, la plus importante, alimente des comptes individuels fonctionnant selon le principe de la capitalisation ; une seconde cotisation, fonctionnant par répartition, sert à verser des allocations forfaitaires ;
- la durée d’assurance est fixée à 5 ans pour une rente, à 15 ans pour une pension proportionnelle et à 30 ans pour une pension entière. La pension est calculée sur le salaire moyen de l’ensemble de la carrière. La rente capitalisée s’ajoute à la pension ;
- la gestion des cotisations est confiée, au choix de l’assuré, à plusieurs organismes : mutuelles, caisses patronales ou syndicales.
Au-delà de cette complexité d’organisation et de gestion, si cette loi est obligatoire, elle ne concerne que les salariés dont la rémunération annuelle ne dépasse pas 15 000 francs (et 18 000 francs dans les villes de plus de 200 000 habitants). Ce montant est très faible. Pour ceux qui perçoivent un salaire supérieur au plafond d’affiliation au régime obligatoire, ce sont les régimes facultatifs d’entreprise qui demeurent. C’est aussi le cas pour les salariés qui bénéficient d’un régime spécial déjà existant (par exemple, dans les secteurs minier ou ferroviaire). Ces conditions d’affiliation vont en fait créer un appel d’air pour la création de mutuelles d’entreprise, qui vont concurrencer ce système de retraite certes obligatoire mais dont la portée sera, somme toute, limitée.
Tout comme la loi de 1910 est compromise par la Première Guerre mondiale, celle de 1930 l’est par la Seconde.
Le régime de Vichy instaure, le 14 mars 1941, une loi relative à l’allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS). Elle sert une prestation annuelle de 3 600 francs aux travailleurs français âgés d’au moins 65 ans ne disposant pas de ressources suffisantes.
Cette loi de retraite est fondée sur le système de la répartition, ce qui est une nouveauté par rapport aux lois précédentes. Cependant, sa portée sera limitée par l’absence de recettes pour la financer. Pour fonctionner, elle utilise les réserves accumulées par le système créé en 1930. Ces dernières seront épuisées à la fin de la Seconde Guerre mondiale, signifiant la faillite de l’AVTS et contribuant ainsi largement à l’absence de revenus pour les retraités les plus pauvres.