À quand remonte le statut de la fonction publique ?
Le premier statut des fonctionnaires consacré qui a eu une postérité dans notre État, c'est le statut adopté le 19 octobre 1946.
C'est-à-dire, à la Libération, lorsque les résistants refondant l'État, refondant la société française, ont créé une série d'institutions nouvelles.
L'une de celles-là a été donc le statut général des fonctionnaires.
Ce qu'il faut en retenir, c'est que le statut traduisait une certaine vision de l'État et notamment une volonté de développer une politique interministérielle.
Et donc une fonction publique qui ne soit pas simplement régie par les différents ministères qui composent donc l'action publique.
Ce statut est resté immuable dans son idée de statut, puisque nous avons depuis 1946, sans interruption, un statut général des fonctionnaires.
Ce qui ne veut pas dire qu'il est resté immuable dans son contenu.
Il a évolué à plusieurs reprises.
Il y a déjà eu une première réforme en 1959, dans le grand mouvement de réforme de la cinquième République.
Il y a eu, bien sûr les lois Le Pors, adoptées entre 1983 et 1984.
C'est la loi du 13 juillet 1983, très célèbre, sur les droits et obligations des fonctionnaires, commune à tous les fonctionnaires et les lois adoptées par versant, c'est-à-dire une loi de 1984 qui concernait les agents travaillant pour l'État.
Une autre loi, adoptée en 1984, qui concernait les agents travaillant pour les collectivités locales, et enfin la loi votée en 1986 qui, elle, régissait les employés des hôpitaux, les soignants notamment.
Mais pas seulement, y compris aussi les personnels administratifs.
Donc on a trois versants de la fonction publique, un socle commun en 1983 et une volonté à la fois de consacrer, dans une certaine mesure, l'unité de la fonction publique avec des principes communs, mais aussi déjà de consacrer certaines particularités propres à chaque versant.
Alors ces lois sont restées en place jusqu'au 1ᵉʳ mars dernier, date à laquelle le code général de la fonction publique est entré en vigueur.
Ce qui ne veut pas dire, là encore, qu'elles sont restées complètement figées depuis les années 1980.
Il y a eu plusieurs réformes importantes.
J'en citerai deux plus particulièrement, mais ce n'est pas exhaustif.
La loi de 2016, qui a consacré certains nouveaux principes, non pas qu'ils étaient nouveaux par principe, mais ils n'étaient pas forcément écrits explicitement dans le statut.
Par exemple, la laïcité a été consacrée dans les lois statutaires par la loi de 2016.
Cette loi a également renforcé les exigences de déontologie et d'exemplarité de tous les agents publics.
Et bien sûr, je dois citer la loi de 2019.
Cette loi, elle a maintenu certains grands principes, mais elle a quand même aussi procédé à une réforme profonde de plusieurs aspects essentiels de la fonction publique, notamment le cadre du dialogue social qui a été profondément modifié.
Elle a ouvert davantage la fonction publique aux contractuels et elle a aussi ouvert la voie à d'autres réformes par des habilitations à prendre des ordonnances.
Les habilitations, ce sont donc des autorisations que donne le législateur au gouvernement pour réformer certains textes.
Et en particulier, le législateur a autorisé le gouvernement à adopter un nouveau code général de la fonction publique.
Nous avons un code général qui régit désormais aussi bien les fonctionnaires que les contractuels, et qui régit, utilisons le terme générique qui maintenant est consacré par le code, c'est-à-dire les agents publics.
C'est bien un concept qui permet d'englober les deux catégories d'agents qui servent l'intérêt général.
Quel est l’objectif du code général de la fonction publique ?
Ils sont multiples.
Nous en poursuivons plusieurs.
Nous en avons poursuivi plusieurs.
Je dirais que si je devais le résumer d'un mot, c'est que nous poursuivons un objectif d'amélioration de la lisibilité et de l'accessibilité de ces textes.
C'est un objectif de valeur constitutionnelle dégagé par le Conseil constitutionnel.
Alors après, pour être plus précis, comment ça se décline techniquement dans le code ?
Le code est d'abord là pour nous permettre d'améliorer la terminologie et de définir le champ de la fonction publique.
Cette clarification, elle passe aussi par un plan.
On dit parfois qu'un code, c'est avant tout un plan.
Et là-dessus, le plan s'est voulu novateur.
Le code il intègre les différentes fonctions publiques dans un plan unique, un plan thématique construit sur une logique de ressources humaines.
Donc vous retrouvez un livre Iᵉʳ qui fait référence aux droits et obligations.
Et là bien sûr, on y retrouve avant tout la loi de 1983 qui était déjà construite sur une logique unifiée.
Et on retrouve après dans les différents livres un livre consacré au dialogue social et qui intègre donc les éléments communs à chaque fonction publique et éventuellement leurs spécificités.
Et puis ensuite, on suit la vie de l'agent, le recrutement, les questions de rémunération, les questions de congé, de temps de travail.
C'est vraiment un plan qui se veut logique, simple d'accès, compréhensible à la première lecture.
Donc premier objectif vraiment une amélioration formelle, un plan plus lisible, plus directement accessible et aussi une clarification de la terminologie.
Deuxième objectif un code général, un code général qui consacre l'idée d'unité de la fonction publique sans pour autant remettre en cause les spécificités de chaque versant.
Qu'est-ce que ça veut dire un code général ?
Je l'ai déjà esquissé en fait.
Ça veut dire un code général, c'est-à-dire un code commun aux fonctionnaires et aux contractuels.
Ça veut dire aussi un code commun aux agents de la fonction publique de l'État, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière.
Et comment ça se traduit techniquement ?
D'abord par une volonté de rassemblement de textes épars.
On parle quand même de 92 lois qui n'étaient pas intégrées dans les lois Le Pors.
Donc le code général, très concrètement, c'est quatre lois statutaires très importantes que nous connaissons, auxquelles nous avons ajouté 92 lois autres, rassemblées.
Autre manière donc, d'assumer cette dimension générale, c'est le fait de fusionner des dispositions entre versants quand elles étaient identiques.
Et notre troisième objectif, c'était vraiment de disposer d'un outil RH moderne qui, tout en respectant, je le répète, le principe de droit constant, consacre les nouveaux concepts à la hauteur de leur importance dans la vie des services.
Quelles sont les questions que pose la production du code et quels sont les défis à relever ?
Alors, la première question que pose un tel chantier, c'est celui de sa faisabilité.
On parle d'un chantier colossal, législatif.
Le code, c'est plus de 1 200 articles, 1 265.
Alors, qu'est-ce qui l'a rendu possible finalement, cet aboutissement ?
Je dirais trois facteurs décisifs.
D'abord, une volonté politique affirmée.
D'abord, au Parlement, à l'Assemblée nationale, ce sont des parlementaires - c'est une particularité de cette habilitation, cette autorisation donnée par le législateur au gouvernement, elle est venue des parlementaires eux-mêmes à l'Assemblée nationale - qui voulaient parachever l'œuvre de transformation de la fonction publique par cette réforme formelle.
Alors, le deuxième facteur décisif qui a permis d'aboutir, c'est la mobilisation d'une équipe projet.
J'ai eu la chance de pouvoir compter sur une équipe resserrée mais très motivée, au sein de la DGAFP, et également sur des experts dans les grandes directions partenaires.
La DGCL : la direction générale des collectivités locales, la DGOS : la direction générale de l'offre de soins, et la DGOM : la direction générale des outre-mer.
Parce que vous pensez bien qu'un chantier d'une telle ampleur et d'une telle complexité technique ne peut pas aboutir si on ne mobilise pas toutes les forces vives, tous les experts, les meilleurs experts de chacun des versants.
Et puis, je dirais que le troisième facteur de réussite, c'est sans doute cette conscience partagée qu'il était temps justement de re-former, de remettre en forme, de remettre de l'ordre dans les lois statutaires qui, au fil des réformes, avaient perdu quand même en lisibilité et en cohérence, il faut le reconnaître.
Alors, ce code évidemment, c'est un aboutissement.
Il est déjà un outil utile, en tout cas, nous l'espérons.
Il a été conçu dans cet esprit pour les gestionnaires, pour les agents, pour tous les acteurs du droit de la fonction publique.
Mais pour qu'il déploie ses pleins effets positifs, on voit bien qu'il reste bien trois défis à relever.
Le premier défi, c'est celui de l'appropriation.
Nous parlons de lois, les lois Le Pors, qui avaient presque 40 ans d'âge.
Elles ont formé le quotidien des agents, des universitaires, des magistrats, de tous les utilisateurs, de tous les usagers du droit de la fonction publique.
Le basculement vers une autre logique, vers d'autres références textuelles, ne va pas se faire du jour au lendemain, nous en sommes bien conscients.
Il y a un coût d'entrée, un coût de transition.
Deuxième défi, c'est le défi de la partie réglementaire.
Je ne l'ai peut-être pas assez dit, mais ce que nous avons codifié, c'est la partie législative.
Sauf que le travail ne sera pas complet tant que nous n'aurons pas aussi codifié la partie réglementaire.
Et le travail s'annonce encore plus colossal.
C'est le terme que j'ai employé pour le législatif, mais il est encore plus justifié pour la partie réglementaire puisque le comptage des équipes de la DGAFP c'est qu'il y a environ 5 000 dispositions réglementaires à codifier par rapport aux 1 260, aux 1 265 dispositions législatives.
Donc, c'est un travail énorme où on retrouvera les enjeux mais démultipliés de la partie législative.
C'est-à-dire est-ce qu'on fusionne ou pas les dispositions ?
Est-ce qu'on scinde les dispositions ?
Est-ce qu'il y a des terminologies à adapter, des dispositions obsolètes ?
Bref, un travail considérable, mais qu'il faut réaliser.
Parce que, en vérité, la partie réglementaire est la partie qui est la plus utilisée au quotidien par les gestionnaires, donc il faut aboutir là-dessus.
Nous en sommes très conscients.
Nous disposons d'un atout, c'est que le cadre sera le même que celui de la partie législative, puisque le plan de la partie réglementaire a vocation à suivre le plan de la partie législative.
Le troisième défi, c'est celui de l'évolution du code.
C'est une critique qu'on entend parfois à l'encontre de la codification.
La codification rigidifierait les règles.
Nous pensons que c'est tout le contraire.
On en attend au contraire une amélioration de la décision politique et du travail législatif, puisque chaque modification à l'avenir sera replacée dans un cadre d'ensemble.
C'est vraiment l'apport de ce plan.
C'est l'apport au niveau législatif, ça le sera, nous l'espérons, au niveau réglementaire.
Et c'est vraiment l'esprit dans lequel ce code a été pensé.
Il a été pensé comme se voulant « accueillant ».
C'est l'expression du Conseil d'État, c'est-à-dire, si vous me permettez l'expression, à l'épreuve du futur, à l'épreuve du futur, c'est-à-dire n'empêchant pas les futures conceptions de la fonction publique de se déployer dans le code général de la fonction publique.