Image principale 1
Image principale 1
© Stock-adobe.com

La France et la construction européenne : entre adhésion et défiance

Temps de lecture  20 minutes

Depuis le début de la construction européenne, les gouvernements de la France ont toujours considéré l’engagement européen comme un moyen de maximiser l’intérêt national et de faire valoir un certain leadership. Ils doivent désormais prendre en compte la montée d’un profond euroscepticisme et le changement de centre de gravité de l’Union.

Membre fondateur de l’Union européenne, la France a toujours considéré son engagement dans la construction européenne comme un moyen de préserver son leadership et de faire valoir, à l’égard des États-Unis, une autonomie dans le camp occidental. Si la France a soutenu la méthode de la supranationalité pour développer le volet économique de l’Union, elle a, en revanche, préféré la méthode intergouvernementale dans le domaine de la politique étrangère et de la défense. 

Longtemps sujet peu débattu par l’opinion publique française – sans être totalement ignoré –, l’Union européenne est entrée dans le débat public depuis le traité de Maastricht (entré en vigueur en 1993), qui marqua la fin de la guerre froide.

Le récit français sur l'intégration européenne

En déconstruisant le récit français sur l’intégration européenne depuis ses origines, quatre éléments reviennent de manière récurrente : le statut de membre fondateur, le statut de grand État, le co-leadership avec l’Allemagne, enfin l’Union européenne conçue comme un maximisateur de l’intérêt national.

Un État fondateur

Appartenir aux États fondateurs constitue une composante essentielle du récit français sur l’intégration européenne depuis 1952. Sur cette base, tous les gouvernements français ont développé un sentiment de responsabilité vis-à-vis de l’héritage de l’intégration européenne, et parfois une nostalgie de la période de l’Europe des Six. Cette nostalgie explique aussi en partie la réticence de la France à l’égard des élargissements successifs de l’Union européenne.

C’était vrai pour Charles de Gaulle, qui, par deux fois, a opposé son veto à l’adhésion du Royaume-Uni. C’était vrai pour François Mitterrand, qui a exprimé sa réticence, en 1990, aux élargissements à l’Est, qui, selon ses termes, devaient prendre "des dizaines et des dizaines d’années". C’est vrai aussi pour Emmanuel Macron, un temps réticent à faire de l’élargissement aux Balkans occidentaux une priorité politique claire.

Un "grand" État membre

Il est évidemment impossible de fournir une définition objective de ce que sont les "grands", les "moyens" et les "petits" États membres de l’Union européenne. Se concentrer sur la population ou la contribution au budget de l’Union n’est pas suffisant.

Être un grand État membre est d’abord un précepte des acteurs politiques. Les élites gouvernementales françaises, mais aussi la société française, considèrent sans aucune hésitation que la France appartient au groupe des "grands" États membres. Cette perception a toujours été corrélée à l’idée que la France devait exercer un leadership au sein de l’Union.

Avant que le traité de Lisbonne (entré en vigueur en 2009) n’introduise une présidence permanente du Conseil européen, tous les présidents français de la République ont assumé des formes explicites de leadership pendant les présidences françaises. Cette posture se traduisait par un activisme qui offensa ou heurta parfois les autres États membres.

Il existe une forte dimension symbolique dans le fait de se penser comme un "grand" État membre. Lorsque le chancelier Gerhard Schröder a tenté, sans succès, lors des débats sur la réforme des institutions communes durant le Conseil européen de Nice, en décembre 2000, d’obtenir davantage de voix pour l’Allemagne au sein du Conseil des ministres de l’Union européenne, en faisant valoir une population plus nombreuse depuis la réunification allemande, la principale opposition est venue du président français Jacques Chirac. C’est également au nom de cette croyance française d’être "grand" que le président Emmanuel Macron a cherché aussi à maintenir le dialogue avec Vladimir Poutine au début du conflit en Ukraine, en 2022.

Le co-leadership avec l'Allemagne

Le co-leadership avec l’Allemagne constitue un élément fort du discours français sur l’Union européenne, qui renvoie à la "déclaration Schuman" du 9 mai 1950. La réconciliation avec l’Allemagne a toujours représenté un élément servant à légitimer l’intégration européenne en France.

Les dirigeants français tels que Pierre Mendès France et, plus tard, Charles de Gaulle en ont très bien saisi l’enjeu. Ils ont institutionnalisé la réconciliation par le biais du traité de l’Elysée de 1963. Ce traité de coopération franco-allemand a été complété plusieurs fois au cours des soixante dernières années, la dernière grande révision ayant été validée par la chancelière Merkel et le président Macron à Aix-la-Chapelle en 2019.

Pendant la guerre froide, le poids économique de l’Allemagne et le statut politique de la France étaient considérés comme complémentaires. La coopération franco-allemande a pris une orientation différente depuis que l’Allemagne a recouvré, avec la réunification de 1990, sa pleine souveraineté. Les tensions sur une supposée hégémonie allemande lors de la crise financière grecque de 2008-2015 ont constitué un sujet d’intenses débats en France.

Élu en 2017 sur la base d’un programme proeuropéen, le président Macron a largement souligné, lors d’un discours sur l’avenir de l’Union européenne prononcé à la Sorbonne le 26 septembre de la même année, la nécessité d’une coopération avec l’Allemagne. La réponse tardive de la chancelière Merkel, notamment à propos de l’Union économique et monétaire (UEM), a marqué une déception pour les élites françaises.

Sur plusieurs questions européennes – politique énergétique, relation transatlantique, autonomie stratégique –, l’Allemagne semble éloignée des positions de la France. Mais dans l’Hexagone le "couple" franco-allemand continue à faire partie du récit politique convenu. De nombreux acteurs politiques l’ont intégré dans leur représentation de ce qui est bon pour la France.

L'Union pour maximiser l'intérêt national français

Contrairement à l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, il y eut historiquement peu de fédéralistes en France prêts à accepter qu’un intérêt européen vienne remplacer l’intérêt national. Les seuls fédéralistes français étaient les chrétiens-démocrates, qui ont eu du mal à survivre à la fin de la IVe République, en raison de l’émergence du parti gaulliste, à droite en 1958, et du parti socialiste, à gauche en 1971. 

Jusqu’aux années 1990, de nombreux gaullistes et élus de gauche (communistes et gauche du Parti socialiste) ont accusé les institutions supranationales de l’Union européenne de mettre en cause l’intérêt national français. Les partisans français de l’Union, pour leur part, n’ont jamais renoncé à la défense de l’intérêt national.

Tous les présidents français depuis Charles de Gaulle ont considéré l’Union européenne comme un "maximisateur" de l’intérêt national français. L’Union est dorénavant conçue comme un éléments de protection de l’intérêt national français. Ce quatrième élément du récit français montre que l’intégration européenne a moins été en France un projet idéologique visant à remplacer l’État-nation qu’une ressource au service de l’État-nation.

Les débats sur l'Europe dans l'espace public français

L’intégration européenne n’a jamais constitué un sujet de consensus dans l’espace public français. Les clivages ont traversé les principaux partis politiques, tant à droite qu’à gauche. De nouvelles formes d’euroscepticisme sont en particulier apparues après la ratification du traité de Maastricht.

Les partis politiques et l'Union européenne

Il n’a jamais existé en France de "consensus permissif" sur l’intégration européenne. Dès 1952, le projet de Communauté européenne de défense (CED) a suscité des controverses massives entre partis sur la question d’une armée européenne incluant des troupes allemandes. Lorsque les deux traités de Rome – instituant la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) – ont été ratifiés par l’Assemblée nationale, en 1957, il y eut une discussion intense sur les avantages de la libéralisation du marché pour la France.

La situation évolue avec la Ve République en 1958. Si les communistes restent de farouches opposants à la construction européenne, qu’ils considèrent comme le bras armé du capitalisme américain, les gaullistes deviennent plus pragmatiques. Les partis politiques le plus favorables à la construction européenne ont toujours été les libéraux, représentés par Valéry Giscard d’Estaing, élu président de la République en 1974, et les chrétiens-démocrates – appelés "centristes" en France –, avec des personnalités telles que Jean Lecanuet et, plus tard, François Bayrou et Emmanuel Macron.

À gauche, le nouveau Parti socialiste créé par François Mitterrand en 1971 regroupait diverses tendances idéologiques allant des anticapitalistes d’extrême- gauche aux sociaux-libéraux soutenant l’économie de marché et l’intégration européenne. La seconde orientation est clairement celle que choisit le président Mitterrand en 1983, après sa décision historique de rester dans le mécanisme de change du système monétaire européen (SME). À gauche, les Verts soutiennent également l’intégration européenne.

La décennie 2010 a été marquée en France, comme dans d’autres États membres de l’Union, par une crise de légitimité des partis politiques traditionnels. Cette crise a touché le parti Les Républicains à droite, ainsi que le Parti socialiste à gauche. L’élection présidentielle de 2017 a vu la victoire d’un candidat se présentant comme "ni de gauche ni de droite", Emmanuel Macron.

L’ancien ministre de l’Économie de François Hollande a créé le mouvement politique La République en Marche (devenu en 2022 Renaissance), majoritairement composé de nouvelles figures issues de la société civile. Réélu pour un deuxième mandat en 2022, Emmanuel Macron représente la principale voix pro-européenne dans l’espace public français.

Son programme européen s’inspire de l’héritage des chrétiens-démocrates et des libéraux : créer un noyau dur d’États membres dirigé par la France et l’Allemagne qui doivent accepter une "souveraineté européenne" dans un nombre croissant de domaines politiques. Emmanuel Macron a attiré à lui d’anciens électeurs du Parti socialiste et des Républicains, qui considèrent la construction européenne comme une priorité majeure.

Euroscepticisme

Comme la majorité des États membres de l’Union européenne, la France n’a pas échappé à la montée des partis populistes eurosceptiques depuis le début des années 2000. Le principal d’entre eux est le parti d’extrême droite Rassemblement national (Front national jusqu’en 2018), dont les suffrages ont augmenté après que le leadership eut été cédé par le fondateur, Jean-Marie Le Pen, à sa fille Marine Le Pen, en 2011. Le RN est un parti anti-migrants qui milite en faveur d’un rétablissement des frontières nationales entre les États membres de l’Union. C’est aussi un parti social-conservateur qui défend l’État-providence national contre la mondialisation et l’européanisation.

La candidate du RN, Marine Le Pen, a été la principale concurrente d’Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle de 2017 puis de celle de 2022. Marine Le Pen est opposée à toute forme de supranationalité et défend une Europe des États-nations. Pendant la campagne présidentielle de 2017, elle a prôné d’abord une sortie de la France de l’Union ("Frexit"), puis de l’euro. Elle n’a toutefois pas repris ces thèmes lors de l’élection présidentielle de 2022, car une partie de l’électorat du RN, notamment la classe moyenne, est opposée à ce que la France quitte l’Union européenne et l’euro. 

À l’extrême gauche, le parti politique La France insoumise (LFI), créé en 2016, présente une forte critique anticapitaliste de la construction européenne. Son leader, Jean-Luc Mélenchon, a obtenu le meilleur résultat à gauche lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, puis de 2022. LFI est radicalement opposée aux contraintes macroéconomiques fixées par l’Union européenne en matière de dette et de déficit publics. C’est aussi un parti qui considère l’Union européenne comme le produit d’un ordolibéralisme allemand que la France se doit de combattre.

Les tendances de l'opinion publique

Au printemps 1994, 53% des Français percevaient l’Union européenne comme une "bonne chose", tandis que 13% la considéraient comme une "mauvaise chose". Trois décennies plus tard, 46% des Français se disent optimistes à propos de l’Union européenne, tandis que 50% se déclarent pessimistes. Ces chiffres font de la France le deuxième pays le moins confiant à l’égard de l’Union européenne, après la Grèce.

Toutes les enquêtes d’opinion montrent que le niveau d’éducation et le statut social des personnes interrogées jouent un rôle prépondérant dans le soutien des citoyens européens à l’intégration européenne. Lors du référendum de 2005 sur le projet de traité constitutionnel européen, où le "non" l’a emporté à 54,67%, la majorité des cadres supérieurs ont voté "oui", tandis que la majorité des ouvriers et des agriculteurs ont voté "non". Le sentiment de sécurité ou d’insécurité quant à sa position dans la société française joue un rôle déterminant dans l’acceptation des institutions et des politiques communautaires.

Être un État membre de l’Union européenne reste cependant un objectif légitime pour une grande majorité de Français, même pour les eurosceptiques. Les critiques ne portent pas tant, en France, sur l’adhésion à la construction européenne que sur la légitimité des institutions et des politiques européennes.

La France et les principales politiques européennes

La France s’est impliquée sans exception dans l’élaboration des politiques européennes depuis la genèse des traités fondateurs, sa position correspondant à la nature hybride de l’Union, puisqu’elle a toujours oscillé entre la supranationalité et l’intergouvernementalisme.

L'Union économique et monétaire

La France a soutenu la création du système monétaire européen en 1979 et celle de l’Union économique et monétaire (UEM) en 1992. Pour les gouvernements français, l’UEM est d’abord un projet politique. Des dirigeants comme les présidents V. Giscard d’Estaing et F. Mitterrand et le président de la Commission européenne Jacques Delors (1985-1995) ont vu dans l’UEM le cœur politique de l’intégration européenne, bien que les Français aient refusé en 1994 d’adhérer au projet d’un "noyau central" (Kerneuropa en allemand), proposé autour de l’UEM par les députés allemands du parti chrétien-démocrate Wolfgang Schäuble et Karl Lamers.

Il serait faux pour autant de prétendre que l’Union économique et monétaire a toujours représenté un projet consensuel pour l’ensemble des Français. Des réticences sont apparues, tant à droite qu’à gauche de l’échiquier politique, qui ont culminé avec le référendum sur le traité de Maastricht, en septembre 1992. Le "oui" l’avait alors remporté avec une courte majorité de 51,04%.

L’approche française plutôt favorable à l’Union économique et monétaire entre cependant en contradiction avec des problèmes persistants quant à sa mise en œuvre. La France a toujours eu du mal à respecter les objectifs macroéconomiques fixés par les traités. Si, entre 2017 et 2019, elle avait réussi à atteindre l’objectif d’un déficit public inférieur à 3% du produit intérieur brut (PIB), la pandémie de Covid-19 a fait repartir le déficit à la hausse – il s’établit à 4,7% en 2022 et à 5,5% en 2023. La dette publique française n’a également jamais réussi à respecter le seuil de 60% du PIB fixé par les traités. En 2023, elle représente près du double de ce qui est autorisé, à 110,6%. Ces difficultés macroéconomiques pèsent de manière récurrente sur la crédibilité du leadership de la France en Allemagne et dans les pays du nord de l’Union européenne, plus soucieux du respect des critères macroéconomiques de Maastricht en matière de déficit et de dette publique.

La politique étrangère et de sécurité : Europe puissance, autonomie stratégique

Depuis la décision du général de Gaulle, en 1966, de quitter le commandement militaire intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), la France a considéré pendant toute la guerre froide qu’être membre de l’alliance occidentale n’était pas incompatible avec une forme d’autonomie stratégique à l’égard des États-Unis. Cette posture explique notamment son choix de se doter de l’arme nucléaire. Elle explique également l’incitation française à une coordination en matière de politique étrangère et de sécurité au niveau européen – coopération politique européenne (CPE) en 1970 ; politique étrangère et de sécurité commune (PESC) en 1992.

Pour Paris, la PESC incarne l’idée de l’Europe puissance, un concept qualifié plus tard d’"autonomie stratégique européenne". Il s’agit de développer le hard power de l’Union européenne (avec une vraie capacité de coercition militaire) afin que cette dernière ne dépende plus exclusivement de la relation transatlantique pour sa défense.

Cette idée française n’a cependant jamais été majoritaire parmi les États membres de l’Union européenne, surtout après le double élargissement à l’est de l’Europe, en 2004 et 2007. Et c’est d’abord vers l’OTAN que se sont tournés les Ukrainiens et les Européens pour contenir les effets de l’agression militaire russe en Ukraine, en février 2022.

La France et l’élargissement de l’Union

La France a toujours fait preuve de réticence à l’égard des élargissements de l’Union européenne. Cette réticence s’explique par trois raisons. Premièrement, l’élargissement a été perçu comme un moyen de réduire la capacité de leadership de la France au profit d’autres États, notamment de l’Allemagne et, jusqu’au Brexit, du Royaume-Uni. Deuxièmement, les élites et l’opinion françaises soupçonnent les élargissements d’être des projets de dilution de l’Union. Troisièmement, la question des migrants et des travailleurs soumis à des normes sociales inférieures à celles de la France demeure un sujet de controverse dans le débat public français.

Cette approche méfiante des élargissements est encore présente de nos jours. Si la France n’a pas eu d’autre choix que d’accepter la réouverture de ce dossier à la suite de la guerre russo-ukrainienne, elle n’a jamais fait de l’élargissement aux pays des Balkans occidentaux et à ceux de l’Europe orientale (Ukraine, Moldavie, Géorgie) une priorité politique.

Le projet du président Macron de créer, sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022, une Communauté politique européenne (CPE) ayant pour ambition de renforcer la cohésion, la coopération et le dialogue entre l’ensemble des pays du continent européen a d’ailleurs été volontairement déconnecté de l’élargissement. La CPE est conçue comme un exercice stratégique impliquant l’ensemble des États européens – Turquie et Royaume-Uni inclus – mais nullement comme une préparation de l’élargissement de l’Union européenne.

La politique de réforme institutionnelle

Depuis l’Acte unique européen de 1986, toutes les réformes institutionnelles de l’Union européenne ont été acceptées par la France. Les présidents français ont toutefois établi des priorités en faveur de certains développements institutionnels. En particulier, ils privilégient toujours le Conseil européen – qui réunit les chefs d’État et de gouvernement – comme institution majeure plutôt que le Parlement européen.

Ayant fait de l’intégration européenne un élément clé de sa campagne présidentielle en 2017, le président Macron a eu l’occasion d’exposer ses principales idées de réforme à plusieurs reprises depuis son discours "pour une Europe souveraine, unie, démocratique", prononcé à la Sorbonne le 26 septembre 2017 et précisé lors d’un discours à la Haye le 11 avril 2023. Elles concernent la défense européenne, le renforcement de l’Union économique et monétaire et celui du droit d’asile (accord de Schengen), ou encore l’introduction de la règle majoritaire pour l’adoption des décisions de politique étrangère.

La France préfère néanmoins utiliser les ressources des traités actuels pour réformer l’Union européenne, car elle redoute d’assumer les effets d’une conférence intergouvernementale qui impliquerait l’utilisation toujours risquée du référendum pour ratifier les résultats. Jacques Chirac en fit les frais lors du rejet du projet de traité constitutionnel européen par le peuple français, avec une majorité de 54,6% des voix, en mai 2005.

 

Les élites politiques françaises ont vu, depuis la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, l’Union européenne comme un moyen de maximiser l’intérêt national. Jouer la "carte européenne" est considéré comme une stratégie pour moderniser l’économie française, et augmenter l’influence française en Europe et dans le monde. Cette stratégie a produit des résultats fructueux lorsque l’Union européenne se limitait à l’Europe occidentale, que l’Allemagne était divisée et que l’opinion publique française était peu mobilisée sur les questions européennes. La situation a changé après la fin de la guerre froide.

La France doit désormais faire face à des obstacles intérieurs et extérieurs qui complique sa relation avec l’Union. L’obstacle intérieur est l’euroscepticisme grandissant au sein de la population française. L’obstacle extérieur est le changement du centre de gravité de l’Union à la suite des divers élargissements – qui rend moins facile l’exercice d’un leadership par la France, y compris avec l’Allemagne – et, plus récemment, avec la guerre russo-ukrainienne, qui a consolidé un axe stratégique Washington-Londres-Varsovie au détriment du couple franco-allemand.

Cet article est extrait de