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Mission Bozio-Wasmer : comment mieux concilier salaires, coût du travail et emploi ?

Temps de lecture  3 minutes

Par : La Rédaction

Selon la mission "relative à l’articulation entre les salaires, le coût du travail et la prime d’activité", la politique d'emploi devrait davantage tenir compte des effets contre-productifs des exonérations fiscales et autres aides mises en place par les pouvoirs publics depuis 30 ans, et proposer des mesures alternatives.

Le rapport d'étape de la mission confiée à Antoine Bozio et Ėtienne Wasmer, publié le 25 avril 2024, étudie la politique d'allègements de cotisations et d'autres transferts en faveur des bas salaires, mise en place depuis 1993. Il prend en compte le contexte économique actuel et les résultats de nouvelles recherches françaises et étrangères.

La publication du rapport final est prévue en juin 2024. Les auteurs remettent en cause l’efficacité de certains dispositifs et préconisent une remise à plat du système.

Le faible apport des exonérations à la productivité et à la reconnaissance des parcours

Depuis 1993, des allègements et exonérations de cotisations sociales de plus en plus importants sont mis en place pour les bas salaires. Le taux de cotisation employeur au niveau du Smic est passé de 45% en 1993, à 6,9% en 2024.

Ces exonérations ont également été accordées à des salaires plus élevés, jusqu'à 3,5 Smic.

Résultat : leur coût budgétaire en points de PIB a été multiplié par 5 depuis 1999. L’ensemble des allègements de cotisations sociales et exemptions d’assiette représentent désormais plus de 80 milliards d’euros, selon un rapport déposé à l’Assemblée nationale en septembre 2023. À ces exonérations s'ajoutent d'autres subventions, comme la prime d’activité, les prestations de solidarité (familiales, de logement, etc.) et d'autres aides.

Si les effets de ces aides sont globalement positifs sur l'emploi des bas salaires, ils sont dans l'ensemble décevants pour les rémunérations plus élevées. En cause : la dégressivité des allègements, qui fait que si le salaire augmente, les aides disparaissent au fur et à mesure.

Globalement, ces dispositifs sont peu incitatifs :

  • pour que les employeurs proposent des emplois mieux rémunérés ;
  • pour que les salariés cherchent des salaires plus élevés.

C'est le phénomène des trappes sur les bas salaires, c'est-à-dire, du maintien des salaires à un niveau ne dépassant pas les seuils d’exonération de certaines cotisations.

Réformer en profondeur le système actuel

Le rapport pointe la concentration des emplois situés entre 1 et 1,6 Smic. Depuis 1994 et avec chaque nouveau dispositif, cette part s'est nettement accrue, tout comme le nombre de personnes payées au Smic : il a augmenté de plus de moitié sur dix ans et se situe à 3,1 millions de salariés (17,3% des salariés).

Autre effet : les exonérations rapprochent le salaire net au niveau du Smic du salaire médian. En France, le Smic atteint 72% du salaire médian, un niveau élevé au sein de l’Organisation de coopération et de développement (OCDE) dont la moyenne est à 62%.

Les auteurs insistent sur le fait que cette évolution des salaires "ne constitue pas une preuve de l'existence d'une trappe à bas salaires, mais c'est un élément qui serait cohérent avec de telles trappes". 

Les pistes pour repenser le système actuel vont notamment dans le sens :

  • d’une montée en gamme des emplois existants ; 
  • d’une augmentation globale des taux d’emploi pour soutenir le financement de la protection sociale ;
  • d'une réflexion sur la politique d’allègement de charges plus ciblée.

Pour les auteurs, de tels changements doivent se faire progressivement, et avec prudence.