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Les révisions constitutionnelles liées à la construction européenne

Temps de lecture  8 minutes

Par : La Rédaction

La Constitution de 1958 a dû s'adapter progressivement à la participation de la France à la construction européenne. L'intégration à l'Union européenne (UE) a nécessité six révisions constitutionnelles depuis 1992.

Le plus souvent, ces révisions ont fait suite à des décisions du Conseil constitutionnel qui ont relevé l’incompatibilité des engagements européens avec la Constitution (clauses contraires à la Constitution, remise en cause des droits et libertés constitutionnellement garantis ou atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale).

Toutes ces révisions ont été adoptées par le Parlement réuni en congrès (et non par référendum) sur la base de l'article 89 de la Constitution.

1992 – Traité de Maastricht

Le traité sur l’Union européenne appelé traité de Maastricht, signé le 7 février 1992 par les représentants des douze États membres des Communautés européennes, a inauguré une phase de ratification dans tous les États membres. 

Saisi par le président de la République, le Conseil constitutionnel juge le 9 avril 1992 que trois séries de dispositions du traité, parce qu'elles ont trait à l'exercice de la souveraineté nationale, nécessitent une modification de la Constitution de 1958. Le 12 avril 1992, lors d’un entretien radiotélévisé, François Mitterrand déclare que le traité de Maastricht “ne peut pas être renégocié” ni “ajourné”. Il se prononce pour une révision de la Constitution par la voie parlementaire.

Un projet de révision constitutionnelle est présenté en conseil des ministres du 22 avril 1992. Il aboutit à la loi constitutionnelle du 25 juin 1992, qui ajoute à la Constitution de 1958 un titre XIV intitulé "Des Communautés européennes et de l’Union européenne". Les articles 88-1 à 88-4 de ce nouveau titre contiennent les adaptations suivantes :

  • le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est accordé aux citoyens de l’Union résidant en France ;
  • l'Assemblée nationale et le Sénat doivent être informés par le gouvernement des propositions d'actes communautaires comportant des dispositions législatives et peuvent voter des résolutions ;
  • les transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'Union économique et monétaire ainsi qu'à la détermination des règles sur le franchissement des frontières extérieures des États membres sont autorisés.

1993 – Droit d’asile et mise en œuvre des accords de Schengen

La loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, dite "loi Pasqua", du 24 aout 1993 comprend un article qui permet aux préfets de refuser l'admission au séjour d'un demandeur d'asile, notamment dans le cas où sa demande relève de la compétence d'un autre pays en vertu des conventions de Dublin et Schengen.

Saisi par des parlementaires de l'opposition, le Conseil constitutionnel émet des réserves d'interprétation sur cet article dans une décision du 13 août 1993, en s'appuyant sur l'alinéa 4 du préambule de la Constitution, selon lequel " Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ". Tout demandeur d'asile qui relève de cet alinéa doit être admis provisoirement en France jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Cette décision remet en partie en cause la Convention de Schengen, ratifiée en 1991, en transformant une simple faculté en l'obligation d'accorder le séjour. La décision du Conseil constitutionnel étant incompatible avec les engagements européens de la France, le gouvernement décide de réviser la Constitution.

C'est ainsi que la loi constitutionnelle du 25 novembre 1993 "relative aux accords internationaux en matière de droit d'asile" intègre dans la Constitution un nouvel article 53-1 qui prévoit une exception à l'application du principe relatif à l'asile. La France peut conclure, avec des États européens liés par les mêmes engagements en matière d'asile, des accords "déterminant leurs compétences respectives pour l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées". Le nouvel article 53-1 précise que la France a la faculté (et non plus l'obligation) d'examiner et d'accepter une demande d'asile même si elle n'est pas responsable en vertu du droit européen et même si la demande a déjà été examinée par un autre État.

1999 - Traité d’Amsterdam

Le traité d'Amsterdam, signé le 2 octobre 1997, par les représentants des 15 États membres, est le prolongement du traité de Maastricht.

Saisi par le président de la République et le Premier ministre le 2 octobre 1997, le Conseil constitutionnel juge, le 31 décembre 1997, contraires à la Constitution deux clauses du traité :

  • celle qui permet au Conseil, statuant à l'unanimité, de décider, cinq ans après l'entrée en vigueur du texte, du passage à la règle de la majorité qualifiée et à la procédure de codécision des mesures relatives à la circulation des personnes ;
  • celle qui prévoit le passage automatique, au bout de cinq ans, des conditions de délivrance de visas de court séjour.

En conséquence, un projet de révision constitutionnelle est déposé le 30 juillet 1998. Il aboutit à la promulgation de loi constitutionnelle du 25 janvier 1999 qui permet à la France de ratifier le traité d’Amsterdam en révisant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution.

Ces modifications concernent :

  • l'autorisation de nouveaux transferts de compétences en matière de libre circulation des personnes ;
  • l'élargissement des droits des parlementaires.

2003 – Mandat d’arrêt européen

La loi constitutionnelle du 25 mars 2003 permet l'adoption des règles sur le mandat d'arrêt européen, conformément aux dispositions de la décision-cadre du 13 juin 2002.

Cette loi complète l’article 88-2 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé : "La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du Traité sur l'Union européenne."

Le mandat d’arrêt européen (MAE) est un mécanisme qui fonctionne depuis le 1er janvier 2004. Il a remplacé les longues procédures d’extradition qui existaient entre les pays de l’UE. Il s'agit d'une procédure judiciaire transfrontière simplifiée de remise aux fins de poursuites pénales ou de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté. Le mandat émis par une autorité judiciaire d'un pays européen est valable sur l'ensemble du territoire de l'UE.

2005 – Traité établissant une Constitution pour l’Europe

Dans une décision du 19 novembre 2004, le Conseil constitutionnel estime que la ratification du traité établissant une constitution pour l'Europe nécessite une modification préalable de la Constitution.  

Un projet de révision constitutionnelle est déposé par le gouvernement le 5 janvier 2005. La loi constitutionnelle est promulguée le 1er mars 2005. Ce texte : 

  • autorise la participation de la France à l'Union européenne dans les conditions prévues par le nouveau traité (modification de l'article 88-1) ;
  • rend obligatoire la consultation des Français par référendum lors de l’adhésion d’un nouvel État membre à l’Union européenne (ajout d'un article 88-5) ;
  • anticipe les évolutions constitutionnelles nécessaires en cas d'entrée en vigueur du nouveau traité, notamment sur le renforcement des pouvoirs du Parlement (création un titre XV).

L’entrée en vigueur du nouveau titre XV de la Constitution est subordonnée à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe. L'autorisation de ratification ayant été refusée par les Français à près de 55% lors du référendum du 29 mai 2005, ce nouveau titre est devenu sans objet, de même que la modification de l'article 88-1.

2008 – Traité de Lisbonne

Le 13 décembre 2007, est signé à Lisbonne le traité modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, appelé le traité de Lisbonne dont l'objectif est de relancer la réforme institutionnelle.

Saisi par le président de la République, le Conseil constitutionnel juge le 20 décembre 2007 que la ratification du traité doit être précédée d'une révision de la Constitution de 1958. Plusieurs dispositions relatives aux compétences et au fonctionnement de l'Union et les nouvelles prérogatives reconnues aux Parlements nationaux dans le cadre de l'Union appelent cette révision.

Un projet est déposé le 4 janvier 2008. Il conduit à la loi du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution, qui ouvre la voie à la ratification du nouveau traité.

Cette loi autorise la participation de la France à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne (nouvelle rédaction du second alinéa de l'article 88-1 de la Constitution). Elle réécrit le titre XV "De l'Union européenne" de la Constitution. Elle consacre de nouveaux pouvoirs au Parlement conformément au traité de Lisbonne (ajout à la des articles 88-6 et 88-7).

L'article 88-6 permet aux parlementaires de contrôler le respect par les institutions de l'Union européenne du principe de subsidiarité. L'article 88-7 organise la procédure d'opposition du Parlement en matière de révision simplifiée des traités et de droit de la famille dans le cadre de la coopération judiciaire civile.