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© Olivier Tuffé - stock.adobe.com

Exercice des mandats locaux : existe-t-il un statut de l’élu local ?

Temps de lecture  11 minutes

Par : La Rédaction

En France, exercer un mandat local consiste à servir l’intérêt général et n'est donc pas assimilable à un métier. Toutefois, le rôle et les responsabilités des élus locaux vont croissant depuis la mise en œuvre de la décentralisation, ce qui pose la question de leur statut.

Dès le XIXe siècle, des mesures sont prises pour faciliter l’exercice des mandats locaux. Elles cherchent à garantir un égal accès de tous à la fonction en évitant une professionnalisation du rôle de l’élu.

Les plus récentes, énoncées par la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019, répondent à une certaine crise des vocations. Elle visent à rendre le mandat local plus attractif, en particulier dans les petites communes rurales.

Conditions d’exercice des mandats locaux : bref historique

À l'origine, le principe de gratuité des mandats

Le principe de gratuité, enraciné dans la culture politique française, a été aménagé progressivement pour permettre au plus grand nombre de se porter candidat aux élections locales. Ce principe a été posé par une loi de 1831. On considère alors que l’exercice d’une fonction élective doit aller de pair avec une sécurité financière personnelle, gage d’impartialité. Aujourd'hui, le principe de gratuité est affirmé par l’article L.2123-17 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : "les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites".

La loi municipale du 5 avril 1884 apporte une première atténuation à ce principe en autorisant le remboursement de frais induits par l’accomplissement d’un mandat. Plus tard, la loi du 27 février 1912 introduit des indemnités de déplacement et de séjour en faveur des conseillers généraux pour qu'ils puissent se rendre aux réunions de leur assemblée. Actuellement, les élus des conseils départementaux, régionaux et municipaux ont droit au remboursement des frais occasionnés par leur mandat, notamment au titre du transport ou de l'hébergement dans des lieux éloignés.

Les ordonnances du 26 juillet 1944 et du 21 février 1945 instituent la possibilité d'attribuer des indemnités de fonction aux maires et aux adjoints, à la charge des budgets communaux. Celles-ci ne peuvent être assimilées à une rémunération.

Au fil du temps, il apparaît nécessaire de tenir compte des conséquences sur leur activité professionnelle des contraintes auxquelles sont soumis les élus locaux, afin de permettre à chacun, quels que soient ses revenus, d'être candidat aux fonctions électives. La loi du 2 août 1949 oblige ainsi les employeurs à accorder aux salariés élus le temps dont ils ont besoin pour assister aux séances plénières de leurs assemblées. En 1972 est instauré le régime de retraite des maires.

Les lois de décentralisation : quel effet pour les élus ?

Les grandes lois de décentralisation des années 1980 accroissent les responsabilités des collectivités territoriales et soulignent la nécessité de mieux compenser les charges liées au mandat. La loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions annonce un futur statut de l’élu : "Des lois détermineront (…) le mode d’élection et le statut des élus" (article 1er).

En janvier 1982, Marcel Debarge remet au Premier ministre un rapport sur le statut de l’élu local. Il recommande l’ouverture d’un droit à la formation pour tous les élus, une revalorisation substantielle des indemnités, la garantie d’une retraite décente, l’assouplissement des autorisations d’absence, ainsi qu'une garantie de réinsertion sociale en fin de mandat pour l'élu à temps plein.

En 1988, le ministre de l'Intérieur confie une nouvelle mission à M. Debarge. Ses principales propositions sont reprises dans la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux. Elle comporte quatre orientations :

  • pour favoriser l’accès des salariés des secteurs public et privé aux mandats locaux, elle améliore le régime des autorisations d’absence liées à ceux-ci (octroi d'un crédit d’heures) et prévoit des garanties pour la carrière ;
  • elle reconnaît le droit des élus à la formation et organise les conditions de son application, en particulier pour les salariés ;
  • concernant les indemnités de fonction, elle revalorise leur montant pour les élus municipaux, généralise à toutes les catégories d’élus locaux le principe d’un barème, fixe des plafonds en cas de cumul de mandats et rapproche leur régime fiscal du droit commun ;
  • elle étend le droit à la retraite des élus.

De nouveaux droits, des devoirs mieux encadrés

En 2000, la loi relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d’exercice majore à nouveau les indemnités de fonction des maires et le crédit d'heures. La loi du 27 février 2002 fait de même, et vise à renforcer la formation des élus et à mieux articuler leur mandat avec leur activité professionnelle.

Par ailleurs, les élus locaux sont concernés par la loi du 11 octobre 2013, destinée à prévenir les conflits d'intérêts et à garantir la transparence de la vie publique. Ils doivent ainsi fournir à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration d'intérêts et une déclaration de situation patrimoniale. Depuis la loi du 14 février 2014, le cumul de fonctions exécutives locales avec un mandat de député ou de sénateur est interdit.

Le 31 mars 2015 est promulguée la loi visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat afin d'améliorer l'exercice des mandats locaux, notamment dans les petites communes et pour les élus salariés. Elle crée une charte de l’élu local qui fixe les principes déontologiques à respecter dans l’exercice de ces fonctions. Lors de la première réunion du conseil municipal, du conseil départemental, du conseil régional ou de l’assemblée des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, le chef de l’exécutif de la collectivité lit la charte et en remet une copie à chaque participant.

Charte de l’élu local

1. L’élu local exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité. 
2. Dans l’exercice de son mandat, l’élu local poursuit le seul intérêt général, à l’exclusion de tout intérêt qui lui soit personnel, directement ou indirectement, ou de tout autre intérêt particulier. 
3. L’élu local veille à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts. Lorsque ses intérêts personnels sont en cause dans les affaires soumises à l’organe délibérant dont il est membre, l’élu local s’engage à les faire connaître avant le débat et le vote. 
4. L’élu local s’engage à ne pas utiliser les ressources et les moyens mis à sa disposition pour l’exercice de son mandat ou de ses fonctions à d’autres fins. 
5. Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu local s’abstient de prendre des mesures lui accordant un avantage personnel ou professionnel futur après la cessation de son mandat et de ses fonctions. 
6. L’élu local participe avec assiduité aux réunions de l’organe délibérant et des instances au sein desquelles il a été désigné. 
7. Issu du suffrage universel, l’élu local est et reste responsable de ses actes pour la durée de son mandat devant l’ensemble des citoyens de la collectivité territoriale, à qui il rend compte des actes et décisions pris dans le cadre de ses fonctions.

Source : CGCT, article L.1111-1-1

La loi harmonise le régime indemnitaire des exécutifs. Les maires bénéficient automatiquement d’indemnités de fonction, fixées par un barème. Un régime indemnitaire est créé pour les conseillers des communautés de communes. Afin de mieux protéger les élus salariés, la loi :

  • élargit à de nouveaux bénéficiaires le droit au congé électif et la suspension du contrat de travail pour l’exercice d’un mandat local ;
  • accorde le statut de salarié protégé aux élus locaux qui ont la possibilité de suspendre leur activité professionnelle mais choisissent de la conserver pendant leur mandat ;
  • étend à deux mandats successifs le droit à réintégration des élus dans leur entreprise lorsqu'ils cessent leur mandat. Ils peuvent aussi bénéficier d'une formation professionnelle et d'un bilan de compétences, et engager une validation des acquis de l’expérience professionnelle en vue d'obtenir un diplôme ou un titre professionnel. L’ensemble des expériences acquises dans tous les mandats et fonctions électives locales est pris en compte.

Valoriser et promouvoir l'engagement politique local

Un pas de plus vers un statut de l'élu local : la loi du 27 décembre 2019 consolide les pouvoirs du maire, mais clarifie et facilite aussi les conditions d'exercice de son mandat. Elle porte principalement sur les communes, en particulier les plus petites. Le projet de loi a été élaboré à la suite de rencontres avec les associations d'élus, les parlementaires engagés sur le sujet des collectivités territoriales et les présidents de groupes au Sénat.

La loi renforce le rôle des communes et des maires dans les intercommunalités. De nombreux maires s'estimant insuffisamment entendus au sein de leur établissement public de coopération intercommunale (EPCI), elle les associe davantage à la gouvernance de celui-ci et simplifie leurs relations. Pour cela, elle crée :

  • un pacte de gouvernance, qui règle les relations entre une intercommunalité et ses communes membres. Il n'est pas obligatoire mais son principe doit faire l'objet d'un débat à chaque début de mandature. Il peut prévoir les conditions dans lesquelles l'EPCI confie la gestion de certains équipements ou services à une commune membre ou délègue à un maire l'engagement de dépenses d'entretien courant ;
  • une conférence des maires : obligatoire, elle réunit les maires des communes sous l'autorité du président de l'EPCI. Elle se tient à la demande de celui-ci ou d'un tiers des maires sur un ordre du jour déterminé, au maximum quatre fois par an ;
  • un pacte des compétences définissant les compétences de l'intercommunalité.

Les prérogatives de police du maire, notamment sur les établissements recevant du public (ERP) et les immeubles menaçant ruine, sont consolidées. Il a désormais les moyens de sanctionner des infractions simples. Il peut, par exemple, fermer un ERP qui ne respecte pas la réglementation et assortir l'arrêté de fermeture d'une astreinte financière.

Le maire voit également son quotidien simplifié. Ainsi, des dispositions favorisent le rapprochement entre collectivités territoriales : par exemple, les conditions dans lesquelles des conventions de prestation de services peuvent être conclues entre des communes n'appartenant pas au même EPCI sont assouplies. D'autres mesures fluidifient les relations entre l'État et les collectivités.

De plus, la loi reconnaît et accroît les droits des élus pour leur permettre de mieux concilier le mandat avec leur vie professionnelle et personnelle. Elle prévoit :

  • la généralisation à l'ensemble des communes du congé électif de 10 jours dont bénéficient les candidats aux élections municipales pour faire campagne ;
  • une augmentation du crédit d'heures trimestriel à la disposition des élus salariés ;
  • l'extension à tous les adjoints au maire du droit à la suspension du contrat de travail ainsi qu'à une formation professionnelle et à un bilan de compétences à l'expiration de leur mandat ;
  • pour tous les conseillers municipaux, la prise en charge par la commune des frais de garde d'enfant ou d'assistance aux personnes âgées ou handicapées engendrés par les réunions obligatoires. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le remboursement est compensé par l'État ;
  • une revalorisation des indemnités maximales des maires et adjoints des communes de moins de 3 500 habitants ;
  • une protection fonctionnelle destinée à aider les maires et leurs adjoints à faire face aux violences et mises en cause dont ils font l'objet. Chaque commune doit souscrire, dans un contrat d'assurance, une garantie couvrant le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts associés à cette obligation ;
  • une meilleure formation de tous les élus locaux dès la première année de leur premier mandat, même dans les plus petites communes. Au cours de l'année 2020, une ordonnance doit réformer en ce sens la formation des élus.