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© Mike Fouque - stock.adobe.com

Proposition de loi relative à la confidentialité des consultations des juristes d'entreprise

Temps de lecture  5 minutes

La proposition de loi instaure la confidentialité des consultations des juristes d'entreprise. Ce "legal privilege" existe déjà dans d'autres pays. Cette confidentialité ne vaudra toutefois pas en matière pénale et fiscale. Les juges pénaux ou l'administration fiscale pourront toujours accéder aux documents de l'entreprise.

Où en est-on ?

  1. Étape 1 validée

    Dépôt au parlement

    21 décembre 2023

  2. Étape 2 en cours

    Examen et adoption

    30 avril 2024

    1ère lecture

  3. Étape 3 à venir

    Promulgation

Qu'est-ce que la procédure législative ?

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Le 30 avril 2024, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture, avec modifications, par 38 voix pour et 34 contre, la proposition de loi.

Pour l'auteur du texte, des enjeux de souveraineté sont attachés à la confidentialité des avis rédigés par les juristes d'entreprise. La France se démarque des autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) par l'absence de toute confidentialité sur ces avis. Les entreprises françaises sont donc particulièrement vulnérables face aux procédures administratives et judiciaires extraterritoriales engagées par des autorités administratives ou des entreprises étrangères. C'est en outre un enjeu d'attractivité pour la France, puisque ses partenaires économiques ont mis en place des mécanismes garantissant la confidentialité des avis juridiques ou legal privilege (comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse ou l’Espagne).

La proposition de loi reprend une disposition intégrée par amendement dans la loi du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 mais qui a été censurée par le Conseil constitutionnel comme cavalier législatif

L'essentiel de la proposition de loi

Le texte modifie la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques pour prévoir, sous certaines conditions, la confidentialité des consultations juridiques rédigées par les juristes d'entreprise

Cinq conditions sont posées pour que cette confidentialité s'applique :

  • le juriste d'entreprise devra être titulaire d'un master en droit (bac + 5) ou d'un diplôme équivalent (ou à défaut d'une maîtrise - bac + 4 - ou d'un master 1 en droit pour ceux ayant pratiqué pendant huit ans dans un service juridique d'une entreprise ou d'une administration) ;
  • le juriste d'entreprise devra avoir suivi une formation aux règles éthiques (le référentiel de ces règles sera défini par arrêté sur proposition d'une commission qui doit être précisée par décret) ;
  • les consultations seront exclusivement destinées à la direction ou aux organes d'administration ou de surveillance de l'entreprise employeuse, de son groupe ou de l'une de ses filiales ;
  • les consultations devront porter sur la fourniture d'un avis ou d'un conseil fondé sur l'application d'une règle de droit ;
  • les consultations devront porter la mention "confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise". Son auteur devra être identifié et la consultation devra faire l'objet d'un classement à part dans les dossiers de l'entreprise. 

Les députés ont précisé que toutes les versions de travail d'une consultation seront couvertes par la confidentialité.

La proposition de loi pose des limites à cette confidentialité. Elle sera exclue dans les procédures fiscales ou pénales, ce qui signifie que l'entreprise devra fournir aux juges ou l'administration fiscale l'intégralité des consultations demandées. Elle ne sera pas non plus opposable aux autorités de l'Union européenne dans le cadre de leur pouvoir de contrôle. 

Le caractère confidentiel des consultations sera opposable dans les procédures ou litiges en matière civile, commerciale ou administrative. Les consultations classées comme confidentielles ne pourront pas dans ce cadre être saisies, ni faire l'objet d'une obligation de remise à un tiers, y compris à des autorités administratives françaises ou étrangères. Elles ne pourront pas être opposées à l'entreprise. Toutefois, cette dernière pourra toujours lever la confidentialité des documents.

Dans ces matières, la confidentialité pourra toutefois être contestée et levée par les juges saisis à la suite :

  • d'une opération de visite dans le cadre d'une procédure administrative (par exemple par l'autorité de la concurrence ou l'autorité des marchés financiers) ;
  • ou d'une mesure d'instruction ordonnée dans une affaire civile ou commerciale.

Afin de répondre aux craintes exprimées par les autorités administratives indépendantes, les députés ont modifié la procédure de levée de la confidentialité prévue par le texte initial. Les consultations dont la confidentialité est alléguée par l'entreprise à l'occasion d'une procédure civile, commerciale ou administrative seront sous la garde d'un commissaire de justice, désigné par le juge ou mandaté par l'autorité administrative. La consultation litigieuse devra être placée sous scellé fermé par le commissaire de justice, dans l'attente de la décision du juge sur le fond, pour en éviter toute altération. S’il est fait droit à la demande de levée de la confidentialité, alors les consultations seront produites à la procédure en cours. 

Dans ces procédures judiciaires contestant la confidentialité des consultations, l'entreprise concernée devra recourir à un avocat.

La proposition de loi prévoit une sanction pénale en cas de désignation frauduleuse d'un document comme consultation confidentielle : un an de prison et de 15 000 euros d'amende maximum.

Par amendement, les députés ont demandé au gouvernement un rapport d'évaluation des conséquences de la loi d'ici trois ans. Ils ont par ailleurs différé l'application de la loi, à une date qui sera fixée par le décret qui doit préciser les conditions de ce nouveau dispositif. 

À noter : le 14 février 2024, le Sénat a adopté une proposition de loi portant sur le même sujet, déposée par le sénateur Louis Vogel et transmise à l'Assemblée nationale.

Où en est-on ?

  1. Étape 1 validée

    Dépôt au parlement

    21 décembre 2023

  2. Étape 2 en cours

    Examen et adoption

    30 avril 2024

    1ère lecture

  3. Étape 3 à venir

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