[GENERIQUE]
Vous écoutez « L’Actualité de la vie publique », un podcast du site Vie-publique.fr.
Signature sonore
Patrice : Bonjour à tous,
Bonjour « Stéphanie »
Stéphanie : Bonjour « Patrice »
Introduction de la série
Patrice : Au début des années 1980, la France, à l’époque, un des États les plus centralisés d’Europe, va engager une profonde transformation administrative : la décentralisation. « L’Actualité de la vie publique » vous propose dans une nouvelle série de revenir sur les différentes réformes qui, en l’espace de deux décennies, ont modifié le fonctionnement et les pouvoirs des collectivités territoriales.
Au sommaire de cet épisode : « 1982-1983 : les lois Defferre, l’acte I de la décentralisation ».
[ARCHIVE. Extrait interview de Gaston Defferre : « J'ai la responsabilité de mener à bien la décentralisation et la régionalisation. C'est une tâche immense, dans un pays aussi centralisé que la France. Je pense qu'il faut environ 18 mois pour y parvenir, et j'ai bien l'intention d'y parvenir, avec l'accord de tous les intéressés, en les consultant, d'apporter à notre pays une vie administrative, et une vie, dans l'ensemble, à la fois plus moderne et beaucoup plus faite que par le passé de responsabilité et de concertation aussi ».]
Patrice : Nous venons d’entendre Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation dans une interview diffusée sur FR3 Marseille, le 23 mai 1981, soit deux semaines après la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle. Dans cet entretien, il annonce le projet de décentralisation porté par la gauche.
1. Patrice : Qu’est-ce qui provoque la prise de conscience des effets disons contre-productifs du centralisme français ?
Stéphanie : Cette prise de conscience par les pouvoirs publics des effets pervers qu’a fini par produire l’excessif centralisme politique français a pris plusieurs années. On peut considérer que la publication, peu de temps après la fin de la Seconde guerre mondiale, en 1947 exactement, de l’essai Paris et le désert français marque une première étape importante de cette prise de conscience progressive. Dans cet ouvrage, qui va passer à la postérité (il sera réédité plusieurs fois jusqu’en 1972) et devenir la « bible de la décentralisation », le géographe Jean-François Gravier, dresse le constat d’une France totalement déséquilibrée entre une région-capitale au poids écrasant et une province (qu’il qualifie de « belle endormie ») dépourvue de pouvoirs et en manque total de dynamisme. La conclusion qu’il tire de ses analyses est, qu’au nom de l’efficacité économique et du mieux-être de ses habitants, la décentralisation de la France est devenue une nécessité.
[Intervention. Patrice : C’est la crise économique dans les années 1970 qui rend cette prise de conscience encore plus évidente, n’est-ce pas ?]
Stéphanie : Oui, à partir du milieu des années 1970 et le début de la crise économique, la nécessité d’un rééquilibrage des pouvoirs entre l’État et les collectivités locales devient une question centrale du débat public. L’idée selon laquelle la bonne façon de gérer les conséquences de la crise c’est d’avoir des lieux de gestion décentralisés et cette idée s’impose de plus en plus. En 1976, le rapport Guichard dresse le constat d’une sclérose du fonctionnement de l’État et en 1978, le directeur des Collectivités locales au ministère de l’Intérieur dresse un constat sans appel, en déclarant je le cite : « L’État fait trop de choses et à force d’être omnipotent, il devient impotent ».
[Intervention. Patrice : Et c’est la victoire de la gauche et l’arrivée de François Mitterrand à l’Élysée en mai 1981 qui va lancer le mouvement de décentralisation]
Stéphanie : Oui ! La décentralisation était une des grandes promesses de campagne de François Mitterrand. Il y avait au sein de la gauche une volonté politique forte d’accorder une autonomie plus importante aux collectivités locales. La réforme sera mise en œuvre très rapidement. Symboliquement d’abord, au moment de la formation du gouvernement, le ministre de l’Intérieur devient aussi celui de la décentralisation. Son premier titulaire est le maire de Marseille, Gaston Defferre. Lors du conseil des ministres du 15 juillet 1981, le nouveau président de la République, François Mitterrand, lance la réforme et déclare je le cite : « La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire. Elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire ».
2. Patrice : Quels sont les principaux changements introduits par les lois de décentralisation ?
Stéphanie : L’idée du gouvernement est de laisser aux assemblées locales (départementale et régionale) la responsabilité de définir politiquement les conditions dans lesquelles les compétences transférées de l’État seront mises en œuvre. Comme le déclare Gaston Defferre : « La démarche adoptée consiste à faire confiance aux élus locaux pour qu’ils déterminent et appliquent les solutions appropriées aux problèmes auxquels ils font face ». C’est cette responsabilité politique reconnue aux élus locaux qui fonde véritablement la décentralisation.
[Intervention. Patrice : Cette démarche va trouver sa traduction concrète en 1982 avec le vote des lois Defferre, n’est-ce pas ?]
Stéphanie : Oui c’est cela ! Les lois Defferre vont lancer ce que l’on a appelé l’Acte I de la décentralisation. La première loi votée le 28 janvier 1982 et promulguée le 2 mars 1982 intitulée « Droits et libertés des communes, des départements et des régions » introduit d’importantes modifications dans l’organisation territoriale. Citons les principales : la tutelle administrative exercée par l’État sur les actes des collectivités locales est supprimée (celle-ci est remplacée par un contrôle de légalité a posteriori par le juge administratif) ; ensuite la région devient une collectivité territoriale à part entière dotée d’un conseil élu au suffrage universel et d’un exécutif ; le pouvoir exécutif du département et de la région est confié aux présidents élus du Conseil général pour le département (à la place du préfet) et du Conseil régional ; et enfin la tutelle financière est remplacée par un contrôle budgétaire a posteriori.
3. Patrice : Et quel est le contenu des lois votées par la suite ?
Stéphanie : Entre 1982 et 1986, plus d’une vingtaine de lois seront promulguées dont l’objectif est de permettre la mise en œuvre de la réforme : organiser les transferts de compétences entre l’État et les collectivités locales, créer une fonction publique territoriale, etc.
[Intervention. Patrice : Est-ce que l’alternance politique avec la victoire de la droite aux élections législatives en 1986 va remettre en cause les lois de décentralisation ?]
Stéphanie : Non l’alternance politique n’entraînera pas de remise en cause de la décentralisation. Certes de nouveaux textes sont votés mais ils n’introduisent que des changements mineurs ou visent à approfondir certaines dispositions.
Fin de l’épisode :
Patrice : Merci beaucoup « Stéphanie » ! L’acte I de la décentralisation a été le fruit d’une volonté politique forte qui consistait à faire confiance aux élus locaux et à accorder ainsi plus de place à la démocratie locale.
Dans le prochain épisode, nous verrons de quelle manière cette volonté politique s’est traduite au début des années 2000 par des changements sur le plan constitutionnel.
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On se retrouve très bientôt ! Au revoir « Stéphanie », au revoir à tous !
[Stéphanie : Au revoir !]