[GENERIQUE]
Vous écoutez « L’Actualité de la vie publique », un podcast du site Vie-publique.fr.
Signature sonore
Stéphanie : Bonjour à tous,
Bonjour « Patrice »
Patrice : Bonjour « Stéphanie »
Introduction de la série
Stéphanie : Au début des années 1980, la France, à l’époque un des États les plus centralisés d’Europe, va engager une profonde transformation administrative : la décentralisation. « L’Actualité de la vie publique » vous propose dans une nouvelle série de revenir sur les différentes réformes qui, en l’espace de deux décennies, ont modifié le fonctionnement et les pouvoirs des collectivités territoriales.
Au sommaire de cet épisode : « La réforme constitutionnelle de 2003 : l’acte II de la décentralisation ».
1. Stéphanie : Quelles sont les raisons qui incitent les pouvoirs publics au tournant des années 2000 à lancer l’acte II de la décentralisation ?
Patrice : Au début du second mandat présidentiel de Jacques Chirac, en 2002, vingt ans sont passés depuis les premières lois de décentralisation. Au cours de cette période, l’organisation des pouvoirs publics et les relations entre l’État et les collectivités territoriales ont été profondément transformées. La décentralisation fait désormais l’objet d’un large consensus mais des interrogations demeurent concernant notamment la démocratie locale ou le transfert des compétences. Il semble alors nécessaire de franchir une nouvelle étape. C’est Jean-Pierre Raffarin, nommé Premier ministre par Jacques Chirac après sa réélection, qui va être l’initiateur de ce nouvel acte de la décentralisation.
2. Stéphanie : Et ce nouvel acte va se traduire par le lancement d’une réforme très importante qui marque, en quelque sorte, pourrait-on dire, « l’apogée » du processus de décentralisation en France ?
Patrice : Oui ! Cette réforme est en effet très importante puisqu’il s’agit d’une réforme constitutionnelle qui va actualiser la Constitution de 1958 et poser de nouveaux principes. Plus précisément cette loi constitutionnelle du 28 mars 2003 modifie le titre XII de la Constitution (qui est consacré aux collectivités territoriales) et introduit à l’article 1er un changement majeur en posant le principe de « l’organisation décentralisée » de la République.
[Intervention. Stéphanie : Cette loi adoptée en 2003 va permettre des évolutions juridiques et statutaires que la Constitution de 1958 dans sa rédaction initiale interdisait, n’est-ce pas Patrice ?]
Patrice : Oui ! Outre le fait que la décentralisation devient un principe constitutionnel et un attribut de la République, cette loi permet des changements concernant premièrement la démocratie locale : avec l’introduction du droit de pétition pour saisir l’assemblée délibérante d’une collectivité, l’ouverture du référendum décisionnel local à l’ensemble des collectivités territoriales et la possibilité de consulter les électeurs sur une question ayant trait à l’organisation institutionnelle d’une collectivité. Deuxièmement concernant le transfert des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, celui-ci s’accompagne dorénavant de l’attribution de ressources équivalentes à celles consacrées à leur exercice. L’autonomie financière des collectivités est également garantie. La loi prévoit aussi la mise en place d’un système de péréquation afin de corriger les inégalités de ressources entre collectivités. Enfin, une distinction juridique est introduite concernant le statut des collectivités d’outre-mer entre les « départements ou régions d’outre-mer » comme La Martinique ou La Réunion et les « collectivités d’outre-mer » par exemple la Polynésie française ou Saint-Pierre et Miquelon.
[Intervention. Stéphanie : Cette loi reconnaît aussi que les collectivités territoriales ont vocation à exercer l’ensemble des compétences qui peuvent être mise en œuvre de manière plus efficace si elles le sont à leur niveau, n’est-ce pas ?)]
Patrice : C’est cela ! Et elle reconnaît également le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales et leur droit à l’expérimentation, c’est-à-dire la possibilité de déroger pour une durée déterminée au cadre légal ou réglementaire existant. Enfin, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite la coopération de plusieurs collectivités, la loi introduit la possibilité pour l’une d’entre elles d’être « cheffe de file » de la mise en œuvre de cette action.
[Intervention. Stéphanie : Est-ce que d’autres textes importants seront votés à la suite de cette loi ?]
Patrice : Plusieurs lois (organiques) nécessaires à l’application de la loi constitutionnelle ont été en effet votées concernant notamment l’expérimentation, le référendum local ou l’autonomie financière. En 2004, la loi « Nouvelles libertés et responsabilités locales » attribue notamment de nouvelles compétences aux collectivités territoriales comme le développement économique et la formation professionnelle à la région et de nouvelles missions sociales au département, ainsi que certaines infrastructures de transport comme des routes, des aérodromes ou des ports.
3. Stéphanie : Quelques années plus tard, en 2010, une réforme est lancée qui a été perçue par certains comme une remise en cause de la décentralisation. Pour quelles raisons ?
Patrice : Le maître-mot de la loi du 16 décembre 2010 était : rationalisation. Cette loi avait pour objectif initial de réaliser des économies importantes de gestion et de simplifier le « mille-feuille territorial » (je rappelle que le « mille-feuille territorial », c’est l’idée selon laquelle, il y aurait trop de niveaux d’administrations locales, trop de collectivités territoriales). Cette loi devait aussi permettre de rationaliser les relations entre le département et la région en instituant un élu commun (le conseiller territorial), de limiter les compétences du département et de la région à celles que la loi devait leur attribuer et de permettre la mutualisation des services entre ces deux collectivités (ainsi que la délégation de la gestion d’un niveau à l’autre).
[Intervention. Stéphanie : Mais l’ensemble de ces mesures ne seront finalement pas appliquées, n’est-ce pas ?]
Patrice : La victoire de la gauche avec l’élection de François Hollande à la présidence de la République en 2012 va rendre en effet cette loi en grande partie caduque.
4. Stéphanie : Est-ce que les réformes engagées par la gauche à partir de 2012 ouvrent un nouvel acte de décentralisation ?
Patrice : En fait, à partir de cette date, les différentes lois qui seront votées ne constituent pas un nouvel acte de décentralisation. En réalité, il n’y a pas eu d’acte III. Il s’agit davantage de réformes territoriales qui s’inscrivent dans un processus plus global de modernisation de l’action publique locale, de réorganisation institutionnelle des collectivités territoriales et plus généralement de réforme de l’État.
[Intervention. Stéphanie : L’activité législative a pourtant été intense au cours de la dernière décennie ?]
Patrice : C’est vrai ! Mais les nouvelles lois votées ont principalement eu pour objectif de redéfinir les compétences entre les différents échelons territoriaux. Et c’est avant tout le développement de l’intercommunalité et la métropolisation qui ont pris le pas sur la décentralisation.
5. Stéphanie : La dernière loi en date concernant les collectivités territoriales est la loi 3DS relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la simplification de l’action locale promulguée au début de l’année 2022. Qu’est-ce qu’elle contient cette loi ?
Patrice : Le président de la République, Emmanuel Macron, a, au printemps 2019, à l’occasion du Grand débat national, affirmé sa volonté d’ouvrir, je le cite « un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire ». Depuis, deux textes ont été adoptés : en décembre 2019, la loi engagement et proximité portant sur la démocratie locale et qui vise à faciliter l’exercice des mandats par les élus locaux et, en février 2022, la loi 3DS qui consacre notamment le principe de différenciation afin de mieux adapter les politiques publiques à la diversité du pays. Le président de la République s’est dit aussi récemment favorable à l’ouverture prochaine d’un nouveau « débat en profondeur » sur la répartition des compétences entre l’État et les collectivités. L’idée serait de donner plus de compétences et de responsabilités aux élus locaux.
Fin de l’épisode et de la série :
Stéphanie : Merci beaucoup « Patrice » ! C’est la fin de cette série que nous avons consacrée aux différentes réformes qui, à partir des années 1980, ont ouvert la voie au processus de décentralisation dans notre pays.
Pour préparer cette série, nous nous sommes notamment appuyés sur deux titres parus à la Documentation française Parlons décentralisation en 30 questions et Les collectivités territoriales et la décentralisation. Citons également une note récente de la Fondation Jean Jaurès intitulée « La décentralisation, un processus en mutation », un article du site The Conversation par Martine Long « La décentralisation, une histoire longue minée par les incohérences », ainsi qu’un article tiré des archives du journal Le Monde « ″Paris et le désert français″, le livre devenu une bible de la décentralisation » publié en 2008. Vous trouverez la bibliographie complète dans la transcription de l’épisode 3.
Vous pouvez réécouter cet épisode et toute la série gratuitement sur vos plateformes préférées et notre chaîne YouTube. N’hésitez pas à vous y abonner !
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On se retrouve très bientôt ! Au revoir « Patrice », au revoir à tous !
[Patrice : Au revoir !]