[GENERIQUE]
Vous écoutez « L’Actualité de la vie publique », un podcast du site Vie-publique.fr.
Signature sonore
Stéphanie : Bonjour à tous,
Bonjour « Patrice »
Patrice : Bonjour « Stéphanie »
Introduction de la série
Stéphanie : Au début des années 1980, la France, à l’époque, un des États les plus centralisés d’Europe, va engager une profonde transformation administrative : la décentralisation. « L’Actualité de la vie publique » vous propose dans une nouvelle série de revenir sur les différentes réformes qui, en l’espace de deux décennies, ont modifié le fonctionnement et les pouvoirs des collectivités territoriales.
Avant de revenir sur les grandes étapes de la décentralisation, nous nous intéresserons d’abord, dans le premier épisode, au rôle que jouent les collectivités dans le quotidien des Français, à la perception que ces derniers en ont aujourd’hui et à la différence entre décentralisation et fédéralisme. Nous vous expliquerons ensuite, dans le deuxième épisode, le contenu des lois de décentralisation votées en 1982-1983. Enfin, nous terminerons cette série avec un troisième épisode dédié essentiellement à la réforme constitutionnelle adoptée le 28 mars 2003, qui consacre l’organisation décentralisée de la République.
Au sommaire de ce premier épisode : « Qu’est-ce que la décentralisation ? ».
1. Stéphanie : Avec la décentralisation, les collectivités territoriales ont bénéficié de nouvelles compétences mais quand on interroge les Français à ce sujet, ils n’en ont pas vraiment conscience, n’est-ce pas Patrice ?
Patrice : C’est vrai ! Les Français savent en général bien identifier ce dont s’occupent leur maire et leurs conseillers municipaux : l’urbanisme avec la délivrance des permis de construire par exemple ; le sanitaire et le social comme la gestion des crèches ; l’enseignement avec la gestion des écoles maternelles et primaires ; la culture et les équipements sportifs. En revanche, si on leur demande de lister les domaines d’action du département et de la région, là c’est plus compliqué !
[Intervention. Stéphanie : Et pourtant il s’agit bien là-aussi de domaines très importants qui touchent également au quotidien de chacun0?]
Patrice : Oui en effet ! Le département a des compétences très importantes en particulier l’action sociale, un domaine qui représente en moyenne plus de la moitié de son budget de fonctionnement. Cela concerne l’aide sociale à l’enfance (ASE), la PMI (protection maternelle et infantile), l’adoption, le soutien aux familles en difficulté financière, l’aide aux personnes handicapées via les maisons départementales pour les personnes handicapées, l’aide aux personnes âgées avec la gestion de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et aussi le financement du RSA (Revenu de solidarité active). Mais l’action sociale, ce n’est pas tout. Le département intervient également en matière d’éducation à travers la construction et la gestion des collèges.
[Intervention. Stéphanie : Et concernant la région, ses domaines d’action touchent eux-aussi directement au quotidien des Français0?]
Patrice : C’est vrai ! La gestion par exemple des transports régionaux de voyageurs, notamment ferroviaires comme le réseau des TER qu’empruntent régulièrement les étudiants pour se rendre à l’université, est une compétence de la région. On peut également citer, toujours concernant les jeunes, le domaine de l’éducation avec la construction et la gestion des lycées ou celui de la formation professionnelle continue et d’apprentissage. Mais la région est également responsable en matière de développement économique à travers les aides aux entreprises, à l’investissement, à l’innovation et les orientations relatives à l’attractivité du territoire régional. Il s’agit bien là de politiques qui contribuent à la bonne santé économique de la région et donc aux conditions d’emploi de ses habitants.
2. Stéphanie : Pourquoi toutes ces compétences sont-elles confiées aux collectivités locales ?
Patrice : Parce que les pouvoirs publics estiment que la mise en œuvre de ces politiques publiques est plus efficace si elle se fait à l’échelon local. Le fait pour un État unitaire comme la France de confier certaines compétences au niveau local à des autorités administratives comme la commune, le département ou la région – donc distinctes de l’État -, c’est cela que l’on appelle la décentralisation.
[Intervention. Stéphanie : Est-ce que la décentralisation, c’est l’équivalent, du point de vue du mode d’organisation de l’État , d’un État fédéral ?]
Patrice : Non ! Dans un État unitaire, même décentralisé, il existe un seul pouvoir détenu au niveau national qui exerce la souveraineté et dont les décisions s’appliquent sur l’ensemble du territoire. Ce mode d’organisation est très différent de celui d’un État fédéral, comme l’Allemagne ou les État-Unis par exemple. Ces derniers sont des États composés de plusieurs entités autonomes, Landers en Allemagne comme la Bavière ou États fédérés aux État -Unis comme la Californie qui sont dotés de leur propre gouvernement, de leurs propres ministères de l’Éducation, de l’Environnement ou de la Santé par exemple et de moyens en termes budgétaires très importants sans comparaison, même avec ceux des plus riches régions françaises. Les État fédérés participent aux décisions prises à l’échelon fédéral. Quant à l’État fédéral, il conserve les compétences liées à la souveraineté internationale (diplomatie, défense, monnaie, etc.).
3. Stéphanie : Vous nous avez dit que la France a longtemps été un État très centralisé, qu’est-ce qui explique le poids du centralisme français ?
Patrice : La France a été historiquement et cela quels que soient l’époque considérée ou le type de régime politique (monarchie, empire ou république) - un des État les plus centralisés d’Europe. Une des explications les plus évidentes de ce centralisme est le fait qu’en France, c’est l’État qui a construit la nation. Si des formes de décentralisation ont toujours existé dans notre pays, elles se sont inscrites systématiquement dans un rapport déséquilibré, les collectivités locales étant placées sous la « tutelle » de l’État . La décentralisation a été dans notre pays un long processus.
4. Stéphanie : De quand date le cadre territorial de la France contemporaine ?
Patrice : C’est la Révolution française qui fixe les cadres territoriaux que nous connaissons aujourd’hui – à l’exception de la région. En 1789 sont créées les municipalités qui seront rebaptisées communes en 1793. La création des départements remonte également à une loi votée en 1789. Leur nombre sera fixé à 83 un an plus tard. L’organisation territoriale mise en place à cette époque repose sur le principe d’uniformité qui exige que tous les citoyens soient soumis à une administration identique sur l’ensemble du territoire au nom du principe d’égalité devant la loi qui découle de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et de l’abolition des privilèges.
[Intervention. Stéphanie : Mais cette nouvelle organisation du territoire n’est cependant pas synonyme de décentralisation]
Patrice : Il ne s’agit pas en effet d’une décentralisation. D’ailleurs, quelques années plus tard, en 1800 exactement, avec la création des préfets par Napoléon Bonaparte, l’État instaure une organisation administrative pyramidale et hiérarchisée dans laquelle toutes les autorités locales sont nommées par l’État.
5. Stéphanie : A quand remonte alors la conception, disons « moderne », de la décentralisation ?
Patrice : L’émergence d’une conception au sens moderne de la décentralisation se situe en fait sous la IIIe république avec le vote de deux lois importantes. La loi du 10 août 1871 qui attribue aux conseils généraux (les départements) la gestion des affaires départementales mais avec une limite très importante puisque le préfet en sa qualité de président du Conseil général reste le détenteur du pouvoir exécutif. Il s’agit donc seulement à ce moment-là d’une semi-décentralisation. La deuxième loi qui compte, c’est celle du 5 avril 1884 qui fait de la commune une véritable collectivité décentralisée. Le conseil municipal règle dorénavant par ses délibérations les affaires communales. Les conditions d’organisation et de fonctionnement de la commune ne seront pratiquement pas modifiées jusqu’à aujourd’hui puisque les grandes lois de décentralisation des années 1980 ne concerneront que très peu l’échelon communal.
Fin de l’épisode :
Stéphanie : Merci beaucoup « Patrice » ! C’est la fin de cet épisode ! Le prochain sera consacré aux grandes lois de décentralisation votées au début des années 1980. Ce que l’on a appelé l’acte I de la décentralisation.
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On se retrouve très bientôt ! Au revoir « Patrice », au revoir à tous !
[Patrice : Au revoir !]