Image principale 1
Image principale 1
© fizkes - stock.adobe.com

Fonction publique : les difficultés de recrutement par concours

Temps de lecture  13 minutes

Par : La Rédaction

Grâce à la diversité des métiers proposés, la fonction publique est accessible à des profils variés (infirmiers, agents administratifs, sapeurs-pompiers, enseignants, militaires, architectes, jardiniers...). Pourtant, l’attractivité des concours et des métiers s’érode.

Conformément au statut général de la fonction publique mis en place en 1946, les fonctionnaires sont recrutés par concours, sauf dérogation prévue par la loi. Le code général de la fonction publique rappelle ce principe. Mais la part des fonctionnaires va diminuant tandis que le nombre d'agents contractuels augmente.

Le constat : des concours administratifs moins attractifs

Le rapport annuel 2022 sur l'état de la fonction publique note une baisse du nombre de candidats aux concours depuis le milieu des années 1990, "le nombre moyen de candidats pour un poste offert étant passé de 16 en 1997 à six aujourd'hui". Au concours externe de professeurs des écoles, les inscriptions accusent une chute alarmante : en 2022, sur 41 641 inscrits (contre 84 131 en 2019), seuls 14 112 ont passé les épreuves écrites (ils étaient 26 657 l'année précédente). Le Capes et l'agrégation affichent une baisse plus modérée. Ce recul touche la plupart des concours des trois versants de la fonction publique :

  • dans la fonction publique de l'État, le nombre de candidats aux concours externes a baissé de 11% en 2020 par rapport à 2019, et celui des présents aux épreuves de 5%, en raison de la situation sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. Sur la période 2010-2020, le nombre d'inscrits a chuté de 30% alors que le nombre de postes à pourvoir augmentait fortement. Le taux de sélectivité est ainsi passé de 11,7 à 5,5. En 2020, 5,2 candidats se sont présentés pour une place ouverte en catégorie A, contre 8,9 en 2010 ;  
  • dans la fonction publique territoriale, 49 600 candidats se sont présentés en 2019 aux concours organisés par les centres de gestion, la ville de Paris et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), pour 10 200 places offertes. Seuls 9 420 candidats ont été admis. La sélectivité de ces concours (5,8 candidats pour un lauréat, hors concours de la ville de Paris) a baissé depuis la première moitié de la décennie. Le rapport du Sénat sur le projet de loi de finances 2020 pour la fonction publique mettait déjà en évidence une perte d'attractivité des concours de recrutement dans la fonction publique. Il révélait que nombre de candidats présents aux concours organisés par les centres de gestion avait chuté de près de 33% entre 2014 et 2017, passant de 124 276 à 83 529 personnes ;
  • dans la fonction publique hospitalière, le concours d'attaché d'administration hospitalière illustre les difficultés rencontrées par les hôpitaux : le nombre de candidats présents a chuté de 18% entre 2014 et 2017 selon le rapport du Sénat, alors que le nombre de postes à pourvoir augmentait.

Le taux d'absence des candidats reste élevé dans les trois versants de la fonction publique, ce qui soulève d'importantes difficultés de gestion pour les organisateurs (voir ci-dessous les chiffres pour la fonction publique territoriale).

Dans un avis rendu en décembre 2018 sur l'évolution des métiers de la fonction publique, le Conseil économique, social et environnemental fait état d’une relative dévalorisation des métiers de la fonction publique chez les jeunes diplômés qui pourrait expliquer la baisse du nombre de candidats. Ces jeunes soulignent les conditions de travail difficiles dans certains métiers (police, enseignement, métiers de la santé…), des salaires peu élevés en début de carrière et des évolutions de carrière plus intéressantes dans le secteur privé.

Le concours reste la voie normale de recrutement de la fonction publique

Le concours assure le libre accès des citoyens aux emplois publics, principe consacré par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. L’égalité de traitement des candidats est assurée par la transparence des règles du concours (diplômes, nature des épreuves, programme…) et l’impartialité du jury.

Il existe plusieurs types de concours :
  • le concours externe, ouvert à tous les candidats justifiant de certains diplômes ou de certaines études ;
  • le concours interne, réservé aux agents ayant accompli une certaine durée de service ;
  • le troisième concours, réservé à des candidats justifiant d’une expérience professionnelle dans le secteur privé ou associatif, ou de l’exercice d’un mandat électif local. 

Les agents sont répartis en trois catégories correspondant chacune à un niveau de diplôme :

  • A (licence, master, voire doctorat depuis la loi dite "Fioraso" de 2013) ;
  • B (baccalauréat ou bac+2) ;
  • C (diplôme national du brevet – DNB – ou sans diplôme).

Les modalités pratiques des concours ainsi que le statut des agents varient selon le versant de la fonction publique choisi. Les concours de la fonction publique de l'État sont organisés par :

  • les ministères recruteurs : impôts, douanes, magistrature, instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi), instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé)... ;
  • la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) pour les concours interministériels ou les concours d'entrée aux instituts régionaux d'administration (IRA) ;
  • l'Institut national du service public (INSP, qui a succédé en janvier 2022 à l'École nationale d'administration – ENA) pour ses propres concours, sous la tutelle du ministère en charge de la fonction publique.

Les concours de la fonction publique territoriale sont organisés par le CNFPT ou les centres de gestion (CDG) de la fonction publique territoriale.

La plupart des concours sont ouverts aux ressortissants de l'Union européenne (UE) ou d'un État partie à l'Espace économique européen (EEE), aux principautés d'Andorre et de Monaco et à la Confédération helvétique. Outre les conditions de nationalité, les candidats doivent satisfaire à des aptitudes physiques et jouir de leurs droits civiques.

Des recrutements hors concours en hausse

Si le concours est la voie normale d'entrée dans la fonction publique, d'autres voies sont possibles et le code général de la fonction publique admet des dérogations. 

Les autres voies d'accès à la fonction publique 

Les dérogations aux recrutements par concours sont prévues par la loi :

  • pour occuper certains emplois permanents (par exemple, des emplois supérieurs dont la nomination est laissée à la décision du gouvernement) ; 
  • pour occuper certaines fonctions en cas d’absence de corps de fonctionnaires susceptibles d’exercer les fonctions concernées. Ces agents sont engagés par des contrats à durée déterminée (CDD) d'une durée maximale de trois ans, renouvelables par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. Si ces contrats sont reconduits au-delà, ils ne peuvent l'être que par décision écrite et pour une durée indéterminée ;
  • pour occuper des fonctions correspondant à un besoin saisonnier ou occasionnel ;
  • la nomination au tour extérieur permet l’accès direct à des corps de fonctionnaires de l’État en catégorie A sans concours (corps d’inspection et de contrôle, juridictions administratives et financières…) ;
  • des personnes handicapées peuvent être recrutées en qualité d’agent contractuel, puis titularisées. 

Au fil des années s’est construit un ensemble d’exceptions élargissant le recours à ces agents pour des besoins et sur des emplois très divers, temporaires ou non. Des recrutements sans concours peuvent être organisés dans le cadre de la législation sur les emplois réservés et pour l’accès au premier grade des corps de catégorie C. 

L'ordonnance du 2 août 2005 crée le parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de l’État (Pacte), ouvert aux personnes peu ou pas qualifiées et aux chômeurs de longue durée. Les agents bénéficiant de ce dispositif sont recrutés par le biais d'un contrat de travail de droit public d'une durée de 12 à 24 mois, assorti d'une formation en alternance. À l'issue du contrat, ils ont vocation à être recrutés en qualité de fonctionnaires dans l'emploi occupé durant le Pacte.

La loi dite "Sauvadet" de 2012 a permis une première embauche en contrat à durée indéterminée (CDI), sur des postes spécifiques tels que l’informatique ou la communication. 

En 2017, la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté introduit, à titre expérimental (jusqu'en 2023), un nouveau type de contrat de droit public, le PrAB (préparation aux concours de catégorie A et B). Ce contrat expérimental ne donne pas directement accès au statut de fonctionnaire. Il permet aux personnes sans emploi de s'insérer ou de se réinsérer dans la vie active en exerçant en tant qu'agents publics contractuels tout en se préparant aux concours de catégorie A ou B.

La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires remplace le mot "non titulaire" par celui de "contractuel" dans les lois statutaires. Le contrat n’est plus une anomalie à résorber mais un mode d’emploi complémentaire au statut, sans le droit à la carrière qui caractérise les fonctionnaires.

La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique facilite le recours aux agents sous contrat :

  • en ouvrant notamment la possibilité d'embaucher des contractuels sur des emplois de direction (en CDD) ou des contrats de projet (afin de mener à bien un projet ou une opération spécifique, en CDD de un à six ans) ;
  • en renforçant les garanties offertes aux contractuels. Elle favorise leur recrutement direct en CDI et étend à l'ensemble de la fonction publique la portabilité du CDI, qui n'était possible jusqu'ici qu'au sein d'un même versant.

Au 31 décembre 2020, un agent sur cinq est contractuel (+6,3% par rapport à 2019). Cette part ne cesse d'augmenter.

Par ailleurs, 19 800 contrats d'apprentissage ont été signés dans l'ensemble de la fonction publique en 2021 d'après le rapport du Sénat sur le projet de loi de finances 2023 pour la fonction publique. Une circulaire du 6 juillet 2022 fixe l'objectif de recruter 17 000 apprentis en 2022-2023 dans la fonction publique de l'État, dont au moins 6% en situation de handicap. Afin de favoriser l'insertion des apprentis dans la fonction publique, le Sénat préconise en 2023 de leur permettre de passer les concours internes en assimilant leur période d'apprentissage à des services publics effectifs.

Comment renforcer l'attractivité des concours ?

Dans le cadre de la concertation relative à l'attractivité des métiers et des concours de la fonction publique, la DGAFP a proposé un plan pour moderniser l'organisation des concours. Cela passe, par exemple, par le développement des concours nationaux à affectation locale. Le décret du 13 février 2020 pris en application de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique précise les conditions et les critères permettant d'organiser des concours nationaux à affectation locale. Il s'agit de renforcer l’attractivité des concours et de faciliter le recrutement là où les employeurs publics ont des difficultés à pourvoir leurs emplois. L'arrêté du 11 septembre 2020 établit la liste des corps pour lesquels un tel concours peut être organisé.

La DGAFP souhaite également poursuivre l'adaptation et la professionnalisation des concours. La professionnalisation des épreuves (cas pratique à partir d'un dossier portant sur une politique publique), les épreuves collectives de mise en situation ou le développement des concours sur titres, déjà répandus dans la fonction publique hospitalière, ont déjà permis de diversifier les profils des candidats. Depuis la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, il est possible d’introduire une épreuve de reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle (RAEP) dans les concours de la fonction publique et ainsi de faire valoir les compétences acquises.

La DGAFP propose aussi, dans une note de 2019, une meilleure préparation aux concours avec la mise en place de nouvelles classes préparatoires intégrées ainsi qu’une adaptation de la formation initiale pour développer l’accompagnement dans l’entrée en fonction. Elle souhaite renforcer les passerelles facilitant les transitions professionnelles et les reconversions, organiser un parcours du nouvel arrivant lui permettant de mieux s’approprier son environnement de travail, et développer le tutorat.

Le rapport du Sénat sur le projet de loi de finances 2020 préconise d'optimiser les conditions d’organisation des concours et d'adapter le contenu des épreuves, "sans en réduire le niveau d’exigence". Pour une meilleure visibilité des concours, le rapport propose que soit publié de façon centralisée le calendrier des concours des trois versants de la fonction publique, par exemple sur le site Place de l’emploi public, qui réunit déjà les offres d’emplois publics. Actuellement, il faut consulter plusieurs sites pour obtenir une information exhaustive.

S'agissant de la haute fonction publique, le rapport de la mission Thiriez, publié en 2020, suggère de nouvelles modalités de recrutement dans les grandes écoles. Si le principe du concours n'est pas remis en cause, le document envisage de modifier les épreuves pour "étudiant" (suppression de la culture générale, par exemple) et de simplifier les différents concours (création d'un concours interne unique, mutualisation des épreuves communes...).

Prolongeant l'ordonnance du 3 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public, une ordonnance du 2 juin 2021 réforme l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État en matière de formation et de déroulement de carrière. Elle crée notamment l'INSP. Le décret du 1er décembre 2021 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'INSP lui assigne l'objectif de diversifier les recrutements. L'Institut souhaite recruter "des profils socialement, géographiquement et académiquement plus divers". D'ici à 2024, il compte :

  • refondre ses voies d'accès après avoir évalué ses cinq concours d'entrée actuels (concours externe, interne, troisième concours, concours "Docteurs" et "Talents") ;
  • revoir les épreuves écrites et orales de ces concours. Les oraux se recentreront sur "l'examen des capacités et du potentiel des candidats, au-delà du contrôle des connaissances".

Le plan "Talents du service public", lancé en 2021, vise à permettre à des jeunes issus de milieux modestes d'intégrer la fonction publique en luttant contre l'autocensure face aux concours et en favorisant la diversité des profils pour l'accès à l'encadrement supérieur. Les "prépas Talents" accueillent des étudiants sélectionnés sous conditions de ressources, de mérite et de motivation pour préparer des concours de catégories A et B. À la rentrée 2022, 100 prépas Talents offraient près de 2 000 places. Les étudiants y bénéficient d'un tutorat et d'une bourse de 4 000 euros. Ils passent les concours Talents, nouvelle voie d'accès à six concours externes : INSP ; administrateur territorial ; directeur d'hôpital ; directeur des établissements sanitaires, sociaux et médicosociaux ; commissaire de police ; directeur des services pénitentiaires.