Image principale 1
Image principale 1
© Franz Pfluegl - stock.adobe.com

Égalité et citoyenneté : qu’a changé la loi du 27 janvier 2017 ?

Temps de lecture  12 minutes

Par : La Rédaction

La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté a été promulguée le 27 janvier 2017. Elle est la traduction des mesures adoptées en comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté, à la suite des attentats de janvier 2015. Composée de 224 articles, il s’agit de la dernière grande loi du quinquennat de François Hollande.

La loi du 27 janvier 2017 vise trois objectifs : encourager la citoyenneté et l’émancipation des jeunes, favoriser la mixité sociale et l’égalité des chances dans l’habitat et renforcer l’égalité réelle.

Citoyenneté et émancipation des jeunes

Le premier volet de la loi est consacré à la jeunesse et au soutien de l’engagement dans la vie citoyenne.

Une réserve civique pour tous

Pour répondre au désir d’engagement des citoyens qui s'est manifesté à la suite des attentats de 2015, la loi instaure une réserve civique tout au long de la vie. Cette réserve intègre, dans leurs spécificités, les réserves citoyennes communales de sécurité civile et de la police. Elle doit également englober les réserves citoyennes de défense et de l’Éducation nationale.

La réserve civique généralisée s’adresse à tous les Français (y compris de l'étranger) ou étrangers réguliers, âgés de plus de 16 ans, qui souhaitent "servir les valeurs de la République en participant, à titre bénévole et occasionnel, à la réalisation de projets d’intérêt général". Ces projets peuvent par exemple concerner la solidarité, l’éducation, l’insertion et l’accompagnement professionnel ou encore les interventions d’urgence en situation de crise. 

Après avoir signé la charte de la réserve civique, les volontaires sont affectés sur des missions ponctuelles proposées par une organisme public (État, collectivités locales, etc.) ou associatif. Ces missions permettent aux volontaires d’acquérir des points supplémentaires sur leur compte personnel d’activité (CPA), afin de bénéficier de droits à formation.

Un décret du 9 mai 2017 est venu préciser les conditions de mise en œuvre de cette nouvelle réserve ainsi que le contenu de la charte que doivent signer les volontaires. Par ailleurs, une plateforme dédiée à la réserve civique a été ouverte. Début mai 2019, elle compte 2 663 réservistes et 360 organismes d'accueil.

L’engagement bénévole et citoyen

Un nouveau "congé d’engagement" est créé. Il vise à encourager la prise de responsabilités bénévoles. Il est ouvert aux salariés et aux agents publics exerçant bénévolement des fonctions d'élu, de dirigeant ou d’encadrant associatif. Il peut aussi bénéficier aux membres d’un conseil citoyen et aux titulaires d’un mandat mutualiste non administrateur.

Ce congé, de six jours par an, est non rémunéré (sauf accord d’entreprise).

L’extension du service civique

La loi étend les missions de service civique aux services d’incendie et de secours (nouveau service civique "sapeurs-pompiers") et diversifie les structures d’accueil pouvant recourir aux volontaires. Sont notamment désormais éligibles les organismes HLM, les sociétés publiques locales, les entreprises détenues à 100% par l’État et les entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS). Les conditions d’accès au service civique des étrangers et des réfugiés sont également revues.

Une "carte du volontaire" est créée, offrant aux volontaires les mêmes avantages qu’aux étudiants.

Les autres dispositions en faveur de la jeunesse

Il s’agit principalement des mesures suivantes :

  • la validation obligatoire dans le cursus des étudiants, à partir de la rentrée 2017, des compétences acquises lors d’un engagement citoyen ou bénévole ou d’une activité professionnelle ainsi qu’un aménagement de leur scolarité. Ces nouveaux droits sont détaillés dans une circulaire du 7 septembre 2017 ;
  • le droit pour les jeunes de plus de 16 ans d’être directeur d’un journal ou périodique réalisé bénévolement ;
  • le droit pour les mineurs, sous conditions, de participer à la création d’une association et à son administration ;
  • une meilleure information des jeunes de 16 à 23 ans sur leurs droits en matière de couverture santé, d’examens de santé gratuits et de prévention ;
  • un accès facilité à la couverture maladie universelle complémentaire pour les jeunes âgés de 18 à 24 ans ;
  • l’éligibilité au compte personnel de formation de la préparation au permis de conduire ;
  • l’incitation faite aux collectivités locales de mettre en place des conseils de jeunes ;
  • la révision de l’organisation au niveau local des actions en matière de politique de la jeunesse, dont le chef de fil revient aux régions.

Mixité sociale et égalité des chances dans l’habitat

Le deuxième volet de la loi contient des mesures dans le domaine du logement social, afin de favoriser la mixité et lutter contre les phénomènes de ségrégation territoriale.

L’évolution du système d’attribution des logements sociaux

Les règles d’attribution des logements sociaux changent sur plusieurs points :

  • dans le but de rompre avec la concentration de la pauvreté dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), au moins 25% des logements sociaux disponibles dans les quartiers les plus attractifs (contre 19% en moyenne en 2016) doivent être attribués aux 25% des ménages les plus modestes. Cette obligation est détaillée dans une instruction du ministère de la cohésion des territoires du 14 mai 2018 ;
  • les publics prioritaires d’un logement social (personnes handicapées, mal logées, etc.) sont redéfinis et élargis ;
  • pour mieux partager l’effort de relogement des ménages prioritaires, les collectivités et Action logement (anciennement 1% logement) doivent désormais attribuer 25% de leurs logements à ces ménages. Par ailleurs, l’État entend mieux maîtriser son contingent de logements réservés en supprimant la possibilité pour le préfet de le déléguer aux communes ;
  • obligation est faite à l’ensemble des acteurs du logement à l’échelle intercommunale de rendre publics les critères d’attribution des logements sociaux. Ces acteurs doivent expliciter les modalités du choix des dossiers soumis à la commission d’attribution ;
  • la "location voulue" est encouragée. Elle consiste pour un demandeur à pouvoir se positionner sur des logements sociaux publiés et à être classé en fonction de critères de priorité connus. À cette fin, tous les bailleurs sociaux devront publier, d’ici à 2020, notamment sur internet, les logements sociaux vacants.

La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan) a depuis modifié plusieurs dispositions concernant le logement social (modification de l'attribution des logements en QPV et hors QPV, création d'un système de cotation des demandes, réforme de l'organisation du secteur du logement social, etc.). 

Une nouvelle politique des loyers du parc social

Dans le logement social, les loyers sont déterminés en fonction du financement obtenu lors de la construction de l’immeuble. Plus de souplesse est introduite dans ce principe. Afin de favoriser la mixité, les bailleurs peuvent mieux répartir, à masse constante, les types de loyers et les mixer au sein de leurs ensembles immobiliers. Cette règle, déjà mise en œuvre dans les opérations nouvelles depuis quelques années, est dorénavant applicable aux logements déjà construits.

En outre, le supplément de loyer de solidarité pour les ménages dépassant largement les plafonds de ressources est renforcé et la rupture de bail en cas de revenus trop importants facilitée.

La loi Elan habilite le gouvernement à prendre deux ordonnances en matière de loyers. Ces ordonnances ont été publiées le 16 mai 2019. La première permet aux bailleurs sociaux d'expérimenter une politique des loyers en faveur des nouveaux ménages modestes entrants dans le parc social. La seconde porte sur l'adaptation du mode de calcul du supplément de loyer de solidarité.

La révision du dispositif SRU

En vertu de l’article 55 de la loi "solidarité et renouvellement urbains" (SRU) du 13 décembre 2000, certaines communes doivent construire 20 ou 25% de logements sociaux. La loi modifie les conditions d’application de ce dispositif, notamment :

  • en augmentant les moyens donnés aux préfets pour imposer, là où la volonté des maires est insuffisante, des programmes de logements sociaux ou leur financement ;
  • en durcissant les sanctions pour les communes réfractaires ;
  • en exemptant du dispositif certaines communes (par exemple là où le marché du logement ne justifie pas le développement de logements sociaux).

Le Conseil constitutionnel a censuré une disposition de la loi qui prévoyait la suppression du bénéfice de la dotation de solidarité urbaine aux communes qui n’atteignaient pas leurs objectifs de réalisation de logements sociaux. Le Conseil a jugé cette disposition contraire au principe de libre administration des communes.

La loi Elan de novembre 2018 adapte et complète le dispositif de l'article 55 de la loi SRU (adaptation du rythme de rattrapage pour les communes nouvellement soumises SRU, modification du seuil communal d’application de la loi pour les communes franciliennes, hors Paris, etc.).  

Égalité réelle

Le troisième volet de la loi entend agir pour l’insertion de chacun dans la République, en consacrant de nouveaux droits pour l’ensemble des citoyens.

Le pouvoir des conseils citoyens étendu

Les conseils citoyens, créés en 2014 dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, peuvent désormais interpeller le préfet des difficultés particulières rencontrées par les habitants. Ce pouvoir leur permet de demander la modification du contrat de ville ainsi que la nomination d’un délégué du gouvernement à la politique de la ville, dont la fonction est consacrée par la loi. Des délégués avaient déjà été mis en place à titre expérimental, par circulaire du 11 mars 2016, dans 12 quartiers jugés très prioritaires. 

Dans un rapport du 28 janvier 2019, la Commission nationale du débat public (CNDP), saisie par le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, dresse un bilan très mitigé des conseils citoyens. À sa suite, dans un avis du 4 avril 2019, le Conseil national des villes (CNV) formule plusieurs propositions pour relancer ces instances de démocratie locale. 

Un accès à la fonction publique diversifié

L’accès au troisième concours de la fonction publique est facilité. Le temps passé en apprentissage ou en contrat de professionnalisation compte désormais dans le calcul de la durée d’activité professionnelle exigée.

Par ailleurs, le dispositif "Parcours d’accès aux carrières de la fonction publique" (PACTE), qui permet d’accéder sans concours à un emploi de catégorie C, est étendu aux jeunes peu ou pas diplômés jusqu'à 28 ans (contre 25) ainsi qu’aux chômeurs de longue durée d’au moins 45 ans bénéficiaires de minima sociaux.

À titre expérimental pour 6 ans, un contrat de droit public en alternance est créé pour accompagner des jeunes chômeurs ou des chômeurs de longue durée à passer les concours administratifs de catégorie A ou B. Un décret du 12 octobre 2017 précise ce nouveau contrat, dit "PrAB", entré en vigueur le 1er janvier 2018. 

La lutte contre les discriminations

La loi modifie plusieurs articles de la loi de 1881 sur la liberté de la presse et du code pénal.

La notion d’identité sexuelle est remplacée dans ces textes par celle "d’identité de genre" pour réprimer la diffamation ou des discriminations.

Les peines encourues pour injures racistes ou discriminatoires sont doublées. En outre, les juridictions ont davantage de possibilités pour qualifier les faits. Les circonstances aggravantes de racisme et d’homophobie sont généralisées à tous les crimes et délits. Le sexisme devient également une circonstance aggravante.

La répression de la provocation, de la banalisation ou de la minoration de certains crimes historiques (contre l’humanité, de réduction en esclavage, etc.) est renforcée. De plus, les conditions de l’action en matière de négationnisme et d’apologie de certaines associations sont aménagées.

Une circulaire du garde des Sceaux du 20 avril 2017 détaille l’ensemble de ces nouvelles dispositions. 

Les autres mesures

Le volet "égalité réelle" c’est aussi, entre autres :