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© Julien Eichinger - stock.adobe.com

Une exigence de transparence accrue dans les lois confiance dans la vie politique

Temps de lecture  9 minutes

Par : La Rédaction

Le mandat confié par les citoyens aux élus exige en contrepartie de la transparence. Les lois pour la confiance dans la vie politique viennent renforcer cette exigence pour les candidats à la présidentielle, le président de la République et les parlementaires.

Une nouvelle obligation pour les candidats à l’élection présidentielle

Les lois du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique instaurent une nouvelle obligation à la charge des candidats à l’élection présidentielle : celle de remettre au Conseil constitutionnel une déclaration d’intérêts et d’activités. Jusqu'alors, seuls les candidats ayant franchi la barre des 500 parrainages étaient soumis à cette obligation.

De plus, il est prévu que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) publie sur son site internet, au moins 15 jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, la déclaration d’intérêts et d’activités des candidats. Cette publicité est déjà la règle (depuis la loi organique du 11 octobre 2013) pour les déclarations de patrimoine.

Un décret du 27 juin 2018 fixe le contenu et le modèle de cette déclaration d’intérêts et d’activités.

Le contrôle de l’évolution du patrimoine du président de la République lors de son mandat

Le président de la République doit déposer une déclaration de patrimoine au début et à la fin de son de mandat. Jusqu'à présent, sa déclaration de patrimoine terminale était publiée au Journal officiel et, depuis la loi organique du 11 octobre 2013, transmise à la HATVP.

La loi prévoit désormais que cette déclaration terminale est rendue publique par la HATVP, qui l’assortit d’un avis. Celui-ci se limite à apprécier "la variation de la situation patrimoniale entre le début et la fin de l’exercice des fonctions présidentielles".

La suppression de la réserve parlementaire

La pratique de la "réserve parlementaire" est supprimée au 1er janvier 2018.

Cette pratique existait depuis 1973 à l’Assemblée nationale et depuis 1989 au Sénat. Elle n’était prévue par aucun texte et contournait l’article 40 de la Constitution, qui interdit aux parlementaires toute initiative ayant pour effet de créer ou d’aggraver une charge publique. Elle consistait à ouvrir chaque année des crédits dans la loi de finances par voie d’amendements du gouvernement sur proposition des parlementaires, afin de subventionner les projets d’investissement des collectivités locales (rénovation d’équipements communaux, travaux d’aménagement, etc.) ou les actions des associations.

Qualifiée de "mécanisme hors d’âge" par le gouvernement, la réserve parlementaire a souvent été critiquée pour son opacité, son manque d’efficacité et ses dérives clientélistes (concentration des subventions sur certaines communes). Sa suppression a fait l’objet de vifs débats, en particulier au Sénat qui a proposé sans succès de la remplacer par une "dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements".

Le montant de la réserve parlementaire a représenté 146 millions d’euros en 2016.

Sur proposition du Parlement, la suppression de la réserve ministérielle (crédits gérés par le ministre de l’intérieur destinés à des travaux d’intérêt local) avait également été adoptée. Le Conseil constitutionnel a toutefois censuré cette mesure, considérant qu’elle portait atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. La réserve ministérielle représentait 5 millions d’euros en 2017, contre 19 millions en 2013.

Le contrôle des frais de mandat des parlementaires

Les frais de mandat des parlementaires 1- Avant la loi, une indemnité forfaitaire 2 - Au 1er janvier 2018, un remboursement sur justificatifs

 

Il s’agit d’une autre mesure phare des lois "confiance". Il est mis fin à l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) des parlementaires. Cette indemnité, destinée à couvrir les divers frais occasionnés par l’exercice des fonctions parlementaires, était jusqu’ici forfaitaire. Au 1er février 2017, elle s’élevait par mois à 6 109,89 euros net pour les sénateurs et à 5 372,80 euros net pour les députés.

La loi instaure un nouveau dispositif au 1er janvier 2018. Elle prévoit que "les députés et sénateurs sont défrayés sous la forme d’une prise en charge directe, d’un remboursement sur présentation de justificatifs ou du versement d’une avance". Les bureaux des deux assemblées décident du régime de prise en charge des frais de mandat et arrêtent la liste des frais éligibles et le plafond des dépenses. Ils déterminent également les conditions de contrôle du déontologue sur les dépenses des parlementaires.

Dans un arrêté du 29 novembre 2017, le bureau de l’Assemblée nationale a fixé le nouveau régime applicable aux députés à partir de 2018. Selon leur nature, leurs frais de mandat sont remboursés sur justificatifs, payés directement par l’Assemblée ou font l’objet d’une avance. À ce dernier titre, les députés perçoivent une somme mensuelle de 5 373 euros net (la même que leur ancienne IRFM). Ils doivent conserver leurs justificatifs de dépenses, tenir une comptabilité et transmettre annuellement leurs relevés bancaires et leurs comptabilités au déontologue. Ce dernier est chargé de contrôler les dépenses des députés, imputées sur leur avance de frais, au moins une fois au cours de leur mandat. Une première vague de contrôle est prévue début 2019 sur l’utilisation par un quart des députés de leur avance au cours de l’année 2018. Pour ce faire, la déontologue a demandé des ressources humaines suffisantes.

Le bureau du Sénat, de son côté, a arrêté le 7 décembre 2017 le régime relatif aux sénateurs. Le dispositif adopté retient deux modalités de prise en charge des frais de mandat : une prise en charge directe pour certains frais (de transport et d’affranchissement notamment) et le versement d’avances pour les autres.

Depuis le 1er janvier 2018, les sénateurs perçoivent une avance générale de 5 900 euros par mois (leur IRFM s’élevait à 6 109 euros) et trois avances dédiées à des frais spécifiques (informatiques, d’hébergement sur Paris et de représentation). Une application informatique leur est proposée, afin qu’ils déclarent leurs dépenses et enregistrent leurs justificatifs. Le contrôle des dépenses imputées sur les avances relève du comité de déontologie du Sénat, qui est assisté d’un "tiers de confiance", désigné par le Conseil supérieur de l’Ordre des experts comptables. Comme à l’Assemblée nationale, le contrôle annuel ne porte que sur un "échantillon" de sénateurs. Chaque sénateur doit néanmoins faire l’objet d’au moins un contrôle au cours de son mandat.

Les deux arrêtés des bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat précisent en outre qu’en cas d’irrégularité, le parlementaire doit rembourser les dépenses indûment prises en charge. Des sanctions peuvent être également prononcées si la probité du parlementaire est en cause.

Par symétrie à la suppression de l’IRFM, le Sénat a fait adopter un amendement au projet de loi ordinaire visant à réglementer la prise en charge des frais de réception et de représentation des membres du gouvernement. Le Conseil constitutionnel a cependant jugé que cette disposition était contraire au principe de la séparation des pouvoirs. La loi ne pouvait pas, en effet, imposer au Premier ministre de prendre un décret sur de telles mesures.

Au-delà du contrôle des frais de mandat des parlementaires, la question de leur publicité est aujourd'hui posée. La HATVP préconise que les relevés de compte dédiés aux frais de mandat des parlementaires soient publiés en open data, afin de "réduire les risques d’abus". La déontologue de l’Assemblée nationale n’est pas non plus "défavorable" à une telle transparence, à condition qu’elle soit accompagnée par "des explications sur la finalité" de l’argent public mis à disposition des parlementaires. Quelques rares députés publient déjà sur leur site leurs relevés de frais de mandat.

Les dispositions intéressant l’activité de la HATVP

Les lois modifient sur trois points le régime des déclarations déposées à la HATVP, suivant certaines des recommandations qu’elle avait formulées dans son rapport d’activité 2016 :

  • le délai pendant lequel un responsable public (parlementaire, ministre, etc.) est dispensé d’adresser à la Haute Autorité une nouvelle déclaration de situation patrimoniale est porté de six mois à un an ;
  • les déclarations patrimoniales des eurodéputés français élus en 2019 sont mises à disposition des citoyens en préfecture, à l’instar de ce qui est prévu depuis 2014 pour les déclarations des parlementaires nationaux ;
  • les déontologues de l’Assemblée nationale et du Sénat ont l’obligation de déposer, s’ils ne l’ont pas déjà fait à un autre titre, une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts à partir du 1er octobre 2017.

Afin d’exercer sa mission de contrôle sur les déclarations des responsables publics, les lois prévoyaient, par ailleurs, de donner à la HATVP un droit de communication direct (sans passer par l’administration fiscale), de certains documents et renseignements. A ce titre, la HATVP aurait pu se faire communiquer les données de connexion détenues par les opérateurs de communications électroniques, les fournisseurs ou hébergeurs de tels services.

Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions : faute d’avoir assorti cette procédure de communication de garanties suffisantes, le législateur a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des personnes contrôlées.