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Européennes 2024 : quels sont les pouvoirs du Parlement européen ?

Temps de lecture  11 minutes

Par : La Rédaction

Le Parlement européen représente les citoyens des États membres de l’Union européenne. Il s’agit de la seule institution européenne élue au suffrage universel direct. Son rôle s’est renforcé au fil des traités. Le Parlement européen exerce à présent trois compétences fondamentales : législative, budgétaire et de contrôle de l’exécutif européen.

La compétence législative du Parlement européen

Les eurodéputés participent, avec le Conseil de l’Union européenne à l’adoption d’une grande partie des textes de l’Union européenne (UE).

La procédure législative ordinaire (PLO), anciennement appelée "procédure de codécision") prévoit que les propositions d’actes législatifs élaborées par la Commission européenne doivent être votées en termes identiques par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne pour être adoptées.

Cette procédure, qui place le Parlement et le Conseil de l’UE sur un pied d’égalité (ils sont co-législateurs), est la principale procédure législative depuis le traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er décembre 2009. Plus de 40 politiques de l’UE relèvent aujourd’hui de la PLO : la gouvernance économique, le commerce extérieur, la liberté, la sécurité et la justice, l’énergie, les transports, l’environnement, la protection des consommateurs, la politique agricole commune (PAC)...

D’autres domaines échappent à la PLO et sont adoptés selon deux procédures distinctes :

  • la procédure de consultation par laquelle le Parlement ne dispose que d’un rôle consultatif (cas de la politique de la concurrence, certains aspects de la politique sociale, la fiscalité...) ;
  • la procédure d’approbation qui requiert du Parlement un simple avis conforme. Cette procédure est appliquée pour l’adhésion d’un nouvel État à l’UE ou pour les modalités de retrait de l’UE ou en cas de violation grave des droits fondamentaux au sens de l’article 7 du traité sur l’Union européenne.

Les eurodéputés disposent d’un droit d’initiative législative. Ils peuvent demander à la Commission de soumettre des propositions de textes. Un rapport d’initiative législative est dans ce cas préparé par la commission parlementaire compétente (23 commissions au total), puis voté par la majorité des eurodéputés. Ces rapports peuvent aboutir soit à une réponse de la Commission, soit à une action (législative ou non). Un des rapports d’initiative législative déposé en 2017 portait par exemple sur des recommandations à la Commission concernant la révision du règlement de 2011 sur l’initiative citoyenne européenne.

Résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur le droit d’initiative du Parlement

L'objectif de la résolution est de rétablir l'équilibre institutionnel en renforçant la seule institution de l'UE directement élue par les citoyens. Elle préconise, un droit d'initiative législative "général et direct" pour le Parlement. Le Parlement rappelle qu’il a "fait un usage répété de ces droits [...] au cours des vingt dernières années". Il regrette que "trop souvent, ces procédures législatives spéciales n’aient pas été menées à terme à cause de l’absence d’accord entre la Commission et le Conseil".

La compétence budgétaire du Parlement européen

Le Parlement européen forme, avec le Conseil de l’UE, l’autorité budgétaire de l’UE.

Le Parlement et le Conseil de l’UE arrêtent des orientations sur les priorités budgétaires de l’UE. Ils votent le projet de budget annuel préparé par la Commission européenne. Depuis le traité de Lisbonne, qui a supprimé la distinction entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires, le Parlement européen a le même pouvoir que le Conseil sur l’ensemble des dépenses du budget.

Concernant le cadre financier pluriannuel (CFP), qui fixe les limites des budgets généraux annuels de l’UE, il est soumis à une procédure législative spéciale. Son adoption nécessite l’unanimité du Conseil, après approbation du Parlement à la majorité de ses membres.

Chaque année, le Parlement examine l’exécution du budget afin de donner décharge à la Commission européenne, aux autres institutions européennes et aux agences décentralisées de l’UE. Assurer la légalité, l’exactitude et la bonne gestion financière des opérations budgétaires et des systèmes de contrôle financier ainsi que la bonne gestion financière du budget de l’UE (économie, efficience et efficacité), et - c’est le rôle de la Cour des comptes européenne et du Parlement européen - veiller à ce que les objectifs soient atteints (critères de performance).

Les pouvoirs de contrôle du Parlement sur l’exécutif européen

L’investiture de la Commission européenne

Le traité de Lisbonne a modifié le mode de désignation du président de la Commission, en renforçant le poids du Parlement dans la procédure. Le président de la Commission européenne est élu par le Parlement européen, sur proposition du Conseil européen (qui réunit les chefs d’État et de gouvernement des pays membres), qui désigne son candidat à la majorité qualifiée "en tenant compte du résultat aux élections au Parlement européen".

  • Lors des élections de 2014, grâce à une interprétation extensive du traité de Lisbonne, les eurodéputés ont réussi à imposer la nomination de la tête de liste du parti vainqueur comme président de la Commission (système dit du Spitzenkandidat). C’est ainsi qu’en juillet 2014, Jean-Claude Juncker, candidat du Parti populaire européen (PPE), a été élu président de la Commission.
  • En revanche, à l’issue des élections de mai 2019, le Conseil européen a ignoré la règle du Spitzenkandidat en désignant Ursula von der Leyen comme candidate au poste de présidente de la Commission alors qu'elle n'avait pas participé à la campagne électorale. Malgré le non-respect de cette règle, Ursula von der Leyen a été élue par le Parlement européen le 16 juillet 2019.
  • Pour les élections européennes de 2024, le Parlement a approuvé des propositions avec l'objectif de renforcer la dimension démocratique du scrutin et de promouvoir le système des candidats têtes de liste. Le 12 décembre 2023, le Parlement a adopté un rapport qui appelle à des mesures pour stimuler la participation électorale pour le scrutin de juin 2024 au-delà des chiffres en hausse enregistrés en 2019. Il demande également un accord contraignant avec le Conseil européen sur la manière d'élire le prochain président de la Commission.

S’agissant des commissaires européens, ils sont désignés par les États membres (Conseil de l'Union européenne) mais doivent faire l’objet, en tant que collège, d’un vote d’approbation du Parlement. Les candidats sont, au préalable, auditionnés par les commissions parlementaires compétentes, qui peuvent refuser de les investir. Ce fut le cas en 2004 pour le candidat Italien Rocco Buttiglione, auteur de propos controversés sur l’homosexualité et la famille, ou en 2014 pour la candidate slovène Alenka Bratusek après une audition n’ayant pas convaincu les eurodéputés.

Le contrôle de l’activité de la Commission européenne

Le Parlement européen peut adopter une motion de censure (ou "motion de défiance") à l’encontre de la Commission, contraignant les commissaires à abandonner collectivement leurs fonctions. À ce jour, le Parlement, en dépit de plusieurs tentatives, n’a jamais adopté de motion fondée sur les dispositions du traité pour faire tomber la Commission.

La Commission est tenue de soumettre régulièrement au Parlement des rapports, y compris un rapport annuel sur les activités de l’UE et sur l’exécution du budget.

Les autres moyens de contrôle dont dispose le Parlement

Le Parlement européen peut créer des commissions temporaires d’enquête, chargées d’examiner d’éventuelles infractions ou une mauvaise application du droit de l’Union européenne par les États membres ou en cas de crise.

Le Parlement peut créer des commissions spéciales pour traiter de sujets spécifiques. Leur mandat est de douze mois mais peut être éventuellement prolongé. En 2020, le Parlement a constitué des commissions spéciales sur la lutte contre le cancer, l’intelligence artificielle et l’ingérence étrangère, notamment en matière de désinformation. En mars 2022, une commission spéciale sur la pandémie COVID-19 a été mise en place. Le 12 juillet 2023, les eurodéputés ont adopté son rapport sur les leçons tirées de la crise sanitaire et les recommandations pour l'avenir pour la gestion de futures crises sanitaires.

Le Parlement européen peut aussi demander des explications à la Commission et au Conseil par le biais de questions écrites ou orales et recevoir des pétitions émanant des citoyens européens.

Le Parlement dispose, en outre, d’un droit de recours en annulation d’actes adoptés en application du droit européen. Ainsi, s’il estime qu’un acte adopté par une autre institution n’est pas conforme aux traités, il peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Les eurodéputés peuvent enfin solliciter l’avis préalable de la CJUE sur la compatibilité d’un accord international avec le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Quels sont les projets du Parlement européen pour réformer les institutions européennes ?

Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009, l'Union européenne n'a pas réalisé de réforme de ses traités. Or, l’UE doit faire face à une nouvelle réalité démocratique, géopolitique, climatique et technologique.

Les eurodéputés ont, le 9 juin 2022, adopté une résolution sur la convocation d’une convention pour la révision du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Puis, dans une résolution approuvée le 22 novembre 2023, le Parlement a réitéré sa demande de révision des traités européens. Il invite le Conseil de l'Union européenne à soumettre au Conseil européen, "immédiatement et sans délibération", les propositions développés dans le texte. Et il demande au Conseil européen de convoquer "dès que possible une convention conformément à la procédure de révision ordinaire prévue à l’article 48, paragraphes 2 à 5, du traité sur l’Union européenne".

Le rapport contenant les propositions a été approuvé par 305 voix pour, 276 voix contre et 29 abstentions. Ces résultats illustrent les divisions à propos de futures réformes des traités qui existent entre les groupes politiques présents au sein du Parlement.

Le rapport défend la nécessité d'une révision des traités et plaide pour une réforme qui mettrait un terme à l'approche intergouvernementale à l'unanimité.

Le texte préconise, entre autres :

  • d'augmenter le nombre de domaines dans lesquels les actions sont décidées à la majorité qualifiée, en abandonnant par exemple l'exigence d'unanimité en matière de politique étrangère (sanctions, élargissement...) mais aussi sur le déclenchement d'une procédure destinée à protéger l'État de droit dans l'UE ;
  • de réformer le processus décisionnel au sein de l’Union, afin de mieux refléter un système bicaméral, en donnant davantage de compétences au Parlement européen ;
  • d'inverser les rôles du Conseil de l'Union européenne et du Parlement dans la nomination et la confirmation du président de la Commission, avec l'objectif de refléter plus précisément les résultats des élections européennes ;
  • de modifier la composition de la Commission européenne, qui serait rebaptisée "exécutif européen" et dont les membres seraient réduits à 15 commissaires (contre 27 actuellement, un par État membre) ;
  • de renforcer davantage la transparence au sein du Conseil de l'UE grâce à la publication des positions des États membres sur les questions législatives ;
  • d'étendre la participation des citoyens en obligeant l’UE à créer des mécanismes de participation appropriés et en donnant aux partis politiques européens un rôle plus important.

Dans son discours sur l’état de l’Union en 2023, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a apporté son soutien à une convention pour réformer les traités de l’Union européenne.

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