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Neutralité carbone, adaptation... La politique de la France face au changement climatique

Temps de lecture  10 minutes

Par : La Rédaction

La France a adopté une stratégie pour l'énergie et le climat avec l'objectif d'atteindre la neutralité carbone en 2050, conformément à l'accord de Paris et au Pacte vert pour l'Europe. En complément, elle a aussi élaboré une stratégie nationale d’adaptation au changement climatique.

Face au changement climatique, les États sont amenés à mettre en œuvre deux types de politiques :

  • des politiques d’atténuation qui cherchent à éviter les dérèglements climatiques par une action globale et de long terme sur le niveau des émissions de gaz à effet de serre (GES) ; 
  • des politiques d’adaptation qui prennent acte de la réalité présente de ces dérèglements et de leur inexorable aggravation à moyen terme.

La neutralité carbone à l’horizon 2050

Comme tous les États signataires de l’accord de Paris, conclu en décembre 2015 à l'issue de la 21eConférence des parties (COP), la France s'est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050, c'est-à-dire trouver un équilibre entre les émissions de GES et la compensation permise par les puits de carbone (réservoirs naturels ou artificiels absorbant du carbone).

Pour y parvenir, elle s'appuie sur deux stratégies : 

  • la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) qui décrit la feuille de route pour réduire les émissions de GES ;
  • la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui fixe les priorités des pouvoirs publics dans le domaine de l’énergie.

La stratégie nationale bas-carbone (SNBC)

La SNBC a été instaurée par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Elle définit des plafonds d'émissions de GES, appelés "budgets carbone", à ne pas dépasser.
Chaque budget est réparti à la fois :

  • par grands secteurs (aviation civile domestique…), notamment ceux pour lesquels la France a pris des engagements européens ou internationaux ;
  • par secteur d’activité (transports, bâtiment, industrie, agriculture…) ;
  • par catégorie de gaz à effet de serre.

Les budgets carbone sont établis sur des périodes de 5 ans et sont exprimés en millions de tonnes de CO2 équivalent (MtCO2eq). Initialement fixés par un décret du 18 novembre 2015, ils ont été révisés par le décret du 21 avril 2020 :

  • le budget carbone 2019-2023 prévoyait un plafond de 422 MtCO2eq ;
  • le budget carbone 2024-2028 prévoit un plafond de 359 MtCO2eq ;
  • le budget carbone 2029-2033 prévoit un plafond de 300 MtCO2eq.

La neutralité carbone à atteindre en 2050 représente des émissions de GES de 80 MtCO2eq pour une absorption de 80 MtCO2eq par les puits de carbone (soit zéro émissions nettes).

La SNBC poursuit notamment les quatre grands objectifs suivants : 

  • décarboner totalement la production d’énergie à l’horizon 2050 en se reposant uniquement sur les ressources en biomasse (déchets de l’agriculture et des produits bois, bois énergie…), la chaleur issue de l’environnement (géothermie, pompes à chaleur…) et l’électricité décarbonée ;
  • réduire de moitié les consommations d’énergie dans tous les secteurs (transports, bâtiment...), en renforçant l’efficacité énergétique et les performances des équipements et en développant des modes de vie plus sobres et une économie circulaire ;
  • réduire les émissions non liées à la consommation d’énergie (par exemple celles de l’agriculture, ou des procédés industriels) ;
  • augmenter les puits de carbone naturels (forêts, marais...) et développer des technologies de capture et stockage du carbone pour absorber les émissions résiduelles incompressibles.

La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)

La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) a également été créée par la loi du 17 août 2015. C'est un outil de pilotage de la politique énergétique qui établit les priorités d’action du gouvernement en matière d’énergie pour la France hexagonale sur une période de 10 ans (tous les 5 ans la PPE est actualisée : la deuxième période de 5 ans est révisée et une période subséquente de 5 ans est ajoutée). 

La PPE poursuit notamment les quatre grands objectifs suivants : 

  • faire baisser la consommation d'énergie ;
  • réduire l'usage des énergies fossiles (charbon, fioul, gaz...) ;
  • diversifier le mix énergétique en développant les énergies renouvelables (géothermie, carburants biosourcées, photovoltaïque, biogaz, éolien...) en réduisant la part du nucléaire ;
  • maîtriser la facture énergétique, créer des emplois.

La PPE de la période 2019-2028 a été adoptée par décret le 21 avril 2020.

Où en est-on aujourd'hui ?

Les émissions de GES en France sur la période 2015 et 2018 ont dépassé de 3% le budget carbone défini par la première version de la SNBC (2015).

Ce dépassement du plafond d'émissions de GES a conduit la commune de Grande-Synthe (commune littorale de la mer du Nord particulièrement exposée aux effets du changement climatique) et son maire à saisir le Conseil d’État en décembre 2018. Ils ont par la suite été soutenus par les villes de Paris et Grenoble ainsi que par plusieurs organisations de défense de l’environnement (Oxfam, Greenpeace, Notre affaire à tous et la Fondation Nicolas Hulot).
À la suite de cette saisine, le Conseil d’État a rendu plusieurs décisions demandant au gouvernement de prendre des mesures pour limiter les émissions de GES. La décision du 10 mai 2023 enjoint le gouvernement à prendre de nouvelles mesures d'ici le 30 juin 2024.

Concernant le deuxième budget carbone, les données ne sont pas disponibles sur toute la période 2019-2023. Le centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa) assure la réalisation des inventaires nationaux d'émissions de polluants atmosphériques et de GES pour le compte du ministère chargé de l'écologie. Sur son tableau de bord des engagements climat, il indique des objectifs atteints pour 2019 (435 MtCO2eq), 2020 (393 MtCO2eq) et 2021 (418 MtCO2eq - en attente des chiffres définitifs). 

Dans son rapport annuel 2023, le Haut Conseil pour le climat (HCC) relève que : "Le rythme de réduction d’émissions brutes de la France doit presque doubler pour atteindre les objectifs du paquet législatif européen Fit for 55 en 2030."

Les lois promulguées dans la continuité de la stratégie pour l'énergie et le climat 

L'article L100-1 A du code de l'énergie prévoit le vote d'une loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) tous les 5 ans. Elle détermine les objectifs :

  • de réduction des émissions de gaz à effet de serre ;
  • de réduction de la consommation énergétique finale (notamment pour la consommation énergétique primaire fossile) et les niveaux minimal et maximal des obligations d’économies d’énergie ;
  • de développement des énergies renouvelables (pour l’électricité, la chaleur, le carburant, le gaz) et de l’hydrogène renouvelable et bas-carbone ;
  • de diversification du mix de production d’électricité ;
  • de rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment ;
  • permettant d’atteindre ou de maintenir l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer.

La 1ere LPEC aurait dû être publiée avant le 1er juillet 2023.

S’adapter aux changements climatiques

Les changements climatiques sont déjà visibles et vont inéluctablement s'aggraver avec :

  • des vagues de chaleur plus nombreuses, plus longues, plus précoces et plus tardives ;
  • des précipitations augmentant en hiver déclenchant des inondations et des débordements de cours d'eau ;
  • une évaporation plus importante menant à une baisse de la ressource en eau.

L’adaptation, qui vise à réduire les vulnérabilités sociales et économiques des individus, des territoires (notamment ultra marins) et des secteurs d’activité, dues aux conséquences du changement climatique, poursuit quatre grands objectifs :

  • protéger les personnes et les biens en agissant pour la sécurité et la santé publique ;
  • tenir compte des aspects sociaux et éviter les inégalités devant les risques ;
  • limiter les coûts et tirer parti des avantages ;
  • préserver le patrimoine naturel.

La stratégie nationale d’adaptation au changement climatique a été élaborée dans le cadre d’une concertation, menée par l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC). Elle a été validée par le comité interministériel pour le développement durable réuni le 13 novembre 2006 par le Premier ministre.

Le PNACC ne traite que des mesures qui relèvent du niveau national. La territorialisation
spécifique de l’adaptation relevant des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET).

Le 1er Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) a couvert la période 2011-2015. 

Ce plan comportait 20 "fiches-action" correspondant aux domaines suivants : actions transversales, santé, eau, biodiversité, risques naturels, agriculture, forêt, pêche et aquaculture, énergie et industrie, infrastructures de transport, urbanisme et cadre bâti, tourisme, information, formation, recherche, financement et assurance, littoral, montagne, actions européennes et internationales, gouvernance. L'évaluation du 1er PNACC a fait l'objet d'un rapport publié en novembre 2015. 

Le 2e Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-2) a couvert la période 2018-2022. 

S’appuyant sur les évaluations du 1er PNACC et les travaux de concertation nationale, ce plan était structuré selon les 6 domaines d'action suivants : 

  • gouvernance (articulation des échelons nationaux et territoriaux, implication de la société, renforcement du cadre juridique et normatif) ;
  • connaissance et information (amélioration des connaissance scientifiques et sensibilisation de la population) ;
  • prévention et résilience (protection des personnes et des biens face aux risques climatiques) ;
  • filières économiques (préparation des filières économique aux changements attendus en renforçant le potentiel de créations d'emplois et d'innovation) ;
  • nature et milieux (préférence, partout où cela est possible, pour des solutions fondées sur la nature) ;
  • international (bénéfice des expériences menées dans les autres pays et renforcement des capacités des acteurs français à accompagner les pays en développement dans leurs propres politiques d’adaptation au changement climatique).

Ces 6 domaines se déclinaient en 29 thèmes, 58 actions, 389 sous-actions opérationnelles et 100 indicateurs de suivi.

Le 3e Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3) est actuellement en cours de préparation.

Il s'appuiera sur la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC).

Le PNACC-3 doit intégrer un scénario plus réaliste compte tenu des difficultés à stabiliser puis réduire les émissions de GES de serre à l’échelle mondiale. Même si la France vise la neutralité carbone en 2050, il s’agit de s’adapter progressivement aux niveaux de réchauffement suivants, par rapport à l'ère pré-industrielle :

  • 2030 : +1,5°C dans le monde, soit à +1,5°C en France métropolitaine ;
  • 2050 : +2°C dans le monde, soit +2,7°C en France métropolitaine ;
  • 2100 : +3°C dans le monde, soit +4°C en France métropolitaine.