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Finances publiques et sociales : les lois 2017-2022

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Les budgets de l'État et de la Sécurité sociale ont fortement varié entre 2017 et 2022. La crise du Covid-19 a balayé l'objectif de retour à l'équilibre des comptes fixé par la loi de programmation 2018-2022. Ce dossier revient sur les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale votées durant ces cinq années.

Des comptes publics et sociaux déficitaires

Sur la période 2017-2022, les années 2018 et 2020 sont les plus marquantes. Alors qu'en 2018, le déficit public et et le déficit de la sécurité sociale enregistrent des baisses qu'ils n'ont pas connues depuis des années (respectivement de 2,5% du PIB et de 1,2 milliard), ils atteignent des hausses historiques en 2020 (9,2% du PIB et près de 39 milliards). Fin 2021, la dette publique, qui est le résultat des déficits passés, s'élève à plus de 2 800 milliards d’euros et représente près de 113% du produit intérieur brut (PIB).

Le déficit public en France est chronique à partir de 1975, année du premier choc pétrolier. Depuis les années 1990, le déficit public oscille entre réduction et forte hausse, sous l'effet de différentes crises (récession de 1993, fort recul de la croissance en 2003, crise financière des subprimes de 2008, crise sanitaire et économique de 2020).

En vertu du traité de Maastricht de 1992 et du pacte de stabilité et de croissance de 1997, la France et les autres pays européens doivent limiter leur déficit public à 3% de leur PIB. Une clause dérogatoire dite de sauvegarde est prévue en cas de crise. Elle a été activée en mars 2020 en raison de la pandémie de Covid-19 jusqu'à la fin de l'année 2022.

 

 

Les comptes de la Sécurité sociale ont également connu beaucoup d’années de déficit à partir des chocs pétroliers. Depuis 2002, ils n'ont jamais été excédentaires. 
Le "trou" de la Sécurité sociale s'est creusé avec la crise financière de 2008, avant de se réduire au cours de la période 2010-2018, puis de revenir à une trajectoire à la hausse en 2019.
En 2020, l’épidémie de Covid-19 a provoqué le déficit le plus élevé jamais enregistré par la Sécurité sociale.

Lois financières votées en 2017 et résultats 2018

Fin 2017, la loi de finances pour 2018 prévoit de ramener le déficit public à 2,6% du produit intérieur brut (PIB). Ses mesures phares sont le remplacement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), la baisse de l'impôt sur les sociétés, la suppression de la taxe d'habitation ou encore la hausse de 1,7 point de la contribution sociale généralisée (CSG) pour résorber le déficit public chronique.

Du coté du budget de la sécurité sociale, la loi de financement pour 2018 table sur un déficit de 2,2 milliards d'euros et un retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale à l'horizon 2020, situation qu'elle n'a pas connue depuis 2001.

D'après les chiffres définitifs de l'Insee, le déficit public en 2018 s'établit à 59,5 milliards d'euros, soit 2,5% du PIB (après 2,8% en 2017 et 3,5% en 2016). C'est le plus bas niveau de déficit enregistré depuis 2006. La dette publique s'élève à 2 315,3 milliards d’euros fin 2018 et atteint 98,4% du PIB, comme fin 2017.

Quant au déficit de la sécurité sociale en 2018, la Cour des comptes constate que le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse se rapproche de l’équilibre, à -1,2 milliard d’euros (après -5,1 milliards en 2017 et -7 milliards en 2016) dans son rapport sur la situation financière de la sécurité sociale en 2018. Le déficit est plus faible qu'annoncé, en raison du fort dynamisme des recettes. L’objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) est respecté en 2018 pour la neuvième année consécutive, ce qui a permis de contenir sa progression annuelle sous 2,5% depuis cinq ans.

Lois financières votées en 2018 et résultats 2019

Début 2018, la loi de programmation des finances publiques (LPFP) fixe les objectifs pluriannuels de maîtrise des finances publiques à l'horizon 2022 : baisse de la dette publique à 91,4% du PIB, déficit public proche de l’équilibre (-0,3%), solde des administrations de la sécurité sociale à +0,8%, réduction des dépenses publiques de plus de 3 points et suppression de 50 000 emplois dans la fonction publique d'État grâce au plan de réforme de l'État  "Action publique 22". Ce texte présente, par ailleurs, les priorités du grand plan d’investissement de 57 milliards d'euros et introduit un pacte financier entre l’État et les collectivités, dit "pacte de Cahors", pour maîtriser les dépenses locales.

Fin 2018, la loi de finances pour 2019 prévoite un déficit public à 3,2% du PIB. Elle poursuit les baisses d'impôts déjà engagées en 2018 et instaure le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Pour répondre au mouvement des "Gilets jaunes", des mesures pour les plus faibles revenus sont adoptées et la hausse de la taxe carbone sur les carburants est annulée. D'autres mesures d'urgence économiques et sociales sont votées via une loi du 24 décembre 2018.

Du coté du budget de la sécurité sociale, la loi de financement pour 2019 prévoit un retour à l'équilibre des comptes dès 2019, avec un léger excédent.

D'après les chiffres définitifs de l'Insee, le déficit public en 2019 s'établit à 72,7 milliards d’euros, soit 3% du PIB. La dette publique s'élève à 2 380 milliards d’euros fin 2019, après 2 315 milliards un an plus tôt. Elle atteint 98,1% du PIB.

Quant au déficit de la Sécurité sociale en 2019, la Cour des comptes relève que le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse est reparti à la hausse à -1,9 milliard dans son rapport sur les résultats de la Sécurité sociale en 2019. Le déficit 2019, comme celui de 2018, marque l’interruption d’une longue séquence de retour à l’équilibre. L'ONDAM est respecté pour la dixième année consécutive. Les dépenses d'assurance maladie augmentent de 2,6% (au lieu des 2,5% prévus) pour la mise en œuvre du plan "Ma santé 2022".

Lois financières votées en 2019 et résultats 2020

Fin 2019, la loi de finances pour 2020 prévoit de ramener le déficit public à 2,2% du PIB (au lieu de 3% en 2019) et d'augmenter la dépense publique à 53,4% du PIB (de +0,7%). Elle baisse notamment de 5 milliards d'euros l'impôt sur le revenu et contient plusieurs mesures sur la fiscalité écologique.

Du coté du budget de la Sécurité sociale, la loi de financement pour 2020 prévoit un déficit de 5,4 milliards d’euros et un ONDAM de 2,45%. 300 millions sont budgétés pour les hôpitaux en vertu du plan d'urgence pour l’hôpital public.

Les prévisions des lois de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2020 ont été bouleversées par l'épidémie de Covid-19, apparue en France début 2020.

D'après les chiffres définitifs de l'Insee, le déficit public en 2020 atteint un niveau historique de 9,2% du PIB (contre les 2,2% prévus), soit 212 milliards d’euros. Dans le contexte de la crise sanitaire, les dépenses publiques sont en forte hausse avec les mesures de soutien à l’économie et à l’emploi, tandis que les recettes publiques chutent en raison de la baisse de l’activité. La dette publique en 2020 augmente de plus 270 milliards pour s'élever à 2 650,1 milliards d’euros, soit 115,1 % du PIB.

Quant au déficit de la Sécurité sociale, la Cour des comptes relève un accroissement considérable de la dette sociale dans son rapport sur les résultats de la Sécurité sociale en 2020, en raison de la chute des recettes et du surcroît de dépenses. Le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse, estimé au niveau inédit de 44,4 milliards, est finalement de 38,7 milliards d'euros (contre les 5,4 milliards prévus). L'ONDAM s'envole à près de 10%. La Cour des comptes appelle à une inflexion des dépenses pour contenir la dette sociale.

Lois financières votées en 2020 et résultats 2021

Au cours de l'année 2020, quatre lois de finances rectificatives sont adoptées pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire : garantie de l’État pour les prêts aux entreprises, financement massif du chômage partiel, fonds d'urgence pour les TPE, primes défiscalisées pour les soignants, aides pour les ménages modestes, fonds de recapitalisation des entreprises stratégiques, soutiens aux secteurs les plus touchés par la crise...

Fin 2020, la loi de finances pour 2021 est largement consacrée à la relance de l'économie. Elle déploie le plan "France relance" de 100 milliards d'euros annoncé en septembre 2020, pour répondre à la récession provoquée par l'épidémie de Covid-19. Pour 2021, la loi prévoit de ramener le déficit public à 8,5% du PIB et la dette publique à 122,4%.

Du coté de la Sécurité sociale, les lois du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et à l’autonomie permettent le transfert de 136 milliards d’euros à la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) pour apurer la dette sociale. La durée de la CADES est prolongée. La date de fin de remboursement de la dette portée par la CADES est repoussée de 2024 à 2033.

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 finance des dépenses liées à la crise sanitaire, les engagements du Ségur de la santé, la cinquième branche dédiée à l'autonomie ou encore l'allongement du congé de paternité. Le déficit de la Sécurité sociale en 2021 est estimé à près de 36 milliards d'euros.

D'après les premiers résultats de l'Insee, le déficit public en 2021 s'élève à près de 170 milliards d'euros, soit 6,5% du PIB (contre les 8,5% annoncés). Les recettes, portées par le rebond économique, sont en hausse de 8,4%. Les dépenses progressent de 4%, après 5,1% en 2020. En hausse de 57,1 milliards d'euros, elles s’établissent à 59,2% du PIB, après 61,4% en 2020 et 55,4% en 2019. La dette publique atteint 2 813 milliards d’euros fin 2021 et diminue à 112,9% (contre les plus de 122% prévus), en raison du rebond du PIB.

Quant aux comptes de la Sécurité sociale, selon le ministre des solidarités et de la santé, le déficit 2021 du régime général et du fonds de solidarité vieillesse s'établit finalement à 24,4 milliards d'euros (en résorption de 14,3 milliards par rapport à 2020). Ce résultat, meilleur qu'annoncé, s'explique par une hausse de près de 10% des recettes en raison de la croissance économique (+7% du PIB). L'ONDAM atteint 239,5 milliards d’euros, soit 0,7 milliard d’euros de plus que l’ONDAM 2021 tel que rectifié en LFSS pour 2022. Le déficit de la branche maladie s’élève à 26 milliards d’euros, après plus de 30 milliards en 2020.

Lois financières votées en 2021 et 2022

Au cours de l'année 2021, deux budgets rectificatifs sont votés. Le premier soutient les entreprises et le pouvoir d'achat des salariés dans la sortie de la crise et poursuit le plan de relance de 100 milliards d'euros. Le second permet de financer "l'indemnité inflation" de 100 euros en faveur des ménages face à la hausse des prix ainsi qu'un complément de 100 euros au "chèque énergie" pour les ménages les plus modestes.

Fin 2021, la loi de finances pour 2022 prévoit une amélioration de la situation des finances publiques, après deux années marquées par des budgets de crise. Le déficit public devrait diminuer à 5% du PIB en 2022 et la dette publique serait ramenée à 113,5%. Les principales mesures du budget 2022 sont la mise en place d'un bouclier tarifaire face à la hausse des prix de l'énergie, le plan France 2030 de 34 milliards d'euros, la création d'un revenu d'engagement pour les jeunes et le plan pour Marseille.

En décembre 2021, une réforme de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) est également adoptée.

Du coté du budget de la Sécurité sociale, la loi pour 2022 continue de financer les dépenses liées à l'épidémie du Covid-19 et le Ségur de la santé. Des crédits sont également votés en faveur de la psychiatrie et du grand âge, de même que pour le plan "travailleurs indépendants". Le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse se réduirait à 20,4 milliards d'euros en 2022, principalement en raison de la baisse des dépenses de crise votée. La trajectoire des comptes restera dégradée dans les prochaines années. Le déficit social pourrait encore atteindre 11 milliards fin 2025.
Concernant l'ONDAM, il est orienté, pour la première fois de son histoire, à la baisse (-1%).

En mars 2022, une loi organique réforme le cadre d'examen des projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Le contrôle du Parlement est renforcé, le calendrier d'examen du PLFSS est avancé au 1er mardi du mois d'octobre (en même temps que le projet de loi de finances) et une nouvelle catégorie de loi de financement est créée : la loi d'approbation des comptes de la Sécurité sociale (LACSS).

Elle est complétée par une loi ordinaire, qui instaure une nouvelle procédure de saisine des caisses de la Sécurité sociale pour avis sur les PLFSS.