Simone Veil : la loi sur l'avortement. Épisode 2
Par : Anne-Laure Farges - Auteure-scénariste et Sébastien Lagarrigue - Illustrateur, graphiste et dessinateur de bandes dessinées
Simone Veil : la loi sur l’avortement
Épisode 2 : une loi qui oppose
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Synopsis : Dans un café, Louise discute avec sa mère de l’opposition virulente qu’a soulevée le projet de loi sur l’avortement défendu par Simone Veil lors des trois jours de débat à l’Assemblée nationale. Trois jours pendant lesquels les langues se sont déliées, pour le meilleur comme pour le pire.
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- Case 1
Intérieur jour salon. Un père et ses quatre enfants sont assis, blottis les uns contre les autres, devant un poste de TV et regardent le discours de Simone Veil retransmis en direct.
26 novembre 1974.
SIMONE VEIL :
Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes.
- Case 2
Intérieur jour salon. Plan rapproché de la petite fille (la mère de Louise) serré contre son père, son ours en peluche dans les bras.
SIMONE VEIL :
C’est toujours un drame cela restera toujours un drame.
- Case 3
Intérieur jour café, Louise et sa mère, plan rapproché de celle-ci.
MÈRE :
Je ne me rappelle pas grand-chose de ce discours retransmis en direct, mais je me souviens très bien que nous étions tous les quatre avec mon père et mes frères et sœurs devant la télé.
Mon père a fondu en larmes juste après.
- Case 4
Intérieur jour café, Louise et sa mère.
MÈRE :
Il faut se rappeler les réactions suite à ce discours ! Simone Veil a souvent évoqué le « climat de passions » qui régnait. Pendant les trois jours de débats qui ont suivi, tout a été dit, même le pire.
- Case 5
Intérieur nuit Assemblée nationale. Plan rapproché sur Jean Foyer à la tribune.
Encart texte
26 novembre 1974. Les débats commencent à l’Assemblée nationale. Jean Foyer, député de la majorité de droite, est le premier opposant au projet à monter à la tribune.
JEAN FOYER :
Déjà des capitaux sont impatients de s’investir dans l’industrie de la mort, et le temps n’est pas loin où nous connaîtrons en France « ces avortoirs », ces abattoirs, où s’entassent des cadavres de petits hommes et que certains de mes collègues ont eu l’occasion de visiter à l’étranger.
- Case 6
Intérieur nuit Assemblée. Lucien Neuwirth à la tribune.
Encart texte
Lucien Neuwirth, député de la majorité qui avait défendu en 1967 le projet de loi sur la contraception, s’exprime.
LUCIEN NEUWIRTH :
… or chacun le sait, l’avortement n’est pas autre chose que l’issue extrême, l’alternative détestable d’une grossesse non désirée.
Il convient donc de s’attaquer à l’effet et non à la cause.
- Case 7
Intérieur nuit Assemblée. Michel Debré à la tribune.
Encart texte
L’ancien Premier ministre Michel Debré, lui, plaide pour une maternité féconde.
MICHEL DEBRÉ :
Je souffre du mépris où est tenue la conception de la vie et de l’absence d’éducation de la responsabilité en un temps où, à juste titre, chacun se veut responsable.
- Case 8
Intérieur nuit Assemblée. Albin Chalandon à la tribune.
Encart texte
Albin Chalandon, autre député de la majorité, soutient le projet de loi.
ALBIN CHALENDON :
L’avortement existe. L’interdire ne sert à rien […]. Je soutiens ce projet parce qu’il est humain, mesuré, social, parce qu’il est conforme à une conception libérale de l’individu, faisant confiance à sa capacité d’exercer sa responsabilité.
- Case 9
Intérieur nuit Assemblée. Jean-Marie Daillet, député de la majorité, à la tribune.
Encart texte
Les opposants continuent d’attaquer avec virulence. Jean-Marie Daillet à la tribune.
JEAN-MARIE DAILLET :
On est allé, quelle audace incroyable, jusqu’à déclarer tout bonnement qu’un embryon était un agresseur. Eh bien ! ces agresseurs, vous accepterez, Madame, de les voir, comme cela se passe ailleurs, jetés au four crématoire ou remplir des poubelles.
- Case 10
Intérieur nuit Assemblée.
Gros plan sur Simone Veil au banc des ministres, qui semble abattue et choquée par cette dernière intervention.
- Case 11
Intérieur nuit Assemblée. Jean-Pierre Cot à la tribune.
Encart texte
Parmi les discours de soutien à Simone Veil, celui du député socialiste Jean-Pierre Cot.
JEAN-PIERRE COT :
Madame le ministre, votre courage et votre détermination font l’admiration de vos amis comme de vos adversaires. Nous vous demandons de tenir bon !
- Case 12
Intérieur jour café. Louise et sa mère.
MÈRE :
Le troisième jour, alors que les débats se poursuivent, le député Emmanuel Hamel fait entendre un enregistrement de battements de cœur d’un fœtus.
Il est rappelé à l’ordre par le président de séance.
- Case 13
Intérieur jour Assemblée. Plan sur le président de séance Edgar Faure.
Encart texte
Edgar Faure, président de l’Assemblée nationale.
EDGAR FAURE :
Monsieur Hamel, vous n’avez pas le droit, à cette tribune, de faire entendre une autre voix que la vôtre.
- Case 14
Intérieur jour café. Louise et sa mère
LOUISE :
Je n’en reviens pas que certains aient osé mentionner les fours crématoires et le nazisme devant Simone Veil !
MÈRE :
Il lui en a fallu du courage et de la détermination ! Surtout face à tant d’hypocrisie !
- Case 15
Intérieur jour café. Plan rapproché sur la mère de Louise
MÈRE :
Tout le monde savait que les femmes qui en avaient les moyens pouvaient aller se faire avorter en Angleterre ou en Suisse. C’est pour les plus modestes que c’était compliqué !
Comme pour ta grand-mère…
- Case 16
Intérieur jour Sénat. Plan sur Simone Veil qui s’adresse aux sénateurs.
Encart texte
13 décembre 1974. Discours de Simone Veil au Sénat avant le vote qui se tiendra 20 décembre 1974.
SIMONE VEIL :
Le premier motif, c’est l’inégalité insupportable des femmes devant une grossesse non désirée. Que la vie, que la santé, que les futures maternités d’une femme soient liées de la sorte à son niveau socioprofessionnel, c’est là une injustice insoutenable.
- Case 17
Intérieur jour café. Louise et sa mère.
LOUISE :
Il s’agissait donc bien d’un problème de société.
MÈRE :
Bien sûr ! Parmi les farouches opposants, on retrouvait le mouvement « Laissez-les vivre » fondé par Geneviève Poullot et le professeur Jérôme Lejeune qui affirmait :
« Un médecin n’est jamais fait pour tuer. »
- Case 18
Extérieur jour Assemblée. Un groupe de gens partisans du mouvement « Laissez-les vivre » se tient en bas des marches, devant la grille de l’Assemblée, tenant des pancartes indiquant : « Non à la vivisection », « Avorter c’est tuer ». Ils forment une haie autour de Simone Veil sur le point de passer la grille de l’Assemblée nationale.
MÈRE en off :
Ils inondaient les députés de tracts et de brochures, ils manifestaient devant l’Assemblée, certains allant jusqu’à lancer des imprécations au passage de Simone Veil.
- Case 19
Intérieur nuit Assemblée. Simone Veil à la tribune
SIMONE VEIL :
Il n’y a plus d’échappatoire. Le Parlement doit choisir et prendre ses responsabilités vis-à-vis du pays.
- Case 20
Intérieur nuit Assemblée, plan large sur la tribune.
Encart texte
Nuit du 29 au 30 novembre 1974, à 3 h 40. Après 3 jours de débat où 64 orateurs se sont succédé, Edgar Faure, président de l’Assemblée nationale, annonce les résultats du vote, en première lecture, devant une salle archi comble.
EDGAR FAURE :
Le scrutin est clos.
Nombre de votants : 479. Suffrage exprimé : 473. Majorité absolue : 237.
Pour : 284. Contre : 189. L’Assemblée nationale a adopté.
- Case 21-22
Plan rapproché écran télévision
Encart texte
L’enjeu était double pour Simone Veil : rassembler un maximum de voix au sein de sa majorité, largement réfractaire, et gagner les voix de l’opposition, certes très favorable, mais avec le risque que le gouvernement soit alors mis en difficulté.
20 décembre 1974. Au final, la loi est votée à l’unanimité à une abstention près, par l’opposition, et par une partie de la majorité.
Les résultats ci-dessous apparaissent sur l’écran de télévision.
POUR CONTRE
UDR 55 sur 174 UDR 106 sur 174
RI 17 sur 65 RI 47 sur 65
CENTRISTE 27 sur 52 CENTRISTE 24 sur 52
PS 105 sur 106 PS 0 sur 106
PC 74 sur 74 PC 0 sur 74
- Case 23
Intérieur jour café. Louise et sa mère.
LOUISE :
Aujourd’hui encore, rien n’est simple. Quand on pense que le droit à l’avortement est remis en question dans certains pays comme aux États-Unis ou au Brésil…
MÈRE :
Le chemin est encore long et les femmes n’ont pas fini de se battre, crois-moi !
- Case 24
Intérieur nuit Assemblée, gros plan de Simone Veil.
Encart texte
3 h 40 du matin. Simone Veil clôt la séance en s’adressant à ses opposants.
SIMONE VEIL :
J’espère que ceux qui sont troublés de voir qu’un texte, qui va contre leur conscience, a été adopté se rendront compte que l’Assemblée a finalement adopté la meilleure solution.
FIN
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