Simone Veil : la loi sur l'avortement. Épisode 1
Par : Anne-Laure Farges - Auteure-scénariste et Sébastien Lagarrigue - Illustrateur, graphiste et dessinateur de bandes dessinées
Simone Veil : la loi sur l’avortement
Épisode 1
____________________________________________________________________
Synopsis : Louise accompagne son amie Mariam au Planning familial. L’histoire du féminisme n’a pas de secret pour elle, et pour cause… Alors que Mariam attend son tour, Louise lui raconte le long parcours suivi avant d’arriver à l’adoption de la loi Veil fin 1974. Son récit, entrecoupé d’extraits du fameux discours de Simone Veil à l’Assemblée nationale, nous replonge dans le contexte d’une époque où le combat des femmes pour contrôler et choisir leurs grossesses est en marche.
____________________________________________________________________
- Case 1 :
Intérieur jour appartement, séjour. Plan sur une femme d’une cinquantaine d’années et d’un homme (son compagnon) assis sur un canapé, et deux jeunes femmes d’environ 20 ans, Louise et Mariam, debout derrière : tous sont devant une télévision. La femme est visiblement bouleversée. En off, un extrait du discours d'Emmanuel Macron lors de la cérémonie de l’entrée au Panthéon de Simone Veil et son mari.
Encart texte :
Dimanche 1er juillet 2018. Retransmission de l’entrée au Panthéon de Simone Veil et de son mari Antoine Veil.
« Justice pour les femmes incertaines de leurs droits et de leur place dans la société, pour les femmes reléguées par les lois, les clichés, les conventions. »
- Case 2 :
Intérieur jour appartement. Plan rapproché sur l’homme et la femme assis sur le canapé.
« Justice pour toutes ces femmes qui, partout dans le monde, sont martyrisées, violentées, vendues, mutilées. »
- Case 3 :
Mariam est sur le point de quitter la pièce, prête à partir. Elle se retourne vers Louise.
MARIAM
Tu ne m’oublies pas lundi, hein ! On se retrouve là-bas à 9h30 !
LOUISE
À demain, Mariam !
- Case 4 :
Extérieur jour, Mariam et Louise vont entrer dans une permanence du Planning familial.
Encart texte :
Le lendemain...
LOUISE
Mariam, ça va aller, tu sais ! Ici, ils sont là pour t’aider et t’accompagner, pas te juger.
- Case 5 :
Intérieur jour, Planning familial. Les deux jeunes femmes sont entrées.
LOUISE
Le Planning familial existe en France depuis 1960 avec pour mission d’informer les femmes, promouvoir le contrôle des naissances et à l’époque, lutter contre les avortements clandestins bien trop meurtriers.
- Case 6 :
Intérieur jour, Planning familial. Plan rapproché sur elles.
LOUISE
Les choses évoluent en 1967 avec la loi Neuwirth, du nom de son créateur Lucien Neuwirth, alias « Lulu la pilule ».
Mariam ne semble pas comprendre de qui il s’agit
- Case 7 :
Intérieur jour, Planning familial, plan rapproché sur les visages des deux jeunes femmes.
LOUISE
Lucien Neuwirth, celui qui a fait voter la loi pour légaliser la contraception !
MARIAM
Ça me dit toujours rien, désolée...
- Case 8 :
Plan rapproché sur Lucien Neuwirth, en uniforme de la France Libre, sur fond sépia.
Encart texte :
Ancien résistant engagé auprès de De Gaulle, il découvre très tôt les contraceptifs. Convaincu que c’est une véritable révolution, il se promet de faire voter une loi pour que les femmes accèdent à cette liberté de choisir leur grossesse.
- Case 9 :
Palais de l’Élysée, bureau du Président. De Gaulle et Neuwirth sont assis face à face autour d’un bureau..
Encart texte :
En 1966, alors qu’il est devenu député, Lucien Neuwirth va plaider son projet de loi devant le général de Gaulle.
LUCIEN NEUWIRTH
Mon général, vous avez donné aux femmes le droit de vote, maintenant il faut leur donner le droit de maîtriser leur fécondité.
- Case 10 :
Plan sur De Gaulle seul debout, autre couleur de fond.
Encart texte :
La plaidoirie de Lucien Neuwirth était pourtant loin d’être gagnée. De Gaulle en 1965 déclarait :
DE GAULLE
On ne doit pas sacrifier la France à la bagatelle !
- Case 11 :
Palais de l’Élysée, bureau du Président. Plan plus rapproché sur De Gaulle
Encart texte :
Mais le Général finit par admettre :
DE GAULLE
Vous avez raison, transmettre la vie c’est important, ça ne doit pas être seulement le fruit du hasard !
- Case 12 :
Intérieur jour, retour au Planning familial, vue sur Mariam et Louise debout.
LOUISE
La loi Neuwirth est finalement votée le 19 décembre 1967 mais le premier décret d’application n’est publié qu’en 1969.
En 1970, faute d’information, seulement 6 % des femmes ont recours à la pilule.
- Case 13 :
Intérieur jour, Assemblée nationale. Plan large sur la tribune avec Simone Veil au centre.
Encart texte :
Assemblée nationale, 26 novembre 1974.
SIMONE VEIL
Elles sont trois cent mille chaque année.
- Case 14 :
Assemblée nationale. Plan rapproché sur Simone Veil vêtue de bleu.
SIMONE VEIL
Ce sont celles que nous côtoyons chaque jour et dont nous ignorons la plupart du temps la détresse et les drames. C’est à ce désordre qu’il faut mettre fin.
- Case 15 :
Retour au Planning familial, couloir d’attente. On retrouve Louise et Mariam dans la même position.
LOUISE
Tu parles d’un désordre ! À l’époque, la loi de 1920 était encore en vigueur. Elle réprimait non seulement l’avortement mais interdisait aussi la moindre propagande « anti-conceptionnelle ».
MARIAM
Pourtant on était en plein dans les années 70, la révolution sexuelle, et la loi Neuwirth avait été votée, non ?
- Case 16 :
Plan rapproché sur Louise.
LOUISE
Oui mais les femmes restaient méfiantes envers la pilule et le nombre d’avortements clandestins s’élevait encore à 300 000 par an. Et c’est sans parler des 300 femmes qui en mouraient chaque année.
Valéry Giscard d’Estaing avait pris la mesure du problème et en avait fait un de ses arguments de campagne.
- Case 17 :
Extérieur jour Assemblée nationale. On voit Jacques Chirac et Simone Veil en train de monter les marches de l’Assemblée.
LOUISE en off
Valéry Giscard d’Estaing élu, et Jacques Chirac nommé Premier ministre, J. Chirac demande à Simone Veil d’être son ministre de la Santé. Il a été bien inspiré pour le coup !
- Case 18 :
Extérieur jour Assemblée. Jacques Chirac se tient près de Simone Veil en haut des marches. Des personnes situées devant les grilles fermées manifestent contre le projet de loi. On distingue des gens portant des pancartes « Laissez-les vivre ! ».
LOUISE en off
Dès son arrivée, Simone Veil fait adopter la loi généralisant l’usage de la pilule qui est désormais remboursée par la Sécurité sociale et gratuite pour les mineures.
- Case 19 :
Intérieur Assemblée nationale. Plan large sur la tribune où Simone Veil, de profil, en train de prononcer son discours d’introduction aux débats.
SIMONE VEIL
Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme – je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes.
- Case 20 :
Intérieur Assemblée nationale. Plan rapproché sur Simone Veil face à l’assemblée.
SIMONE VEIL
C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame.
- Case 21 :
Intérieur Planning familial, salle d’attente, Louise et Mariam sont assises.
MARIAM
Bah dis donc, t’es une vraie encyclopédie du féminisme, toi !
LOUISE
Je ne m’appelle pas Louise* pour rien ! Et tu connais ma mère ! Féministe pur jus ! Faut dire qu’elle a ses raisons aussi…
*En référence à Louise Michel.
- Case 22 :
Intérieur jour chambre sur fond sombre. On voit un homme d’un côté et 4 enfants de l’autre regroupés autour d’un grand lit où repose le corps d’une femme. Le père et les trois enfants plus grands ont la tête baissée et l’air recueilli et chagrin alors que la petite fille de 2 ans ouvre de grands yeux devant ce spectacle qu’elle ne comprend pas.
LOUISE en off
À 31 ans, ma grand-mère maternelle avait déjà 4 enfants et croulait sous les tâches quotidiennes. Elle tomba de nouveau enceinte et décida de ne pas garder l’enfant, faute de moyens.
- Case 23 :
Intérieur jour chambre. Plan proche sur le visage de la défunte.
LOUISE en off
Elle se tourna vers une « faiseuse d’ange », comme on disait à l’époque. Puis ce fut l’hémorragie. Ils n’ont pas pu la sauver. C’était un an seulement avant la loi Veil.
- Case 24 :
Intérieur jour chambre. Gros plan sur le visage de la petite fille de 2 ans, l’air triste.
LOUISE en off
La mort de ma grand-mère, comme beaucoup d’autres, aurait pu être évitée.
- Case 25 :
Intérieur Assemblée nationale. Plan rapproché sur Simone Veil à la tribune, de face, un verre d’eau à sa droite.
SIMONE VEIL
Lorsque des médecins, dans leurs cabinets, enfreignent la loi et le font connaître publiquement, lorsque les parquets, avant de poursuivre, sont invités à en référer dans chaque cas au ministère de la Justice..
- Case 26 :
Assemblée nationale. Plan rapproché sur Simone Veil.
SIMONE VEIL
… lorsque des services sociaux d’organismes publics fournissent à des femmes en détresse les renseignements susceptibles de faciliter une interruption de grossesse, lorsque, aux mêmes fins, sont organisés ouvertement et même par charters des voyages à l’étranger, alors je dis que nous sommes dans une situation de désordre et d’anarchie qui ne peut plus continuer.
- Case 27 :
Planning familial, salle d’attente, Louise et Mariam assises.
LOUISE
En 1971, le Nouvel Obs publie le Manifeste des 343 rédigé par Simone de Beauvoir et signé par des femmes célèbres déclarant avoir avorté et appelant à la légalisation de l’avortement.
- Case 28 :
Plan sur un extrait du manuscrit du Manifeste des 343
« Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir avorté. De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l’avortement libre. »
- Case 29 :
Intérieur jour conférence de presse de plusieurs médecins, dont la gynécologue Joëlle Brunerie.
Encart texte :
Conférence de presse suite à la parution dans le Nouvel Obs du Manifeste des 331 médecins revendiquant d’avoir pratiqué des avortements, en écho au Manifeste des 343.
MÉDECIN BIOLOGISTE
Nous ne tenons pas à imposer notre opinion à tous. Être pour la liberté de l’avortement, cela veut dire que chacun puisse décider en fonction de ses propres convictions, en fonction de sa propre situation (…).
- Case 30 :
Intérieur jour salon. Lucien Neuwirth est assis dans un fauteuil et interviewé sur sa loi.
LUCIEN NEUWIRTH
Le temps de faire comprendre à ces gens-là que ce n’était pas leurs convictions qui étaient en cause, c’était tout simplement le droit de chacun de disposer de lui-même.
- Case 31-32 :
Plan sur les visages reconnaissables des signataires du Manifeste des 343, avec leurs noms sous les visages : Simone de Beauvoir, Agnès Varda, Françoise Sagan, Catherine Deneuve, Marguerite Duras, Marceline Loridan-Ivens.
Encart texte :
Aujourd’hui on se rappelle surtout le Manifeste des 343.
- Case 33 :
Intérieur jour, salle d’attente du Planning familial, Louise et Mariam.
LOUISE
C’était une belle preuve de courage de la part de ces femmes car, en 1971, l’avortement était encore passible d’emprisonnement. La révolution féminine était en marche !
- Case 34 :
- Extérieur rue, manifestation en faveur du droit à l’avortement. De nombreuses femmes défilent en scandant des slogans que l’on peut lire sur leurs pancartes.
- Encart texte :
20 novembre 1971 : première manifestation féministe depuis 1936 menée par le MLF (Mouvement de libération des femmes).
Sur les pancartes :
« Nous voulons des enfants désirés »
« La révolution ne se fera pas sans les femmes ! »
« Mon corps est à moi »
« Des milliers de femmes victimes de l’avortement clandestin en France »
« Avortement libre et gratuit »
- Case 35-36 :
Fresque présentant dans l’ordre chronologique les visages des femmes ou hommes qui ont fondé différents mouvements.
Encarts textes :
Marie-Andrée Lagroua-Weil-Hallé et Pierre Simon pour l’association « La maternité heureuse » (1958) qui devient en 1960 le Mouvement français pour le Planning familial.
Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi pour le mouvement « Choisir la cause des femmes » en 1971.
Monique Antoine pour le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC ) en 1973.
Encart texte au-dessous :
De nombreux mouvements soutiennent ce projet de loi. Des femmes mais aussi des hommes, notamment des médecins qui soutiennent avec force le MLAC.
- Case 37 :
Intérieur jour, salle d’attente du Planning familial, Louise et Mariam assises.
MARIAM
Et malgré tous ces mouvements, rien n’a évolué avant la loi Veil ?
LOUISE
Si, quand même ! En 1972, un procès très médiatisé va connaître un retentissement sans précédent : le procès de Bobigny.
- Case 38 :
Même scène intérieure au Planning familial.
LOUISE
Tragique histoire ! Celle de Marie-Claire Chevalier, 16 ans, enceinte des suites d’un viol. Elle avorta dans des conditions terribles et faillit mourir.
- Case 39 :
Plan du tribunal, banc des accusées, avec Gisèle Halimi en habit d’avocat, le bras levé. À ses côtés, les cinq femmes jugées.
Encart texte :
Cinq femmes furent jugées dans l’affaire : la mère, la jeune fille et l’avorteuse et ses complices. Défendue par Gisèle Halimi, Marie-Claire fut finalement relaxée et le ministre de la Justice demanda au Parquet de ne plus poursuivre les femmes ayant avorté.
- Case 40 :
Intérieur jour, salle d’attente du Planning familial, Louise et Mariam.
LOUISE
Le procès de Bobigny connaît un retentissement énorme et malgré l’interdiction de publication des débats sur l’avortement, 30 000 exemplaires de la retranscription intégrale de l’audience seront vendus.
- Case 41 :
Intérieur jour Assemblée. Plan rapproché sur Simone Veil à la tribune.
SIMONE VEIL
En préparant le projet qu’il vous soumet aujourd’hui, le gouvernement s’est fixé un triple objectif : faire une loi réellement applicable ; faire une loi dissuasive ; faire une loi protectrice.
- Case 42 :
Retour au Planning familial sous un autre angle où on distingue une porte ouverte. Un homme sur le pas de la porte appelle Mariam.
HOMME PLANNING FAMILIAL
Mariam ! C’est à nous !
- Case 43 :
Intérieur jour, Assemblée nationale. Plan sur Simone Veil de dos faisant face à l’assemblée d’hommes.
Encart texte :
26 novembre 1974. Le projet de loi Veil impose néanmoins certaines conditions comme le délai de réflexion de huit jours qui sera supprimé en 2016.
- Case 44 :
Intérieur jour, Assemblée nationale. Plan sur Simone Veil de face.
SIMONE VEIL
Les deux entretiens qu’elle aura eus, ainsi que le délai de réflexion de huit jours qui lui sera imposé, ont paru indispensables pour faire prendre conscience à la femme de ce qu’il ne s’agit pas d’un acte normal ou banal, mais d’une décision grave qui ne peut être prise sans en avoir pesé les conséquences et qu’il convient d’éviter à tout prix.
- Case 45 :
Intérieur jour, Assemblée nationale. Plan sur Simone Veil de face.
SIMONE VEIL
Ce n’est qu’après cette prise de conscience, et dans le cas où la femme n’aurait pas renoncé à sa décision, que l’interruption de grossesse pourrait avoir lieu.
- Case 46 :
Intérieur jour, couloir du Planning familial. Louise prend la main de Mariam qui s’apprête à entrer en salle de consultation.
LOUISE
Allez courage, tout va bien se passer !
- Case 47-48 :
Intérieur jour, Assemblée nationale. Plan sur le visage de Simone Veil levé vers l’assemblée.
SIMONE VEIL
C’est pourquoi, renonçant à une formule plus ou moins ambiguë ou plus ou moins vague, le gouvernement a estimé préférable d’affronter la réalité et de reconnaître qu’en définitive la décision ultime ne peut être prise que par la femme. (…)
Ce qu’il faut, c’est que cette responsabilité, la femme ne l’exerce pas dans la solitude ou dans l’angoisse.
- FIN -
Copyright DILA 2020, Vie-publique.fr