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© Thomas Coex/AFP

Afrique : la France, un pays contesté à l'image dégradée

Temps de lecture  3 minutes

Par : La Rédaction

La population de l'Afrique est de 1,4 milliard d'individus et pourrait dépasser 4,2 milliards d'habitants d'ici à 2100. Près de 70% des Africains ont entre 15 et 35 ans. Ce continent est en pleine recomposition. Comment la France, ancienne puissance colonisatrice, est-elle perçue par les Africains ?

Des années 1960 à 1990, la France a assuré la sécurité de "régimes amis" de l'Afrique de l'Ouest en échange de leur loyauté géopolitique sur la scène internationale.

Depuis, la France affiche une volonté de rompre avec la "Françafrique". Un rapport de l'Assemblée nationale du 8 novembre 2023 sur les relations entre la France et l'Afrique souligne que "cette normalisation est toutefois théorique". Les contradictions, inhérentes aux intérêts géopolitiques de la France et à la recherche de stabilité sur le continent africain, suscitent "colère et frustrations" souligne le rapport.

Le désamour et ses raisons

La France pâtit d'une position ambivalente, entre promotion de la démocratie et soutien prolongé à des régimes autoritaires (voire dynastiques), à la légitimité contestée :

  • Omar Bongo puis son fils Ali, au Gabon (entre 1967 et 2023) ;
  • Idriss Déby, au Tchad (entre 1990 et 2021) ;
  • Gnassingbé Eyadéma, au Togo (entre 1967 et 2005)…

Les choix politiques français (mais aussi européens) sont vécus comme "vexatoires et injustes" par les populations africaines, majoritairement jeunes :

  • restrictions de l'accès aux visas, obligatoires depuis 1986 (d'abord sans réciprocité) ;
  • politiques migratoires ;
  • cristallisation des pensions des anciens combattants de l'Union française ;
  • hausse des frais d'inscription universitaires pour les étudiants non européens en 2019…

La politique des visas est "au cœur de la discorde". Le rapport présente plusieurs expériences "malheureuses, absurdes et humiliantes" :

  • une professeure tunisienne de l'Institut Pasteur s'est vu refuser un visa, finalement accepté, quand sa fille mineure a été recalée ;
  • une cheffe d'entreprise de Côte d'Ivoire ne pouvant obtenir de visas pour former des techniciens à de nouveaux matériels qu'elle souhaitait acheter en France s'est finalement approvisionnée en Inde…

Les maladresses françaises sont interprétées comme "un manque de respect manifeste", par exemple, le discours de Dakar de 2007 de Nicolas Sarkozy, qui avance que "le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire".

Le monde vu par l'Afrique

Une politique africaine française parfois "hors sol"

Les rapporteurs soulignent le manque de résultats de la politique africaine de la France, rebaptisée stratégie, en dépit de réformes maintes fois menées. L'opération Barkhane, au Mali, est à ce titre, révélatrice. L'un des rapporteurs déplore "une mauvaise compréhension de la nature de la crise et de la dynamique du conflit".

La politique africaine de la France a toujours été un domaine réservé de l'Élysée, ce qui a réduit les possibilités de discussion et de débat.

Le rapport alerte sur une "perte de connaissances sur l'Afrique au sein du Quai d'Orsay", où les parcours tournés vers l'Afrique sont faiblement valorisés. La disparition en 1998 du ministère de la coopération, qui possédait un niveau d'expertise indéniable sur le continent africain, est préjudiciable.

Cette perte de connaissance s'accompagne d'une baisse spectaculaire du nombre de coopérants déployés en Afrique : "De 10 000 coopérants civils à la fin des années 1990, il en reste aujourd’hui moins d’un millier, dont les deux tiers en Afrique."

Selon le rapport, si la France dispose toujours d'avantages comparatifs en Afrique, elle "subit encore trop souvent les événements".