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La liberté d'association en France : un état des lieux

Temps de lecture  10 minutes

Par : La Rédaction

Incontestablement l'une des lois les plus populaires en France, la loi de 1901 relative au contrat d'association permet la création d'environ 60 000 nouvelles associations chaque année selon l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep).

La vie associative en France : un secteur dynamique

Le grand nombre d’associations en France en fait un secteur particulièrement dynamique. L'Injep comptabilise 1,3 million d’associations actives en 2018. 

La diversité des structures associatives

Le secteur associatif est riche dans sa diversité de statuts, d'objets et de structures. On distingue en France différents types d'associations

  • les associations "de fait" ou "non déclarées" dont les membres n'ont pas souhaité se déclarer en tant qu'association et par conséquent ne bénéficient pas de la capacité juridique morale ;
  • les associations déclarées possèdent dès lors la capacité juridique morale ; 
  • les associations reconnues d'utilité publique détiennent quant à elles une plus grande capacité juridique mais de ce fait sont soumises à un contrôle de l'autorité publique.  

Entre 2020 et 2023, le répertoire national des associations (RNA) recense 29 thèmes principaux de créations d’associations enregistrés par les greffes des associations. Parmi les 29 thèmes, 10 groupements peuvent être faits et au sein desquels près d’un quart (22,6%) relèvent du domaine de la culture, pratiques d’activités artistiques, culturelles. 

 

Les associations mènent une véritable politique d’intérêt général et sont des partenaires majeures pour les collectivités territoriales. 

Des actrices économiques et sociales essentielles

Les associations ont un rôle important sur le marché du travail. Leur poids économique en fait de véritables entreprises associatives. Souvent ignorées, elles représentent à elles seules près d’un dixième des effectifs salariés dans l’ensemble du secteur privé selon la publication annuelle de La France associative en mouvement 2023.

Qu'est-ce qu'une association employeuse ?

Une association, qu’elle soit à but lucratif ou non, n'est pas différente d'une entreprise. Une association est soumise au code du travail (articles L 1131-1 et suivants du code du travail) et de la sécurité sociale. 

La proportion d’associations employeuses est nettement inférieure aux associations non employeuses. Toutefois, elles comptabilisent 1,8 million de salariés selon une étude de l’Injep, ce qui correspond à près d’un salarié sur dix (9,2%) du secteur privé. 

 

En 2022, l’Urssaf recense 146 740 associations employeuses réparties de manière inégale dans les différents domaines associatifs. 

 

Selon une étude de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) publiée en mai 2021, les associations employeuses se concentrent majoritairement dans deux domaines, l’hébergement social et médico-social et dans le domaine de l’action sociale, humanitaire ou caritative. 

Un certain nombre d'associations s’inscrivent dans le cadre défini par la loi de 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Cette loi consacre une économie sociale axée sur des initiatives de développement local, de réinsertion et de lutte contre les exclusions. 

Le cas de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur

Dans un avis rendu le 16 juin 2020, le Conseil Économique Social et Environnemental régional (CESER) de la région Provence Alpes Côte d’Azur souligne l’importance des associations dans l’économie régionale, faisant émerger “de nouveaux modèles économiques”. Dans cette région, le poids associatif est considérable puisqu’il représente 9,9% de la masse salariale et assure 133 000 emplois de proximité non délocalisables.

Un engagement citoyen fort

L’engagement citoyen est issu d’une longue tradition française de volonté d’implication dans les politiques publiques. Dans un avis rendu en juin 2022, le Conseil économique social et environnemental qualifie cet engagement de réponse à la “déconnexion entre les responsables politiques, scientifiques, etc… et une large partie de la population” incitant un grand nombre à retrouver cette capacité d’agir.

Dans un contexte de crise des “valeurs et du sens”, le bénévolat s’inscrit dans une volonté de ne plus dépendre des pouvoirs publics et de se sentir utile. Agissant comme un moyen d’accomplissement de soi, il est également fédérateur de lien et de cohésion sociale face aux diverses fractures de la société (Covid-19, crise des gilets jaunes).

L’enquête menée par l’Injep en 2021 révèle que deux tiers des 16 ans et plus déclarent avoir été impliqués comme bénévoles, adhérents ou donateurs au cours des douze derniers mois. Les données issues de l’enquête démontrent un fort engagement bénévole, faisant de celui-ci la participation la plus courante dans le secteur associatif. 

Le bénévolat associatif a connu un certain déclin lié à la crise sanitaire. Toutefois, dans une enquête réalisée par l’IFOP en janvier 2023 et publiée par Recherches & Solidarités, le taux d’engagement bénévole tend à retrouver celui d’avant crise. En 2023, 23% des personnes interrogées affirment avoir été bénévoles, signe d’un regain de mobilisation pour la vie associative.

Aujourd’hui, 90% des associations fonctionnent essentiellement grâce à l’engagement des bénévoles. Cette donnée permet d’appréhender le caractère décisif des personnes engagées dans le fonctionnement des associations. 

L’implication dans la vie associative varie selon les âges. Une tendance semble se confirmer ces dernières années laissant apparaître trois points déterminants : 

  • l'intérêt croissant des 15-34 ans pour le bénévolat (25% sont bénévoles en 2023 contre 22% en 2019) ;
  • le retour progressif de l'implication associative des 35-49 ans dont l'engagement avait nettement diminué durant la pandémie ; 
  • le recul continu des personnes de 65 ans et plus (25% sont bénévoles en 2023 lorsque 31% l'étaient en 2019). 

 

Si un recul de l’implication des personnes âgées est observé, leur participation bénévole reste supérieure aux autres classes d’âges. La présence au sein d’une association se substitue à la perte de vie sociale ou d’activité professionnelle, permettant la continuité d’un lien social. 

Une liberté encadrée

La loi du 1er juillet 1901 rompt avec une longue tradition de réticence des pouvoirs à l'égard des pratiques associatives. La loi permet à tout citoyen, sans autorisation préalable, de créer une association. L’article 2 de la loi prévoit qu'une simple déclaration auprès de la préfecture ou de la sous-préfecture confère à l’association la personnalité morale. Elle met fin au régime restrictif instauré par la loi Le Chapelier et accorde aux associations une grande souplesse dans leur création et leur organisation. Ainsi, sur les principes issus de la Révolution française, le droit d’association repose sur la primauté de l’individu, la liberté d’adhérer ou bien de quitter l'une association, de définir son objet ainsi que le choix de son administration. 

La liberté d’association est une liberté publique. À cet égard, une décision du Conseil Constitutionnel de 1971 lui reconnaît une valeur constitutionnelle. Cette décision protège l’autonomie des associations puisqu’elle “ne peut être soumise pour sa validité à l'intervention préalable de l'autorité administrative ou même de l'autorité judiciaire”. En se fondant sur le préambule de la Constitution de 1958 et parce que la liberté d’association est un principe reconnu par les lois de la République, le Conseil intègre cette liberté au bloc de constitutionnalité.

Les associations comme toute personne morale sont tenues de respecter la loi et de s’y conformer. Ce principe est inscrit à l’article 3 de la loi de 1901 selon lequel “Toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet”. En cas de manquement, la dissolution de l’association peut être prononcée par le juge judiciaire ou par décret en Conseil des ministres. 

La dissolution d'associations par décret en conseil des ministres est prévue par le code de la sécurité intérieure (article L212-1). Parmi les motifs qui autorisent une dissolution, certains renvoient à la période de la Libération (associations ayant "pour but soit de rassembler des individus ayant fait l'objet de condamnation du chef de collaboration avec l'ennemi, soit d'exalter cette collaboration"). 

Depuis la loi du 24 août 2021, sont dissoutes les associations qui "provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens". Le Conseil d'État, dans une décision du 9 novembre 2023, a précisé les critères justifiant la dissolution d’une association ou d’un groupement de fait dans ce cadre. "Une dissolution est justifiée à ce titre si une organisation incite, explicitement ou implicitement, à des agissements violents de nature à troubler gravement l’ordre public. Peut constituer une telle provocation le fait de légitimer publiquement des agissements d’une gravité particulière ou de ne pas modérer sur ses réseaux sociaux des incitations explicites à commettre des actes de violence."

Sous la Ve République, la dissolution d'associations a été pratiquée, par exemple, lors des évènements de mai 68 à l'encontre des associations d’extrême-gauche. Le nombre de dissolutions d’associations semble cependant augmenter depuis quelques années.

 

La loi "séparatisme" du 24 août 2021 comprend aussi un chapitre sur les associations. Elle prévoit notamment un contrat d’engagement républicain pour les associations qui demandent une subvention ou un agrément.  En souscrivant ce contrat, les associations s'engagent sur sept points :

  • respecter les lois de la République ; 
  • liberté de conscience ; 
  • liberté des membres de l'association ; 
  • égalité et non discrimination ; 
  • fraternité et prévention de la violence ; 
  • respect de la dignité de la personne humaine ; 
  • respect des symboles de la République. 

Toute association suspectée de ne pas respecter un ou plusieurs de ces engagements peut se voir ordonner le remboursement des subventions encaissées. Le Défenseur des droits dans un communiqué de presse du 14 avril 2023 a dénoncé “la restriction de la liberté d’association que constitue le conditionnement de l’attribution de subventions à la signature d’un contrat d’engagement républicain”.

Cette loi suscite également des interrogations auprès des parlementaires. Dans une question orale au Gouvernement en février 2023, le sénateur Daniel Breuiller interroge la notion d’ordre public évoquée par le CER et utilisée pour décider du retrait des subventions de l’association Alternatiba Poitiers en raison d’une “formation à la désobéissance civile”. Non définie par la loi, l’interprétation large de cette notion par l’administration était déjà soulignée dans un avis du Haut Conseil à la vie associative qui estimait nécessaire que “la responsabilité de l’association ou de la fondation ne puisse pas être engagée par la seule décision de l’administration mais qu’un juge soit saisi à cet effet”.

Plus récemment, une proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative a été déposée à l’Assemblée nationale le 4 juillet 2023. Les parlementaires à l'initiative de cette proposition de loi souhaitent abroger le CER et dans un contexte d’augmentation des dissolutions d’associations, limiter l’extension “abusive” des motifs de dissolution de celles-ci. 

La mise en place du CER suscite un grand nombre de réactions et de questionnements. La liberté d'association n'est cependant pas directement mise en cause par le contrat d'engagement républicain. C'est la possibilité de bénéficier de subventions qui peut être refusée en cas de non-respect des engagements du CER.