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© Daniel Janin/AFP

Les relations de travail en France : la régulation par les textes

Temps de lecture  9 minutes

Par : La Rédaction

En France, travailleurs et employeurs ont à leur disposition de nombreux textes de valeur juridique différente qui encadrent les relations de travail individuelles et collectives. Constitution, code du travail, conventions collectives, accords d’entreprise, arrêtés d’extension… Ce maillage complexe est aussi fait d’interactions entre les textes.

Le législateur détermine les principes fondamentaux du droit du travail dans le respect des droits constitutionnels du travailleur, dont la négociation collective fait partie. La Constitution permet un espace de régulation pour les partenaires sociaux – conventions collectives, accords de branche ou d’entreprise, accords nationaux interprofessionnels –, en parallèle du travail du législateur – lois, ordonnances, code du travail. L’État a aussi un droit de regard sur ces textes paritaires et un pouvoir de validation : arrêtés d’extension, d’élargissement et d’agrément, arrêtés fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans les branches… En droit du travail, l’arrêté est l’outil avec lequel l’État contrôle le fonctionnement paritaire d’une branche au niveau national.

L’article 34 de la Constitution de 1958 et le Préambule de 1946

Selon l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, "la loi détermine les principes fondamentaux […] du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale". Le législateur rédige la loi dans le respect des droits fondamentaux du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, dont ceux de l’alinéa 8 : "Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises".

La distinction est faite entre, d’une part, le fait d’élaborer la loi et ses conditions de mise en œuvre et, d’autre part, l’aménagement des conditions de travail.

Au besoin, le Conseil constitutionnel rappelle les compétences de chacun : "L’article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail ; […] c’est au législateur qu’il revient de déterminer, dans le respect du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en œuvre". Le Conseil constitutionnel ajoute que "s’il est loisible au législateur de confier à la convention collective le soin de préciser les modalités concrètes d’application des principes fondamentaux du droit du travail et de prévoir qu’en l’absence de convention collective ces modalités d’application seront déterminées par décret, il lui appartient d’exercer pleinement la compétence que lui confie l’article 34 de la Constitution" (décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008).

La loi détermine aussi les principes fondamentaux du droit syndical, dans le respect de l’alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946 : "Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix."

La compétence du législateur dans la régulation des relations de travail est double. Il encadre les conditions de travail mais aussi la négociation collective et ses acteurs. Cette compétence se retrouve dans l’architecture du code du travail.

Le code du travail : respecter le partage entre loi et règlement

Le code du travail est composé d’une partie législative, élaborée par des lois (et des ordonnances), et d’une partie réglementaire, élaborée par décrets, divisées respectivement en huit parties qui se correspondent.

La partie législative, précédée d’un chapitre préliminaire sur le dialogue social, expose les dispositions légales du droit du travail. La partie réglementaire explique comment les appliquer et expose les règles de procédure ou d’organisation de l’État relevant de la compétence du pouvoir réglementaire.

Cette architecture, établie en 1973 et remaniée en 2008, fait respecter le partage entre la loi et le règlement, conformément aux articles 34 et 37 de la Constitution : "Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire" (article 37). En général, les règles de procédure et les mentions chiffrées sont abordées dans la partie réglementaire, sauf lorsqu’elles sont rattachées à des droits. 

La négociation collective est déterminée par les textes dans le code du travail de trois façons :

  • Le chapitre "Dialogue social", sur la négociation interprofessionnelle, permet aux accords nationaux interprofessionnels d’aborder les sujets à venir de la loi.
  • Le livre II "La négociation collective. – Les conventions et accords collectifs de travail" de la deuxième partie "Les relations collectives de travail" encadre la négociation par les partenaires sociaux des conventions et accords collectifs de branche, professionnels, interprofessionnels ou d’entreprise.
  • La nouvelle architecture du code du travail (2016-2017) hiérarchise les principaux thèmes de négociation en "ordre public", "champ de la négociation collective" et "dispositions supplétives" et entérine la prééminence des accords d’entreprise sur les accords de branche, pour certains thèmes, en inversant la hiérarchie des normes.

Les conventions et accords collectifs : le droit de regard de l’État

Le cœur de la négociation collective en France est constitué par les conventions collectives et les accords de branche qui les accompagnent. Ils complètent les dispositions légales du droit du travail dans les branches dans un sens toujours plus favorable au salarié que le code du travail (principe de faveur). Les conventions de branche portent obligatoirement sur les conditions d’emploi, de formation professionnelle, de travail et les garanties sociales. Les accords de branche portent sur un ou plusieurs de ces thèmes.

Les conventions ou les accords sont conclus entre une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d’application de la convention ou de l’accord et une ou plusieurs organisations syndicales d’employeurs, toute autre association d’employeurs ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement (article L2231-1 du code du travail).

Une fois le texte signé, les partenaires sociaux doivent le déposer auprès des services du ministre chargé du travail et du greffe du conseil de prud'hommes du lieu de conclusion (article D2231-2 du code du travail).

Afin d’en assurer la publicité, "les conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d’entreprise et d’établissement sont rendus publics et versés dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable" (article L2231-5-1 du code du travail). Cette publicité est obligatoire, y compris pour les accords d’entreprise depuis le 1er septembre 2017. L'employeur doit les tenir à la disposition du personnel (articles R2262-1 à R2262-5 du code du travail)

L’État procède au contrôle et à la validation de certains de ces textes en publiant des arrêtés.

Arrêtés d’extension : en ce qui concerne les conventions de branche et les accords professionnels ou interprofessionnels, leurs stipulations peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d’application de la convention ou de l’accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la commission nationale de la négociation collective (article L2261-15 du code du travail).

L’arrêté d’extension et la validation des dispositions d’un texte

  • Un arrêté d’extension peut étendre complètement une convention ou un accord.
  • Un arrêté d’extension peut étendre une convention ou un accord et comporter des réserves. Dans ce cas l’application des stipulations visées est subordonnée au respect de dispositions légales précises.
  • Un arrêté d’extension peut étendre partiellement un texte et comporter des exclusions. Dans ce cas les stipulations visées ne peuvent pas s’appliquer car elles ne respectent pas certaines dispositions légales. Cela n’empêche pas le reste du texte de s’appliquer.

Arrêtés d’élargissement : lorsqu’il n’y a pas d’accords conclus dans un secteur, le ministre chargé du travail peut rendre obligatoire une convention ou un accord déjà étendu à un secteur professionnel ou territorial différent, via un arrêté d’élargissement (article L2261-17 du code du travail). Cela consiste à modifier le champ d’application professionnel ou géographique.

Arrêtés d’agrément : dans le secteur sanitaire, social et médico-social à but non lucratif, les conventions et accords ne prennent effet qu’après un arrêté d’agrément pris par le ministre compétent (article L314-6 du code de l'action sociale et des familles). L’extension des textes ne peut être faite qu’après qu’ils ont été agréés.

La négociation collective 2019 en chiffres

80 789 accords d'entreprise (+30% par rapport à 2018).

1 100 accords de branche (1 380 en 2018).

1 068 demandes d'extension enregistrées (1 051 en 2018).

978 extensions (577 en 2018).

167 jours : délai moyen d'extension (190 en 2018).

Source : ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, "Bilan 2019 de la négociation collective".

Si la négociation collective est un droit fondamental, l’État dispose de nombreux moyens de contrôle sur les textes et leur contenu. C’est aussi le législateur qui fixe les règles de représentativité syndicale.

Arrêtés de représentativité syndicale : le ministre compétent donne la liste des syndicats représentatifs dans une branche (article L2122-11 du code du travail), c’est-à-dire, entre autres, habilités à négocier et à signer les conventions et accords.

L’inversion de la hiérarchie des normes établie par la loi et des ordonnances dès 2016 a déplacé le cœur de la négociation collective vers l’entreprise. Les accords d’entreprise n’entrent pas dans la procédure de l’extension. Le législateur consent ainsi à laisser à la négociation d’entreprise le soin de préciser les modalités concrètes d’application de certaines dispositions du droit du travail.

L’arrêté est l’outil par lequel la conformité à la loi est vérifiée et validée dans les textes de branche. Le code du travail, dans sa nouvelle architecture, ne fait que donner un cadre à la négociation d’entreprise.