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Entre T2A et Ondam, quel financement pour l’hôpital ?

Temps de lecture  10 minutes

Par : La Rédaction

Le vieillissement de la population, les changements et évolutions des pathologies obligent à reconsidérer les politiques concernant l’hôpital public et par conséquent son mode de financement en particulier avec la tarification à l’activité, plus connue sous le terme de T2A, qui a généré ces dernières années un certain nombre de critiques.

Les moyens alloués à l'hôpital public et la maîtrise des coûts sont au cœur des revendications des personnels hospitaliers. Après la mobilisation des services d'urgences en 2019, des médecins hospitaliers, chefs de service ou responsables d'unité ont collectivement démissionné de leurs fonctions administratives en janvier 2020. Tous dénoncent des moyens toujours plus contraints qui ne permettraient plus d'assurer correctement la prise en charge des patients. Ils dénoncent aussi les règles de gestion des hôpitaux et son mode de financement fondé sur la tarification à l'activité (T2A)

Dans l'histoire des modes de financement de l'hôpital, on distingue trois grands moments :

  • dans les années 1970, les hôpitaux sont rémunérés au nombre et à la durée des séjours des patients hospitalisés. Ce mode de financement est jugé inflationniste, les dépenses hospitalières n'étant pas plafonnées ;
  • dans les années 1980, un système d’enveloppe globale est institué pour l’hospitalisation publique : la dotation globale (DG). Cette enveloppe annuelle de dépenses est fixée a priori pour chaque hôpital. L'enveloppe globale oblige chaque hôpital à ne pas dépasser les crédits qui lui sont attribués. Mais ce budget global est inadapté aux variations d’activités de l’hôpital. Il étrangle les hôpitaux ayant une politique de soin dynamique et représente une rente pour les autres ;
  • à partir de 2004 est introduite la tarification à l’activité, plus connue sous le terme de T2A, qui a remplacé la dotation globale et qui concentre aujourd'hui toutes les critiques.

La tarification à l'activité (T2A) : de quoi s'agit-il ?

La loi du 27 juillet 1999 permet le lancement d’une expérimentation, à compter du 1er  janvier 2000 et durant cinq ans, de nouveaux modes de financement des établissements de santé, publics ou privés, fondés sur une tarification à la pathologie.

Cet objectif est repris par le plan Hôpital 2007 qui prévoit de rénover et d’harmoniser les modes de financement des établissements publics et privés. La tarification à l’activité s'applique dans tous les établissements pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO). L’objectif est de procéder à un financement mixte, distinguant :

  • les missions d’intérêt général (dépenses liées à la recherche ou à l’enseignement par exemple) qui sont financées par une dotation ;
  • et les missions de soins, qui ont vocation à être financées directement à l’activité.

Avec la T2A, le financement de l’hôpital se fait selon le nombre et le type de séjour qu’il prend en charge. La tarification à l’activité consiste à fixer un prix codifié pour chaque maladie et les soins apportés. Chaque patient est rattaché à un groupe standard de séjour, un Groupe homogène de malades (GHM) auquel est appliqué un tarif national. Chaque année, une grille tarifaire est publiée. Par exemple, pour l'année 2018, la prise en charge de migraines de niveau 2 est fixée à 2 185,79 euros, un accouchement sans complication à 2 440,68 euros, une prothèse de genou de niveau 1 à 8 175,67 euros, une transplantation cardiaque de niveau 4 à 71 999,72 euros.

La tarification à l’acte incite à gérer l’hôpital comme une entreprise en recherchant la meilleure productivité. Des actes médicaux sont plus rentables que d’autres, et l’hôpital a tendance à accroître ses activités rémunératrices, comme la chirurgie, en délaissant les longues prises en charge moins bien rémunérées (comme la psychiatrie, les maladies chroniques, les soins aux personnes âgées). 

Alors que l’activité de l’hôpital augmente (+16% entre 2009 et 2016), les tarifs sont réduits (-5% entre 2009 et 2016) afin de contenir les dépenses de santé et le déficit de la sécurité sociale. Pour conserver le même niveau de ressources, couvertes à plus de 60% par la T2A, l’hôpital se trouve dans l’obligation d’augmenter le nombre d’actes. Ainsi en arrive-t-on à une situation inextricable où le personnel médical doit faire face à une augmentation d’activité tout en étant dans l’incapacité humaine d’y faire face sauf au prix de souffrances et d’épuisement au travail.

Quelle maîtrise des dépenses de santé ?

En 1996, une ordonnance portant réforme de l’hospitalisation publique et privée jette les bases d’un nouveau système de régulation et de maîtrise des coûts de santé qui prend appui sur les lois de financement de la sécurité sociale et l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam). Il s'agit de l'objectif de dépenses à ne pas dépasser en matière de soins de ville, d'hospitalisation et de médico-social.

Après avoir été systématiquement dépassé entre 1997 et 2010, l’Ondam est sous-exécuté depuis cette date : les dépenses sont inférieures à ce qui avait été voté par le Parlement. Selon le rapport d'information fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, "si le respect depuis 2010 de l'objectif voté traduit un effort pour améliorer son pilotage, et ce faisant asseoir sa crédibilité, cette évolution marque une inflexion vers une logique plus comptable que sanitaire".

Par ailleurs, "le respect de l'objectif global s'accompagne sur les derniers exercices d'une dégradation, ou pour le moins d'une situation préoccupante, de la situation financière des hôpitaux publics."

Selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) concernant la situation des hôpitaux publicsle déficit des hôpitaux publics s'élevait, avant la crise sanitaire, à 569 millions d'euros en 2019 (après 740 millions en 2017). Plus de la moitié des hôpitaux publics sont en déficit (58% en 2019). Les contraintes budgétaires associées à la tarification à l’acte ont conduit un certain nombre d’hôpitaux à des situations financières difficiles. La dette des établissements publics de santé a triplé en dix ans pour atteindre 29,3 milliards d'euros en 2019.

En mars 2022, une commission d’enquête sur la situation de l’hôpital en France estime que "le modèle de financement actuel n’est plus adapté à la situation de l’hôpital ou aux défis de prises en charge plus complexes. Les tarifs n’ont pas suivi l’évolution réelle des coûts pour les établissements (...)." En effet, ces tarifs ont constamment baissé entre 2013 et 2018, "non en raison d'une diminution des coûts, mais pour s'ajuster à une compression de l'enveloppe allouée aux hôpitaux - l'Ondam hospitalier - dont la progression a atteint son point historiquement le plus bas en 2016."

La commission recommande "d’accélérer l’expérimentation d’un nouveau modèle de financement des activités hospitalières du champ médecine, chirurgie, obstétrique (MCO)".

Vers un nouveau mode de financement des hôpitaux ?

La T2A a privilégié la productivité et la rentabilité des activités de soins sans tenir compte des évolutions démographiques et des pathologies ainsi que de l'articulation entre hôpital et soins de proximité.

Dans le cadre de la stratégie de transformation du système de santé, lancée par le gouvernement en février 2018, Jean-Marc Aubert a remis, en janvier 2019, à la ministre des solidarités et de la santé, un rapport sur la réforme du financement du système de santé

Ce rapport considère que la tarification à l'activité ne favorise ni la qualité des soins, ni la prévention et qu'elle peut même inciter à la réalisation de soins non pertinents. Dans sa proposition d'un nouveau mode de financement, la T2A ne disparaît pas, mais elle est combinée à d’autres modes de rémunération forfaitaires, notamment pour la prise en charge des maladies chroniques et du grand âge. Ce système vise à mieux prendre en compte le suivi des malades, la prévention et les activités de coordination des soins. Le financement des soins hospitaliers devrait être modulé en fonction de leur pertinence (vérification de la pertinence d’actes médicaux) et de leur qualité (une dotation financière à partir d’indicateurs qualité).

Les propositions de Jean-Marc Aubert alimentent la mise en œuvre du plan Ma Santé 2022, concrétisée par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. Pour le gouvernement, l'objectif est d'atteindre un financement assuré à 50% par la T2A et de combiner cinq modalités de financement différentes :

  • le paiement au suivi du patient, en particulier pour les maladies chroniques (diabète, maladies rénales, etc.) ; 
  • le paiement à la qualité et à la pertinence ;
  • le paiement pour la restructuration de service, avec notamment une adaptation au secteur de la psychiatrie ;
  • le paiement groupé à la séquence de soins pour favoriser la coopération des acteurs ;
  • une part de paiement à l'acte et aux séjours adaptée aux épisodes uniques de soins.

Dans l'attente de la mise en œuvre de cette réforme, le plan d’urgence pour l’hôpital, présenté le 20 novembre 2019, prévoit un financement supplémentaire de 1,5 milliard d’euros sur trois ans, la reprise par l’État d’un tiers de la dette hospitalière, une hausse de 2,45% en 2021 et 2022 de l’Ondam qui était prévue jusque-là à 2,3%. 

Dans le cadre du Pacte de refondation des urgences, une réforme du financement des structures des urgences et des structures mobiles d'urgence et de réanimation a été lancée en 2021. Ce nouveau modèle de financement, défini par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (article 36), repose sur trois volets : 

  • une dotation populationnelle qui tient compte des besoins de la population des territoires et des caractéristiques de l'offre de soins au sein de chaque région ; 
  • une dotation complémentaire allouée aux établissements qui remplissent des critères liés à l'amélioration de la qualité ; 
  • des recettes liées à l'activité en tenant compte de l'intensité de la prise en charge.

Pour accompagner cette réforme, un décret du 25 février 2021 a créé, auprès de chaque agence régionale de santé (ARS), un comité régional consultatif d'allocation des ressources relatif aux activités d'urgence, de psychiatrie et de soins de suite et de réadaptation des établissements de santé. Ce comité a pour objectif de conseiller l’ARS afin d'aboutir à une meilleure répartition des ressources entre les établissements.