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Obligation d'emploi, travail adapté... Quelle politique pour l'emploi des personnes handicapées ?

Temps de lecture  13 minutes

Par : La Rédaction

Obligation d’emploi des travailleurs handicapés pour les entreprises de 20 salariés au moins, principe de non-discrimination, obligation de négocier des mesures relatives à l’insertion professionnelle, accessibilité généralisée, tel est le cadre législatif fixé en faveur des travailleurs handicapés.

Un difficile accès à l'emploi

Les personnes handicapées continuent à rencontrer de grandes difficultés pour trouver un emploi ou le conserver.

L’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) souligne que des freins persistent à l'emploi des personnes handicapées, outre leur état de santé :

  • âge plus élevé que la population "tout public" (50 ans et plus pour 50%) ;
  • moindre niveau de formation ;
  • mobilité géographique inférieure.

Ainsi, seuls 35% des bénéficiaires de l'obligation inscrits à Pôle emploi en 2022 (devenu France Travail en 2024) accèdent à l'emploi dans les 12 mois suivant leur inscription, contre 60% pour les autres demandeurs d'emploi.

En 2022, le taux de chômage des personnes reconnues handicapées est de 12%, en baisse de 5 points par rapport à 2015 (17%). Il est certes à son plus bas niveau depuis 2008 (Marché de l'emploi des personnes handicapées en 2022) mais il faut le comparer aux statistiques générales sur le marché de l'emploi (et au taux de chômage de 7%). Fin 2022, 454 968 demandeurs d’emploi en situation de handicap (DEBOE) sont inscrits à Pôle emploi (8,4% de l’ensemble des demandeurs d’emploi, en baisse de 15% sur un an - Marché de l'emploi des personnes handicapées en 2022).

Un cadre législatif et une organisation institutionnelle renouvelés

Après la loi n° 58-1223 du 23 novembre 1957 qui a introduit la notion de travailleur handicapé, la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation confie à la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (Cotorep) la reconnaissance du handicap et l’aide au reclassement professionnel. La loi n° 85-517 du 10 juillet 1987 impose à l’ensemble des employeurs, parmi lesquels les administrations de l’État ainsi que les établissements publics à caractère scientifique, technologique ou culturel, une obligation d’emploi égale à 6% de l’effectif salarié au bénéfice des travailleurs handicapés.

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose le principe de non-discrimination des personnes handicapées en particulier dans le domaine de l’emploi, en promouvant l’accès aux dispositifs de droit commun et en faisant du travail en milieu ordinaire une priorité.

La loi de 2005 modifie le paysage institutionnel en créant les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Les MDPH sont chargées d’évaluer l’“employabilité” des personnes handicapées afin de mieux orienter celles-ci, une fois leur projet professionnel élaboré, vers le marché du travail.

La loi n° 2011-901 du 28 juillet 2011 tend à améliorer le fonctionnement des MDPH : une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens fixe notamment le montant de la subvention de fonctionnement versée par l’État. Au niveau régional, le rôle de l’État est réaffirmé.

Depuis 2009, les préfets de région doivent mettre en œuvre les plans régionaux d’insertion professionnelle des travailleurs handicapés (PRITH) qui sont ensuite déclinés au niveau local en lien avec les MDPH. Les entreprises “à quota zéro”, c’est-à-dire celles qui n’ont réalisé aucune action positive (embauche, sous-traitance, accueil de stagiaires) pendant au moins trois ans, doivent s’acquitter de fortes pénalités (décret n° 2012-943 du 1er août 2012) auprès de l’Agefiph.

En 2008, le pacte national pour l’emploi des personnes handicapées prévoit des mesures destinées à favoriser l’accès à la formation et à l’emploi des personnes handicapées et à lever les obstacles à leur recrutement par les entreprises. La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels instaure un dispositif d’accès à l’emploi et à la qualification qui comprend un suivi médico-social et un soutien à l’insertion professionnelle, en vue de permettre aux travailleurs handicapés d’accéder et de se maintenir dans l’emploi rémunéré sur le marché du travail.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel crée un nouveau cas de recours à l’intérim spécifiquement dédié à l’emploi de travailleurs handicapés. Lorsque l’employeur refuse la demande de recours au télétravail formulée par un travailleur handicapé ou un salarié proche aidant, il doit systématiquement motiver sa décision. Le cas échéant, l’accord collectif ou la charte élaborée par l’employeur encadrant le télétravail doit définir les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou leur maintien en emploi.

La loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi renforce l'accès à l'emploi des travailleurs handicapés dans les entreprises ordinaires. Les personnes non bénéficiaires de la reconnaissance de travailleur handicapé (RQTH) mais titulaires d'une pension d'invalidité ou d'une rente d'incapacité disposent de droits identiques à ceux titulaires d'une RQTH, sans avoir à passer par une MDPH. La loi crée le dispositif du "sac à dos numérique", qui recense les aménagements dont a bénéficié une personne handicapé tout au long de sa vie professionnelle.

Le travail en entreprises adaptées (EA) et en établissements et services d'accompagnement par le travail (ESAT)

Les entreprises adaptées

Les entreprises adaptées (EA, ex-ateliers protégés) sont des entreprises du milieu ordinaire (Emploi et handicap). Elles accueillent au moins 55% de travailleurs handicapés dans leurs effectifs. Les EA proposent un environnement adapté aux possibilités des travailleurs handicapés afin qu'ils obtiennent ou conservent un emploi. Leur vocation est de soutenir et d'accompagner le projet professionnel des salariés handicapés (identification ou consolidation).

Les EA peuvent être créées par des collectivités territoriales et des organismes publics ou privés. Afin d'être agréée EA, une structure doit signer un contrat d'objectifs et de moyens, elle bénéficie d'aides financières de l'État.

Le travailleur handicapé en EA est en contrat à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI). Il ne peut être rémunéré en dessous du Smic

Expérimentées depuis la loi de 2018 et pérennisées en 2023, les entreprises adaptées de travail temporaire (EATT) ont pour activité exclusive la mise à disposition à titre onéreux de travailleurs handicapés dans le cadre de contrats de travail temporaire.

Les ESAT

Les établissements ou services d'aide par le travail (ESAT), devenus des établissements et services d'accompagnement par le travail avec la loi plein emploi de 2023, existent depuis les années 1950. L'ESAT permet aux personnes en situation de handicap d'au moins 20 ans (ou dès 16 ans à titre exceptionnel) d'exercer une activité professionnelle tout en bénéficiant d'un soutien médico-social et éducatif dans un milieu protégé.

Les ESAT sont des établissements publics ou privés dont la création est autorisée par arrêté du préfet, qui en fixe le nombre de places. Ils disposent de personnels d'encadrement des activités de production et de travailleurs sociaux. Leur budget de fonctionnement est financé par les crédits d'action sociale de l'État. Les travailleurs en ESAT ont droit à une rémunération garantie, versée par l'ESAT et tenant compte du temps plein ou du temps partiel de l'activité. Le montant de cette rémunération, pour un travailleur à temps plein, est compris entre 55,7% et 110,7% du Smic.

Jusqu'à présent, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) orientait en ESAT des personnes dont les capacités de travail ne leur permettent de travailler ni dans une entreprise ordinaire, ni dans une EA, ni en travail indépendant.

Avec la loi de 2023 pour le plein emploi, les orientations en ESAT sont désormais prononcées par les MDPH, sur une préconisation de France Travail. L'orientation en milieu ordinaire simple ou accompagné est privilégiée. Les droits des travailleurs en ESAT sont alignés sur ceux des autres salariés, avec conservation de la protection spécifique.

L’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (OETH)

Présente dans la loi depuis 1987, l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés est modifiée par la loi de 2005. Les dispositions antérieures reconnaissaient de fait une moindre “employabilité” des personnes handicapées. Après l’adoption de textes européens comme le traité d’Amsterdam et la directive de 2000, c’est désormais le principe de non-discrimination qui prévaut.

L’obligation d’emploi est instaurée par la loi du 10 juillet 1987 mais la loi ne prévoit pas de sanction pour le secteur public en cas de non-respect de cette obligation.

La réforme de 2005 aligne les règles applicables au secteur public sur celles du secteur privé. Elle soumet les employeurs publics à une sanction financière identique, dans son principe, son mode de calcul et son montant, à celle que versent les entreprises privées. Le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) est créé par la loi de 2005 avec des attributions similaires à celles de l’Agefiph pour le secteur privé.

La contribution versée à l’Agefiph ou au FIPHFP sert à financer diverses mesures d’aide aux entreprises, aux établissements publics, aux collectivités territoriales et aux travailleurs handicapés : formations, primes à l’embauche (prime initiative-emploi pour l’emploi de personnes handicapées sans emploi depuis longtemps), aide aux contrats de professionnalisation, aide à la mobilité, aides humaines et techniques, adaptation du poste de travail, mise en accessibilité des lieux de travail, etc.

Les règles relatives à l’OETH n’ont pas cessé d’évoluer. Ainsi, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances de 2015 permet aux entreprises de s’acquitter de l’OETH en accueillant des personnes handicapées dans le cadre de stages de mise en situation professionnelle, un dispositif d’une durée de un à deux mois introduit en 2014 par la loi sur la formation professionnelle.

Plus récemment, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de septembre 2018 réforme à nouveau l’OETH. Depuis le 1er janvier 2020, toutes les entreprises ont l’obligation de déclarer leur effectif total de bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés mais seules les entreprises dont l’effectif dépasse 20 salariés sont soumises à l’obligation d’employer au moins 6% de travailleurs handicapés. Cette déclaration se fait par le biais de la déclaration sociale nominative et non plus auprès de l’Agefiph. Le taux de 6% s’applique jusqu’en décembre 2024, date à laquelle il doit être actualisé. Le nouveau taux – qui ne pourra être inférieur à 6% – sera fixé “en référence à la part des bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans la population active et à leur situation au regard du marché du travail”.

En 2022, l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés est intégralement respectée par 29% des 111 300 entreprises qui y sont assujetties. Le taux d'emploi direct est stable à 3,5% (il était de 3,8% en 2015). Le taux d'emploi direct des personnes handicapées dans la fonction publique est de 5,45% en 2022 (Rapport d'activité et de gestion du FIPHFP). Le chiffre est proche des 6%, mais stagne par rapport à 2021 (5,44%), après une régression par rapport à 2020 (5,58%).

La réforme de l’allocation aux adultes handicapés (AAH)

Quand la personne handicapée travaille en ESAT, en EA ou en entreprise ordinaire, elle a droit au versement d’une rémunération en contrepartie de son activité. La réforme de l’AAH (revalorisation de son montant, cumul de l’allocation avec les revenus du travail) contribue à l’objectif d’une meilleure insertion professionnelle des personnes handicapées.

La loi de 2005 a prévu le cumul de l’AAH avec les revenus du travail jusqu’à hauteur de 1,1 Smic (depuis le 1er janvier 2011, ce cumul va jusqu’à 1,35 Smic). Entre 2008 et 2012, l’AAH a été revalorisée de 25%. Cette revalorisation a été décidée dans le cadre de la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012. En 2024, en milieu ordinaire, les revenus sont pris en compte à hauteur de 20 à 60% du salaire pour le calcul de l'AAH. En ESAT, le cumul salaire-AAH ne peut dépasser 1 766,92 euros pour une personne seule [Peut-on travailler et toucher l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ?]. L’objectif est de faire de l’AAH un tremplin vers l’emploi en améliorant l’incitation financière à travailler pour ceux qui le peuvent et en actualisant de manière plus réactive le montant de l’AAH aux besoins immédiats de la personne. Depuis janvier 2011, une procédure de déclaration trimestrielle des ressources a été mise en place. Elle ne concerne que les bénéficiaires de l’AAH qui exercent une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail.

La réforme de 2009 tend à identifier la faculté des handicapés à exercer une activité professionnelle plutôt que mesurer leur taux d’incapacité permanente. Ainsi la condition d’inactivité d’un an comme critère d’éligibilité à l’AAH pour les personnes présentant un taux d’incapacité permanente inférieur à 80% est supprimée afin de ne pas décourager l’accès à l’emploi. La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour tout demandeur de l’AAH est systématiquement examinée et tout demandeur de l’AAH se voit systématiquement proposer une étude de son employabilité afin d’étudier les perspectives d’une orientation professionnelle en milieu ordinaire ou vers un ESAT.

Annoncée lors de la Conférence nationale du handicap du 11 décembre 2014, dans le cadre de mesures de simplification pour améliorer le quotidien des plus fragiles, la durée d’attribution de l’AAH et son complément de ressources est modifiée à compter de février 2017 : elle peut être attribuée pour une durée maximale de 20 ans pour les bénéficiaires ayant un taux d’incapacité permanente supérieur ou égal à 80%.

Au 1er avril 2024, le montant de l'AAH à taux plein passe à 1016 euros par mois. Malgré sa revalorisation, elle reste en deçà du seuil de pauvreté monétaire (1 158 euros par mois en 2021).

Depuis le 1er octobre 2023, l'AAH est déconjugalisée. Seules les ressources personnelles d'une personne handicapée vivant en couple sont désormais prises en compte pour le calcul de l'AAH, sauf si le nouveau mode de calcul est moins favorable que l'ancien.