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L'Union européenne et les outre-mer : entre association et intégration

Temps de lecture  8 minutes

Par : La Rédaction

La relation entre l’Union européenne (UE) et les outre-mer n’a cessé de se développer depuis le traité de Rome de 1957.
L’UE distingue deux catégories de territoires : les régions ultrapériphériques (RUP) et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) dont le degré d’autonomie à l’égard de l’Union est plus important.

RUP et PTOM : deux statuts différenciés

Selon leurs spécificités, les outre-mer sont classés dans l’une ou l’autre catégorie. La France est le seul pays européen à compter des RUP et des PTOM.

Les RUP : des territoires intégrés

Le traité d’Amsterdam du 1er mai 1999 pose le fondement juridique des régions ultrapériphériques. Le traité de Lisbonne du 1er décembre 2009 les intègre au traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Les RUP sont pleinement intégrées au marché intérieur et sont soumises à un cadre juridique quasiment identique au droit commun.

Six RUP françaises sont reconnues : Saint-Martin, la Martinique, La Réunion, Mayotte, la Guadeloupe, et la Guyane.

Pour atténuer certains effets contraignants dus à l’intégration au marché commun (règles assurant la libre circulation, procédures de décision en matière de politiques communes comme par exemple les limitations de l’exploitation des ressources halieutiques), l’UE a mis en place des outils spécifiques pour ces territoires. Ainsi, elle adapte sa législation aux impératifs de développement :

  • par le maintien de l’octroi de mer ;
  • par des taux de cofinancement supérieurs à ceux applicables sur le continent européen ;
  • par une allocation spécifique de compensation des handicaps dus à l’éloignement (au titre de la politique régionale) ;
  • par des dérogations aux règles du marché commun en matière d’aides d’État.

L’UE dirige une partie des fonds européens structurels et d’investissement (FESI) vers les régions ultrapériphériques. Elles bénéficient notamment de la politique agricole commune et des aides à la pêche maritime.

Toutes aides confondues, l’ensemble des RUP a touché plus de 11 milliards d’euros pour la période 2007-2013 et près de 13 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Sur l’ensemble de son territoire, l’Union européenne attribue près de 450 milliards d’euros aux fonds structurels sur la période 2014-2020. Entre 2021 et 2027, un financement supplémentaire de 1,9 milliard d'euros est alloué aux RUP au titre du Fonds européen de développement régional (FEDER). Ce financement était de 5 milliards d'euros pour la période 2014-2020.

Les PTOM : des territoires associés

Les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) ne sont pas intégrés à l’Union européenne mais ils bénéficient d’un régime d’association. Leurs citoyens disposent cependant d’un passeport de l’UE.

Actuellement, pour la France, ces territoires sont les suivants : la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres australes et antarctiques françaises, Wallis-et-Futuna et Saint-Barthélemy.

Le partenariat entre l’UE et les PTOM s’est affiné avec la décision d’association des outre-mer (DAO) du 27 novembre 2001, révisée une première fois en 2007, puis une seconde fois en 2014. Les DAO déterminent notamment le montant du soutien financier de l’UE. Avec la décision 2013/755/UE du Conseil de l’Union européenne du 25 novembre 2013 relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à l’Union européenne, c’est une nouvelle relation entre l’Union et les PTOM qui est définie. Le texte insiste sur la nécessaire coopération des PTOM avec leurs voisins et le rôle pivot que les PTOM peuvent jouer dans leurs régions.

Cette nouvelle décision d’association outre-mer (DAO), entrée en application en janvier 2014, marque aussi le début d’un nouveau système de commerce. Les PTOM bénéficient du régime applicable aux partenaires commerciaux les plus favorisés : conditions d’échanges avantageuses en matière de services et d’établissement, accès au marché des biens de l’UE en franchise de droits et sans contingent. Les conditions d’accès au marché de l’UE ont également été révisées conformément à la décision d’association, laissant entrevoir davantage de possibilités d’exportation pour les PTOM.

Via le Fonds européen de développement (FED) et la Banque européenne d’investissement, l’aide financière confirme la stratégie européenne de développement des PTOM telle qu’elle est affirmée dans le TFUE (le but de cette association est "la promotion du développement économique et social des pays et territoires, et l’établissement de relations économiques étroites entre eux et la Communauté dans son ensemble"). L'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale a intégré le FED, qui ne faisait auparavant pas partie du budget de l'UE. Il est désormais le principal instrument de financement de la coopération et du développement de l'UE avec les pays partenaires au titre du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027.

Les PTOM sont éligibles à des programmes d’aide dits "horizontaux" de l’UE parmi lesquels Horizon Europe (dans les domaines de la recherche et de l’innovation), Erasmus (éducation) ou Life (environnement).

L’aide allouée à l’ensemble des PTOM de l’UE (hors Groenland) sur la période 2007-2013 s’est élevée à 286 millions d’euros. Sur la période 2014-2020, elle avoisine les 350 millions d’euros (les PTOM français hors Saint-Barthélemy et les Terres australes et antarctiques françaises, non éligibles, ont perçu 106 millions d'euros à ce titre). Le budget du FED sur la période est de 30,5 milliards d’euros. Dans le cadre du CFP 2021-2027, la dotation du FED a été affectée au nouvel instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale pour un montant de 27,2 milliards d'euros.

Bilan contrasté des politiques européennes vis-à-vis des outre-mer

Le sénateur Jean-Paul Virapoullé rappelle, dès 2003, dans un rapport intitulé "les départements d’outre-mer, régions ultrapériphériques et traits d’union de l’Europe" que l’objectif du traité de Rome de 1957 était de permettre une égalisation des conditions de vie de l’ensemble des citoyens européens, dont font partie les habitants des collectivités de l’outre-mer.

Or, malgré des taux de croissance proches des 3% ces dernières années dans certaines RUP, les écarts de développement persistent.

Une autre difficulté réside dans la maîtrise des accords commerciaux signés par l’Union européenne. Les accords conclus par l’UE avec les pays frontaliers des RUP leur sont parfois défavorables. Ainsi, l’accord de Genève, conclu en 2009 entre l’UE et certains pays sud-américains permet l’entrée, sur le territoire européen, de bananes produites à bas coûts qui rentrent directement en concurrence avec les productions domiennes.

Un autre exemple est donné dans le rapport de Jean-Jacques Vlody en 2011 : "l’Union européenne permet la commercialisation sous le label bio des bananes de la République Dominicaine qui ne correspondent pas aux mêmes critères du bio tel que défini par la réglementation européenne".

Dans un rapport sur les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020, la délégation sénatoriale aux outre-mer souligne qu'elle "partage les préoccupations exprimées sur l'avenir de certaines politiques sectorielles comme la politique agricole commune (PAC) et notamment le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), programme indispensable pour le soutien à l'agriculture des régions ultrapériphériques (RUP)". La délégation déplore par ailleurs que les baisses de budget envisagées aient des conséquences potentiellement préjudiciables pour les outre-mer.

Avec l'adoption d'une stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques en 2017 (Stratégie 2017), la Commission européenne a mis en œuvre des propositions pour les futurs programmes de l'UE dans un large éventail de politiques, y compris la cohésion, la recherche, l’agriculture et la pêche. Par exemple, la proposition formulée au titre de la politique agricole commune, qui s’inscrit dans la lignée du POSEI ou la proposition pour InvestEU, ou encore Erasmus+.

En novembre 2018, la Commission a présenté une série de mesures concrètes destinées à promouvoir l’innovation, l’économie circulaire et la croissance bleue.

Toutefois, comme le souligne en 2020 le rapport du Sénat sur les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer, le montant des diverses aides accordées aux PTOM est revu à la baisse par la Commission européenne dès les négociations du CFP 2021-2027. La dotation du FED passe de 30,5 milliards d’euros sur la période 2014-2020 à 27,2 milliards d'euros sur la période 2021-2027.

Le rapport souligne que le cadre financier a été doublement contraint par le Brexit (départ de 12 PTOM sur 25) et l'inscription de nouvelles priorités, dans le contexte difficile de la crise du Covid-19.