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Élections européennes 2024 : qu'est-ce que le Spitzenkandidat ?

Temps de lecture  7 minutes

Par : La Rédaction

Pour le Parlement européen, une plus grande transparence dans la désignation du président de la Commission européenne rendrait l'Europe plus démocratique et impliquerait davantage les électeurs. Pour cela, les eurodéputés sont favorables au système du Spitzenkandidat, candidat tête de liste, lors des élections européennes.

Le mode de désignation du président de la Commission européenne a évolué depuis les premiers traités. Le rôle du Parlement européen dans cette désignation est formalisé une première fois par le traité de Maastricht qui prévoit la consultation du Parlement. Le traité d'Amsterdam en 1997 introduit l'approbation du Parlement européen dans la procédure d'investiture. 

Avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le président de la Commission européenne est désormais élu par le Parlement européen à la majorité des voix sur une proposition du Conseil européen. Selon l'article 17 du traité sur l'Union européenne (TUE), le Conseil européen est obligé de "tenir compte des résultats des élections au Parlement européen" avant de soumettre à ce dernier la proposition du candidat qu’il souhaite voir accéder au poste de président de la Commission européenne.

Spitzenkandidat : de quoi s'agit-il ?

Le terme Spitzenkandidat est emprunté au système électoral allemand dans lequel il est utilisé pour désigner le "candidat tête de liste" lors des scrutins. 

Pour les élections européennes, cela signifie que chaque parti politique européen désigne un chef de file. Le Spitzenkandidat du parti politique qui emporte le plus de sièges est ensuite le candidat proposé par le Conseil européen au vote du Parlement européen pour la présidence de la Commission européenne.

Ce mode de sélection fait des partis politiques européens les principaux vecteurs de la campagne pour la présidence de la Commission. Ce ne sont plus les États, représentés au sein du Conseil européen, qui ont seuls l'initiative de proposer un candidat au Parlement européen.

Les partis politiques au niveau européen n’ont été reconnus qu’en 2003-2004. Chacun d’entre eux fédère, sur le fondement d'affinités idéologiques et dans un but de coordination de ses actions, un certain nombre de partis politiques nationaux. Le TUE reconnaît le rôle qu’ils jouent dans la "formation de la conscience politique européenne et [dans] l’expression de la volonté des citoyens de l’Union".

Pour les partisans d’une intégration européenne plus poussée, le système du Spitzenkandidat, en renforçant la personnalisation des campagnes électorales au niveau européen, peut faire des élections européennes un moment de débat sur l’Europe et rendre l’Union européenne et ses institutions plus transparentes.

Calqué sur un modèle parlementaire classique, ce système vise à renforcer la légitimité démocratique de la Commission européenne et à créer un rapport plus étroit entre les votes des électeurs et les coalitions au sein des institutions de l’UE. Il s’agit aussi de lutter contre une abstention croissante, les citoyens européens considérant toujours les élections européennes comme un scrutin de second ordre. La nomination de têtes de listes, candidats à la présidence, peut rendre le scrutin européen plus lisible pour le citoyen. La légitimité démocratique de la Commission pourrait alors contrebalancer efficacement le pouvoir du Conseil.

La désignation des têtes de liste est censée "politiser" le débat européen, puisque chaque candidat incarne un programme. Les partis sont poussés à définir plus précisément les orientations qu’ils souhaitent pour l’Union. Les effets de l’ensemble de ce mécanisme sont d’autant plus puissants que les dirigeants des gouvernements nationaux qui siègent au Conseil sont eux-mêmes membres des organisations qui se disputent le pouvoir parlementaire européen. 

 

Rendre plus attractive la campagne électorale

C'est à l'occasion de leurs congrès qui se tiennent entre février et mars 2024 que les partis politiques européens désignent leurs têtes de liste pour conduire la campagne électorale des élections européennes 2024. 

Dates des différents congrès :
Parti vert européen, 2-4 février 2024 à Lyon 
Parti de la gauche européenne, 23-24 février 2024 à Ljubljana (Slovénie)
Parti socialiste européen, 1-2 mars 2024 à Rome (Italie)
Parti populaire européen, 6-7 mars 2024 à Bucarest (Roumanie) 
Renew (alliance des libéraux réunis dans un groupe au Parlement européen et rassemblant le Parti démocratique européen, le Parti de l’alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe ainsi que des partis nationaux affiliés comme Renaissance en France), 20-21 mars 2024 à Bruxelles (Belgique).

Désaccords sur le système du Spitzenkandidat

Pour les élections européennes de 2014, l’Union européenne a organisé une campagne électorale qui mettait en valeur le renforcement des pouvoirs du Parlement européen depuis 2009, notamment son nouveau rôle dans la nomination du président de la Commission européenne.

Le Parlement européen et la Commission européenne ont proposé de mettre en place le système du Spitzenkandidat. Le Parlement a fait pression sur les chefs d’État et de gouvernement : si le Conseil européen ne désignait pas un candidat préalablement choisi par les partis politiques européens ayant obtenu la majorité des sièges aux élections européennes, le Parlement aurait opposé son veto. Pour la première fois, la composition du Parlement allait avoir un impact sur la Commission, l’organe exécutif de l’Union.

Cinq partis politiques européens ont ainsi nommé très en amont des têtes de listes, les Spitzenkandidaten, qui avaient vocation à diriger la Commission européenne en cas de victoire. Jean-Claude Juncker, tête de liste du Parti populaire européen (PPE), a ainsi été élu président de la Commission européenne. 

Pour les élections européennes de 2019, les chefs d’État et de gouvernement, lors d'un sommet informel en février 2018, ont déclaré, qu'ils ne pouvaient pas garantir à l’avance que le Conseil européen propose l’une des têtes de liste au poste de président de la Commission européenne. "Ce processus ne présente aucun caractère automatique. Le traité est très clair à ce sujet : c’est au Conseil européen qu’il revient de nommer le candidat en toute autonomie, en tenant compte des élections européennes et après avoir procédé aux consultations appropriées".

De fait, après les élections de mai 2019, le Conseil européen en désignant comme candidate Ursula von der Leyen qui n'avait pas participé à la campagne électorale, a choisi de ne pas suivre la règle du Spitzenkandidat.

Au vu de l’importance de la Commission européenne dans l’UE, il n’est pas étonnant que les dirigeants nationaux souhaitent garder une certaine mainmise sur la désignation de sa présidence. La Commission cumule des compétences législatives et exécutives au sein de l’Union, elle propose des lois et s’occupe également de leur mise en œuvre, après l’approbation du Parlement et du Conseil.

Dans la perspective des élections européennes 2024, le Parlement européen a adopté un rapport le 12 décembre 2023 dans lequel il demande un accord contraignant avec le Conseil européen sur la manière d'élire le président de la Commission. Les eurodéputés y insistent sur la nécessité d’établir un lien clair entre le choix des électeurs et la présidence de la Commission. Ils soulignent que, sur la base des traités, cette élection dépend de l’obtention d’une majorité au Parlement et invite le Conseil européen à mettre fin à la pratique "consistant à conclure des accords à huis clos." 

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