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Erasmus+ : bilan et perspectives d'un programme européen populaire

Temps de lecture  11 minutes

Par : La Rédaction

Erasmus+ est le programme de l'Union européenne en faveur de l'éducation, de la formation, de la jeunesse et du sport. Son budget a été renforcé de deux milliards d'euros pour permettre à un plus grand nombre de citoyens de partir en mobilité. L'objectif est de toucher dix millions de personnes supplémentaires pour la période 2021-2027.

Depuis sa création en 1987, plus de dix millions de personnes ont bénéficié du programme Erasmus pour étudier, travailler, se former, faire un stage ou s'engager dans des volontariats à l'étranger. Ce programme a vu le jour non sans difficulté, certains États se montrant réticents à la mise en place d’une telle initiative par la Commission européenne dans le domaine réservé aux États qu’est l’éducation.

Le dispositif a pourtant rencontré un succès croissant, tout en évoluant dans sa forme et dans ses objectifs.

Le programme Erasmus+ 2021-2027

Le 25 mars 2021, la Commission européenne a officiellement inauguré le nouveau programme Erasmus+ 2021-2027. L'objectif est d’atteindre les dix millions de mobilités européennes en seulement sept ans, soit autant que sur les 30 dernières années. 

L’enveloppe budgétaire s'élève à 26,2 milliards d'euros complétés par 2,2 milliards d'euros provenant de l'instrument de coopération extérieure de l'UE, soit près du double des fonds accordés au programme 2014-2020 (14,7 milliards d'euros).

On trouve parmi les objectifs de ce nouveau programme :

  • l’inclusion et la diversité : impliquer davantage les personnes qui ont le moins d'opportunités en raison de leur handicap, de leur origine, de leurs difficultés en matière d'éducation, de leur milieu social, culturel et économique ou de leur lieu de vie (zones rurales et isolées) ; 
  • le numérique : accélérer la transition numérique des systèmes de formation et d’éducation avec notamment le développement de l’apprentissage à distance et de l’apprentissage hybride (mobilité physique à l'étranger et enseignements en ligne). En septembre 2021, la Commission a lancé une nouvelle application mobile Erasmus+ qui permettra à chaque étudiant de disposer d'une carte étudiante numérique valable dans toute l'Union européenne ;
  • l’environnement : sensibiliser aux questions environnementales et inciter les participants d'Erasmus+ à l’utilisation de modes de transport à faibles émissions de carbone comme alternative au transport aérien. Lancé en 2018, le concours DiscoverEU offre, par exemple, la possibilité aux jeunes de 18 ans de voyager gratuitement en train dans toute l’Europe ; 
  • la participation à la vie démocratique : soutenir des projets portés par les jeunes pour favoriser leur engagement social et civique.

Un des programmes européens les plus populaires

D'Erasmus à Erasmus +

Erasmus (European Action Scheme for the Mobility of University Students) a pour vocation première de faciliter la mobilité étudiante en créant des partenariats pédagogiques et administratifs entre les universités européennes. Depuis 2014, le programme rassemble 33 pays (États membres de l’UE, Islande, Liechtenstein, Norvège, Serbie, Turquie, Macédoine du Nord) et 168 pays partenaires du monde entier.

Sur le principe, Erasmus est au cœur du projet de construction européenne puisqu’il est un des rouages du "marché unique" dont l’une des quatre libertés est celle de la libre circulation des personnes. Or, pour que cette liberté puisse s’appliquer à la vie étudiante, il fallait qu’un programme particulier voie le jour. Ce programme a pour objet de rendre possible la poursuite matérielle et éducative des études dans un cadre d’accueil où l’organisation et les programmes sont parfois très différents de l’établissement d’origine, mêmes pour des cursus identiques.

Erasmus repose donc sur certains principes : reconnaissance des périodes d’études et des diplômes, octroi d’aides financières et d’hébergement ainsi que simplification des démarches administratives (inscription dans l’université d’accueil). Le programme soutient la création de diplômes européens dans le domaine de l’enseignement supérieur comme la mise en place de cadres européens de certifications pour certains métiers.

Au fil des années, le programme Erasmus a été complété par d’autres programmes de mobilité dédiés à la formation professionnelle (Leonardo da Vinci), à l’enseignement scolaire (Comenius), à l'éducation pour les adultes en reprise d’études (Grundtvig) ou encore à la coopération dans le domaine de la jeunesse (Jeunesse en action). Pour faire d’Erasmus un catalyseur de mobilité encore plus efficient, la Commission européenne a rassemblé, depuis 2014, l’ensemble de ces programmes européens en matière d’éducation, de formation, de jeunesse et de sport sous le nom d’Erasmus+.

Dans le cadre d’Erasmus+, d'autres mesures ont été introduites pour favoriser plus encore la mobilité :

  • la mise en place d’un mécanisme de caution de prêts géré par le Fonds européen d’investissement visant à aider les étudiants en master à financer leurs études à l’étranger ;
  • la création de 150 alliances de la connaissance, des partenariats entre les établissements d’enseignement supérieur et les entreprises pour promouvoir la créativité, l’innovation et l’esprit d’entreprise en offrant de nouvelles possibilités d’apprentissage et de nouvelles qualifications ; 
  • la création de 150 alliances sectorielles pour les compétences, des partenariats entre les services d’enseignement et de formation professionnels et les entreprises pour favoriser l’employabilité et pallier le déficit de compétences dans des certains secteurs spécifiques.

Erasmus+ ne s'adresse pas qu'aux seuls étudiants. Le programme est ouvert aux apprentis, stagiaires, scolaires, demandeurs d'emploi, mais aussi aux enseignants ou formateurs. Il suffit d’être rattaché à un établissement d’éducation ou de formation pour bénéficier du programme (école et université, collège, lycée, CFA, missions locales, organismes de formation continue...).

Le nouveau volet jeunesse et sport d'Erasmus+ cible, toutefois, une classe d’âge afin de promouvoir des valeurs européennes et de citoyenneté à travers des projets d’échanges culturels ou sportifs. 

Erasmus+ en chiffres

En 2017, les Français considéraient Erasmus comme la plus grande réussite concrète de l’Union, devant la politique agricole commune (PAC) ou l’euro.

La France est le pays qui envoie le plus d’étudiants en Erasmus. Plus d’une mobilité sur deux est un stage professionnel en entreprise.

Le budget alloué à la France en 2020 pour le volet Education et Formation est de 266 millions d’euros.

Sur la période 2014-2020, près de 600 000 personnes en France ont bénéficié d’une mobilité financée par Erasmus+ en Europe et hors d’Europe. Le nombre de bénéficiaires est passé de 67 500 mobilités financées en 2015 à 107 500 en 2020. 

Le 14 janvier 2021, la conférence nationale de l’agence Erasmus+ France a dressé un bilan de la période 2014-2020 et a annoncé que "la crise sanitaire n’a pas découragé les porteurs de projets Erasmus+." Malgré le contexte de la pandémie de Covid-19, 74% des mobilités ont été maintenues sur l'année académique 2019-2020. Au total, ce sont 63 851 personnes qui ont pu partir à l'étranger au départ de la France (au lieu de 86 179 en 2018-2019).

La Commission européenne a pris des mesures exceptionnelles afin de maintenir les opportunités d'Erasmus+ :

  • report des mobilités et extension de contrats ;
  • mise en place de mobilités hybrides permettant la poursuite des enseignements à distance ;
  • application de la clause de cas de force majeure pour couvrir certains frais supplémentaires des étudiants et/ou personnels en mobilité. Environ 35 000 mobilités étaient concernées par ces déclarations de cas de force majeure en 2020. Parmi elles, 47% ont été rapatriés, 24% sont restés dans leur pays d’accueil et 14% ont vu leur mobilité reportée.

Dans un rapport publié en septembre 2021, l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche analyse l'impact de la crise sanitaire sur la mobilité internationale des étudiants français et émet plusieurs recommandations en vue de permettre la poursuite des objectifs fixés par le président de la République : 

  • accueillir 500 000 étudiants étrangers en 2027 ;
  • permettre d'ici à 2024, à la moitié d'une classe d'âge de Français d'avoir passé six mois dans un autre pays européen avant ses 25 ans.

Erasmus+ et le Brexit

55 000, c'est le nombre d'étudiants et de jeunes travailleurs britanniques qui ont participé au programme Erasmus+ en 2019. Après l'Espagne, le Royaume-Uni était la deuxième destination privilégiée des Français avec environ 10 000 mobilités chaque année.

Depuis l'entrée en vigueur du Brexit le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni ne fait plus partie d'Erasmus+. Le pays a mis en place son propre programme d'échanges universitaires, nommé Turing Scheme, pour permettre aux étudiants britanniques de partir étudier à l’étranger. De leur côté, les étudiants européens pourront se tourner vers d’autres destinations anglophones – notamment l’Irlande (et l'Irlande du Nord) qui a décidé de maintenir le programme Erasmus+ sur son territoire.

La mobilité étudiante Erasmus et ses effets

Comme le montrent les études d’impact menées pour le compte de la Commission européenne, les retombées du programme Erasmus+ sont nombreuses et s’observent à plusieurs niveaux :

  • plus de 70% des diplômés Erasmus+ affirment mieux savoir à leur retour dans quelle carrière ils souhaitent s'engager ;
  • 80% déclarent avoir trouvé un emploi dans les trois mois après l'obtention de leur diplôme ;
  • 90% estiment que leur expérience à l'étranger leur sert au quotidien dans leur travail ;
  • 90% ont le sentiment d'avoir une identité européenne (parmi les étudiants Erasmus+, ceux de l'Est se reconnaissent le plus dans l'Union européenne) ;
  • 80% des universités participantes déclarent qu'Erasmus+ renforce leur capacité d'innovation et leur aptitude à répondre aux besoins du marché du travail.

Erasmus+ contribue au bon développement du processus de Bologne, né en 1999, et dont la vocation est de créer un espace européen de l’enseignement supérieur. Si les universités françaises ont aujourd'hui leur propre stratégie à l’international, c’est parce qu'Erasmus+ s’est imposé comme un modèle qui, dès son lancement, a mis cette dimension au cœur du fonctionnement et des projets des établissements. La mobilité des étudiants et des personnels serait à l’origine d’une "modernisation des établissements d’enseignement supérieur et des politiques éducatives".

En permettant d’étudier et de travailler tout en s’ouvrant à d’autres cultures, Erasmus+ a permis de donner un sens concret à la notion de citoyenneté européenne, jusqu'à faire émerger "une génération d’Européens". 

Individuellement, les séjours Erasmus+ favorise l’insertion professionnelle. Une note de l'observatoire d'Erasmus+ sur les freins et déclencheurs de la mobilité chez les publics vulnérables montre que les principaux moteurs de la mobilité sont : 

  • l'attrait culturel (l'attirance pour la ville/le pays, la découverte d’une nouvelle culture, l'ouverture sur le monde) ;
  • l'amélioration de l'employabilité (plus-value de la mobilité sur le CV, contacts académiques et/ou professionnels, développement des compétences) ;
  • le développement personnel (épanouissement, confiance en soi, indépendance, autonomie).

Enfin, bien qu’aucune étude européenne ne mesure l’impact précis des séjours Erasmus+ sur le niveau de langue, il n’en reste pas moins que l’amélioration des compétences linguistiques est une des principales motivations pour partir étudier à l’étranger.

En dépit de sa popularité, Erasmus+ ne permet qu’à une minorité d’étudiants (en moyenne 5% d’étudiants Erasmus par rapport au nombre d’étudiants diplômés de la même année) et de personnels d’exercer une mobilité géographique. Malgré les aides accordées, le coût d’un séjour à l’étranger reste un obstacle. 

L'observatoire d'Erasmus+ pointe trois freins à la mobilité pour les publics vulnérables :

  • les freins économiques (ressources financières limitées, contrainte d’abandonner un travail étudiant en France, difficultés à trouver un travail dans le pays d’accueil) ;
  • les freins psychosociaux (peur de l’inconnu, de la solitude, de ne pas s’adapter, difficulté à quitter ses proches, réticence ou opposition des proches, origine sociale, handicap, discriminations en raison du genre ou de la religion) ;
  • le logement (quitter un logement en France, trouver et financer un logement à l’étranger).