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Grand Paris : un projet de développement pour une métropole de rang mondial

Temps de lecture  14 minutes

Par : La Rédaction

La métropole du Grand Paris, à l'échelle de mégapoles comme Londres ou New-York, prend corps progressivement. Cependant, son mode de gouvernance et ses mécanismes de fonctionnement, ainsi que les multiples reports sur la finalisation du réseau Grand Paris Express alimentent toujours les débats. État des lieux.

L’idée d’un Grand Paris n'est pas nouvelle. Au XIXe siècle, Napoléon III a voulu agrandir la capitale en annexant ses communes voisines, comme Auteuil, Passy et les Batignolles. Il a confié au baron Haussmann la transformation de Paris pour en faire une grande métropole moderne capable de rivaliser avec Londres. Aujourd'hui, les enjeux sont identiques : comment transformer Paris et sa région pour en faire une métropole mondiale à l’échelle de mégapoles comme Tokyo ou de New-York ?

L’élaboration du Grand Paris a été initiée par Christian Blanc, nommé secrétaire d’État au développement de la région capitale en 2008. Plusieurs lois ont été nécessaires pour dessiner les contours du futur Grand Paris. Après des années de concertation entre l’État, la région Île-de-France, les collectivités locales et les citoyens, la Métropole du Grand Paris (MGP) est officiellement née le 1er janvier 2016.

Une intercommunalité de grande ampleur

Une métropole à statut particulier

La Métropole du Grand Paris rassemble aujourd’hui :

  • les 123 communes des départements de la Petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) ; 
  • les 7 communes de la Grande couronne (Athis-Mons, Juvisy-sur-Orge, Morangis, Paray-Vieille-Poste, Savigny-sur-Orge et Viry-Châtillon dans l’Essonne et Argenteuil dans le Val-d’Oise) ;
  • la Ville de Paris.

En tout, le Grand Paris compte près de 7 millions d’habitants, ce qui en fait la plus importante métropole française. Celle-ci est organisée en 12 territoires d’au moins 300 000 habitants et étendue sur 814km², soit huit fois la superficie de la Ville de Paris.

La Métropole du Grand Paris n’est pas qu’une réorganisation territoriale, c’est aussi une nouvelle instance administrative et politique. Elle prend la forme d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à statut particulier et fiscalité propre.

La MGP est gouvernée par un Conseil métropolitain de 208 élus avec au moins un représentant pour chaque commune des 131 communes présentes. Depuis l'application de la loi de modernisation publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi Maptam) du 27 janvier 2014, les membres du Conseil sont élus au suffrage universel direct. Ce sont eux qui élisent le président.

Hormis Paris qui conserve un statut particulier, 11 des 12 territoires de la Métropole du Grand Paris ont un statut d’établissements publics territoriaux (EPT) et se substituent aux anciennes intercommunalités existantes (communautés d’agglomération et de communes). Chaque EPT est administré par un conseil du territoire composé des délégués des communes incluses dans le périmètre du territoire. Pour la représentation parisienne, la commune et le département fusionnent en une seule entité : la Ville de Paris.   

La loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) du 7 août 2015 définit les compétences attribuées à la Métropole du Grand Paris. La MGP élabore les politiques publiques en matière de :

  • politique locale de l’habitat ;
  • protection et mise en valeur de l’environnement et politique du cadre de vie ;
  • aménagement de l’espace métropolitain ;
  • développement et aménagement économique, social et culturel.

Le bureau métropolitain, présidé par le président de la MGP et composé de 20 vice-présidents et de 23 conseillers, fixe la stratégie et détermine les grandes orientations de la Métropole. Il examine l'ordre du jour et les projets de délibérations devant être soumis au vote du Conseil métropolitain.   

Un équilibre financier difficile à trouver

Sur le plan financier, la Métropole du Grand Paris doit respecter un principe de neutralité financière, c’est-à-dire que la construction de la métropole et de ses territoires ne doit pas avoir d’impact négatif sur le budget des communes et des anciennes intercommunalités. Dans les faits, ce principe est difficile à appliquer.

La Métropole du Grand Paris est financée par deux sources :

  • les impôts sur les entreprises perçus par les communes et transférés à la MGP, conformément à la loi NOTRe. Pour que les communes n'aient pas à faire face à une trop grande perte financière, il était prévu que seule une partie de cet impôt (la croissance de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises - CVAE) soit transférée jusqu'en 2021. Au-delà, la moitié de la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui remplace la taxe professionnelle, sera versée à la Métropole. Les impôts sur les ménages (taxe d’habitation, taxes foncières) restent perçus par les communes.
  • les dotations de l’État (dotation globale de fonctionnement) qui s'élevaient à 1,2 milliards d'euros en 2020. Elles se composent de deux dotations : la dotation d'intercommunalité aux EPCI et la dotation de compensation de la suppression de la taxe professionnelle aux territoires et aux communes. Ces dotations sont perçues à la fois par les communes et la Métropole du Grand Paris.

Les établissements publics territoriaux (EPT) ne reçoivent pas de dotation de l’État, mais ils bénéficient d’un Fonds de compensation des charges territoriales de la part des communes qui correspond au coût de leurs compétences transférées aux territoires.

La loi NOTRe prévoit également une dotation d'équilibre à destination des EPT pour compenser la perte du financement des ex-intercommunalités. Initialement prévue jusqu'à 2018, elle était prolongée en 2021 compte-tenu des difficultés financières engendrées par la crise sanitaire. Elle devrait ensuite être perçue par la Métropole du Grand Paris.

Un projet de développement régional

L’objectif du Grand Paris est de mettre en commun toutes les ressources de ses territoires pour répondre aux enjeux majeurs : la modernisation et le développement du réseau de transport, la construction de nouveaux logements, le développement de l’activité économique et la transition énergétique à travers le plan climat air énergie métropolitain (PCAIM).

Les transports

Dès les premières réflexions sur le Grand Paris, le transport est apparu comme un levier majeur dans la construction d’une nouvelle métropole. Chaque jour, 8,5 millions de voyageurs empruntent les transports en commun en Île-de-France. Certaines lignes, comme la 13 et les RER A et B, sont arrivées à saturation et les déplacements des Franciliens sont devenus de plus en plus longs. Les habitants d’Île-de-France passent en moyenne 1 heure et 20 minutes dans les transports au quotidien.

Afin de répondre à la forte augmentation du trafic (+21% en 10 ans), le Grand Paris Express, un nouveau métro automatique, doit proposer quatre nouvelles lignes autour de Paris (lignes 15, 16, 17 et 18). L'objectif est de permettre aux franciliens de se déplacer de banlieue à banlieue grâce au Grand Paris Express sans avoir à transiter par le centre de Paris. Ce développement des transports devrait favoriser une diminution des déplacements en voiture des Franciliens permettant ainsi de réduire la pollution et les embouteillages.

La Société du Grand Paris (SGP), établissement public créé par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, est chargée de mener à bien la construction des 200 km de lignes et des 68 nouvelles gares du Grand Paris Express. Elle contribue par ailleurs à la modernisation des RER et participe à hauteur de 3,4 milliards d’euros au prolongement de la ligne 11 entre Mairie des Lilas et Rosny Bois-Perrier et du RER E à l’ouest jusqu'à Mantes-la-Jolie.

Depuis le début des travaux en 2015, le projet a rencontré une série de problèmes techniques et financiers qui ont engendré des retards sur certains tronçons. Après une première modification en 2018 du calendrier des chantiers pour des raisons financières, les travaux ont été retardés par la crise sanitaire de 2020 provoquant un retard estimé entre 3 et 9 mois. 

Sur les cinq tronçons du GPE dont quatre devaient être achevés en 2024 dans la perspective des JO, deux devraient être finalisés dans les temps : 

  • le prolongement de la ligne 14 qui ira de l’aéroport d’Orly à Saint-Denis Pleyel (où se trouvera le village olympique) ;
  • la ligne 16 entre Clichy-Montfermeil et le Bourget-RER (qui accueillera le centre de presse).

Deux liaisons s'achèveront au-delà de 2024 : 

  • la ligne 15 entre Pont de Sèvres et Noisy-Champ dont l'ouverture est retardée à 2025 ;
  • la ligne 17 entre Saint-Denis Pleyel et le Mesnil-Amelot, qui devait relier le village olympique à l’aéroport Charles-de-Gaulle (elle ne devrait être opérationnelle qu'en 2030).

La mise en service de la ligne 18 (de l'aéroport d'Orly à Versailles-Chantiers) qui desservira notamment les pôles de recherche du plateau de Saclay doit s’échelonner entre 2027 et 2030.

Au-delà des décalages de calendrier causés par la crise sanitaire, la raison de ces retards est liée à la complexité de cet immense chantier qui aurait été sous-estimée, notamment sur les besoins en main d’œuvre. La Cour des Comptes avait réévalué à 34,6 milliards d'euros à la fin de l'année 2017 le coût de financement du projet du Grand Paris Express (GPE) contre 22,6 milliards d'euros en mars 2013. Un rapport du Sénat d'octobre 2020 révèle encore l'augmentation des coûts de construction du Grand Paris Express prévu pour 2030.

Des logements pour une ville durable

La création du Grand Paris Express a pour objectif de désenclaver certains territoires mal desservis et d’accroître ainsi l’offre de logements en Île-de-France. La pénurie de logements en France métropolitaine est un sujet de société majeur. À Paris, la rareté de l’offre a engendré une hausse des prix de l’immobilier sans précédent qui empêche de nombreux ménages de pouvoir se loger.

Pour sortir de cette crise, le Grand Paris doit rattraper son retard dans la construction de logements neufs et proposer aux Franciliens des habitations à des prix accessibles. La loi de 2010 relative au Grand Paris prévoit de construire 70 000 logements chaque année sur une période de 25 ans, dont 30% de logements sociaux. Ces logements neufs vont se concentrer aux abords des futures gares du Grand Paris Express, dans le but de désengorger la Ville de Paris. De nombreux quartiers vont voir le jour le long de ce réseau de transport, mêlant logements, commerces, bureaux et équipements culturels.

Ces nouvelles constructions devront s’inscrire dans un nouveau modèle de ville durable. Afin de voir émerger des projets innovants d’aménagement urbain, l’État et la Métropole du Grand Paris ont lancé en 2016 "Inventons la métropole du Grand Paris", un concours d’aménagement, d’urbanisme et d’architecture. Les 51 lauréats composés d’architectes, de promoteurs et d’investisseurs ont été sélectionnés pour réaménager 27 sites de la Métropole du Grand Paris (MGP). Au cœur de ces projets, des innovations pour soutenir l’agriculture urbaine ou encore réaliser des bâtiments aux services mutualisés (autopartage, conciergerie, etc.).

Emploi et développement économique

Premier pôle d’emploi en Europe et première destination touristique mondiale avec près de 47 millions de visiteurs par an, le Grand Paris est un moteur important de l’économie nationale. Les 7 millions d’habitants vivant dans la métropole produisent 75% du PIB régional et 30% du PIB national. Avec la création du Grand Paris Express, la métropole est susceptible de générer de plus fortes retombées économiques.

À court terme, le Grand Paris Express va créer près de 15 000 emplois directs par an pour la réalisation des travaux de génie civil.

À long terme, la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Île-de-France estime que le Grand Paris apportera une richesse supplémentaire de 140 milliards d’euros au PIB français et plus de 60 milliards d’euros de recettes publiques par an à l’horizon 2030.

Une fois les travaux du Grand Paris Express terminés, 90% des Franciliens habiteront à moins de 2 km d’une gare selon la Société du Grand Paris. Des déplacements facilités et plus rapides qui offriront aux Franciliens un meilleur accès aux zones d’emplois.

Mais le développement économique du Grand Paris reposera surtout sur ses grands pôles d’activité comme La Défense (pôle de la finance), la Plaine Commune (pôle de la culture et de la création), Roissy-Charles De Gaulle (pôle des échanges internationaux), Le Bourget (pôle de l’aéronautique), ou encore le plateau de Saclay (nouveau pôle d’innovation scientifique et technologique). Ces pôles doivent participer à l’attractivité et la compétitivité de la Métropole du Grand Paris à l’échelle mondiale.

En attendant les effets du Grand Paris sur la croissance économique, les entreprises de Paris et des Hauts-de-Seine sont mis à contribution à travers une hausse de 10% de la taxe sur les bureaux pour financer les surcoûts du Grand Paris Express. Les touristes visitant l’Île-de-France sont également prélevés d’une taxe additionnelle de séjour de 15% sur les nuits d’hôtel et les locations d’hébergements entre particuliers. Ces mesures inscrites dans la loi de finances pour 2019 doivent rapporter au total 100 à 120 millions d’euros de ressources supplémentaires à la Société du Grand Paris pour lui permettre de mener à bien ce chantier urbain de grande ampleur.

 

Plan de relance en faveur de la transition écologique

En 2020, pour répondre aux incidences économiques de la crise sanitaire, le Conseil métropolitain a adopté un plan de relance de 110 millions d'euros. Ce plan prévoit une série d'actions destinées à redynamiser le tissu économique des territoires de la MGP (habitat, artisanat, commerces) dans une logique de transition écologique. Il s'articule autour de 5 axes : 

  • promouvoir une stratégie de résilience intégrant le retour d'expérience de la crise sanitaire dans le domaine de la santé ;
  • revivifier le tissu économique de proximité (14 millions destinés aux TPE et PME) ;
  • accélérer la transition écologique et le développement des mobilités douces (plan vélo métropolitain, création de nouvelles stations Vélib', solarisation du patrimoine public...) ;
  • soutenir le secteur de l'habitat et de la construction notamment par la rénovation énergétique des logements ;
  • lutter contre la fracture numérique et la transition numérique (pass numérique pour les publics les plus fragiles, déploiement de ressourceries pour le recyclage de matériel informatique...)    

Rééquilibrage territorial

La Métropole du Grand Paris assure également le financement d'aménagements dits "d'intérêt métropolitain" dans la demie-couronne située à l'est de la région parisienne (de Saint-Ouen à Orly). Ce soutien vise à palier au déséquilibrage territorial en termes d'attractivité économique entre l'ouest et l'est de la région parisienne. Parmi les projets soutenus par la MGP on peut noter :

  • la création de pôles économiques comme la ZAC des Docs à Saint-Ouen ou la Plaine Saulnier à Saint-Denis ;
  • le financement de projets structurants (pont, gare, axe de franchissement, équipements culturels, complexes sportifs) dans les communes de l'est francilien.

Le fonds d'investissement métropolitain instauré en 2016 dans cette optique a permis un soutien financier auprès de 730 projets portés par 121 communes et 11 EPT pour un montant estimé de 149 millions d'euros.

Un rapport d'information du Sénat de mars 2021 émet des réserves sur le Grand Paris à la fois sur la structure de la MGP et les moyens dont elle dispose. Ce rapport considère par ailleurs que la création de la MGP n'a pas, à ce jour – malgré le lancement du Grand Paris Express et les projets d'urbanisme – inversé la tendance à une "ségrégation territoriale".