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Liberté de la presse en France : quel cadre légal ?

Temps de lecture  9 minutes

Par : La Rédaction

Consacrée au XIXe siècle, la liberté de la presse a vu son cadre légal évoluer pour intégrer des demandes de protection ou pour faire face à des menaces comme la manipulation de l'information (fake news). Comment ce cadre légal a-t-il évolué ? Quel est le rôle des aides publiques ?

Les fondements de la liberté de la presse

Principe fondamental des systèmes démocratiques, la liberté de la presse est inscrite dans :

Avec la loi du 29 juillet 1881, la liberté de la presse en France fait l’objet d’une consécration particulière, au-delà de la reconnaissance générale de la liberté d’expression.

L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que "tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi".

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définit les libertés et responsabilités de la presse française. Elle impose un cadre légal à toute publication, ainsi qu’à l’affichage public, au colportage et à la vente sur la voie publique. Son article 1 dispose que "l’imprimerie et la librairie sont libres".

La loi de 1881 a été modifiée plusieurs fois pour encadrer cette liberté au-delà des règles liées au respect de la personne, la protection des mineurs, la répression de l’injure, la diffamation ou l’atteinte à la vie privée.

Ainsi la loi Pleven du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme crée un nouveau délit et punit la discrimination, l’injure ou la diffamation à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. La loi Gayssot du 13 juillet 1990 sanctionne, en outre, la négation des crimes contre l’humanité perpétrés par le régime nazi.

La lutte contre la diffusion des fausses informations (fake news) s’est traduite par deux lois (loi organique et loi ordinaire relatives à la manipulation de l’information pendant les périodes de campagne électorale). Promulguées en décembre 2018, ces lois "anti-fake news" autorisent un candidat ou un parti à saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de fausses informations durant les trois mois précédant un scrutin national. Les principales plateformes numériques ont l'obligation de signaler les contenus politiques sponsorisés, en publiant le nom de leur auteur et la somme payée.

Par ailleurs, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) obtient le pouvoir de suspendre ou d'interrompre le temps de la période électorale la diffusion d’une chaîne de télévision contrôlée ou placée sous influence d’un État étranger, et portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.

Pour protéger les entreprises, des lois ont été votées comme la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des secrets d'affaires. C'est en application de cette loi que le tribunal de commerce a interdit au média Reflets, le 6 octobre 2022, de publier de nouveaux articles concernant le groupe Altice. La loi, adoptée pour protéger le patrimoine immatériel des entreprises, a suscité l'opposition d'organisations de journalistes, notamment, qui ont exigé des garanties pour la liberté de la presse. L'article L. 151-8 du code de commerce précise que le secret n'est pas opposable lorsque son utilisation intervient dans le but d'"exercer le droit à la liberté d'expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse" ou s'il s'agit de "révéler, dans le but de protéger l'intérêt général et de bonne foi, une activité illégale...". 

Une proposition de loi a été déposée par la sénatrice Nathalie Goulet le 21 novembre 2022 pour protéger la liberté de la presse à la suite de l'interdiction faite à Médiapart de publier une enquête sur le maire de Saint-Etienne. La justice avait pris sa décision sans avoir entendu les représentants de Médiapart. La proposition de loi vise à inscrire le principe juridique du contradictoire dans la loi du 29 juillet 1881 ("une publication ne peut être interdite qu'en application d'une décision judiciaire rendue contradictoirement"). 

En parallèle aux dispositions relatives à la liberté de la presse, la nécessité de lever les soupçons pesant sur l’indépendance des titres de presse et des journalistes vis-à-vis du pouvoir politique et du secteur économique a également conduit le législateur à intervenir afin de réguler la concentration de la presse quotidienne française.

L'ordonnance du 26 août 1944 interdit les concentrations d’organes de presse.

Rendue le 11 octobre 1984, préalablement à la promulgation de la loi du 23 octobre 1984, dite loi "anti-Hersant", une décision du Conseil constitutionnel reconnaît le pluralisme des quotidiens d’information politique et générale comme étant “en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle”.

La loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse interdit “à peine de nullité, l’acquisition d’une publication quotidienne d’information politique et générale ou la majorité du capital social ou des droits de vote d’une entreprise éditant une publication de cette nature, lorsque cette acquisition aurait pour effet de permettre à l’acquéreur de détenir plus de 30% de la diffusion totale sur l’ensemble du territoire national des quotidiens d’information politique et générale”.

La presse sur internet doit-elle faire l’objet d’une régulation spécifique ? Une étude du Conseil d’État, intitulée "Internet et les réseaux numériques" et publiée en décembre 1998, confirme que "l’ensemble de la législation existante s’applique aux acteurs d’internet".

Le régime des aides à la presse

Le secteur de la presse écrite en France regroupe environ 2 200 entreprises qui emploient 80 000 salariés, dont 25 000 journalistes, et qui éditent environ 9 000 titres. La France a fait le choix de soutenir la presse écrite par des financements publics. Selon le ministère de la culture et de la communication, la somme des aides à la presse directes et indirectes a atteint près de 600 millions d’euros en 2017.

Ces aides, réservées aux titres inscrits auprès de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), répondent à trois objectifs majeurs :

  • le développement de la diffusion ;
  • la défense du pluralisme ;
  • la modernisation et la diversification vers le multimédia des entreprises de presse.

Certains journaux peuvent perdre ce statut.

On distingue traditionnellement les aides directes (aide à la diffusion, aide au maintien du pluralisme) et les aides indirectes (régime fiscal et mesures d’exonération sociale).

Les aides directes à la presse écrite

Les aides au maintien du pluralisme recouvrent l’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires et l’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces. L’aide en faveur de la presse hebdomadaire d’information politique et générale régionale créé en 2004 s’adresse aux hebdomadaires régionaux ou locaux d’information politique et générale, inscrits à la CPPAP, paraissant entre 1 et 3 fois par semaine, qui font l’objet d’au moins 50 éditions différentes par an.

La presse bénéficie de tarifs bonifiés de transport postal. Ces tarifs sont fixés par l’État. L’accès aux tarifs postaux de presse est subordonné à la signature d’un contrat entre l’éditeur de presse inscrit à la CPPAP et La Poste. Il existe aussi depuis 1948 une aide au transport de la presse par la SNCF. Celle-ci se présente actuellement sous la forme de tarifs réduits accordés pour le transport des journaux, pris en charge en partie par l’État selon une convention signée avec la SNCF.

Les aides au portage, créées par le décret n° 98-1009 du 6 novembre 1998, permettent aux entreprises de presse d’obtenir une aide pour distribuer en France leurs publications sans utiliser le transport de presse postal.

Le décret 2012-484 du 13 avril 2012 a regroupé plusieurs dispositifs d’aides antérieurs. Le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) rassemble désormais le fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale, le fonds d’aide au développement des services de presse en ligne (SPEL), le fonds d’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l’étranger.

L’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique, qui intègre depuis avril 2012 l’aide à la distribution à l’étranger, est, quant à elle, calculée sur le nombre d’exemplaires vendus au numéro. Elle concerne les quotidiens nationaux et des hebdomadaires (dont le prix de vente et la durée de présentation à la vente de chaque numéro sont comparables à ceux des quotidiens nationaux).

Les aides indirectes

La presse écrite bénéficie de réductions fiscales. Les ventes de journaux inscrits auprès de la CPPAP sont soumises à un taux de TVA réduit de 2,1% (ce taux est de 1,5% en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion). Depuis la loi du 27 février 2014, ce taux s’applique aussi aux services de presse en ligne.

Les publications de presse, les sociétés coopératives de messageries de presse, les agences de presse, les correspondants locaux de presse régionale ou départementale et les services de presse en ligne reconnus par la CPPAP sont exonérés de la contribution économique territoriale (CET).

En 2015, une réduction d’impôt a été instituée pour les particuliers qui souscrivent au capital des sociétés de presse ou pour les dons effectués en faveur de ces entreprises.

La Cour des comptes consacre un chapitre de son rapport public 2018 aux aides à la presse. Pour la Cour, il est nécessaire d'assurer la neutralité des aides de l'État entre les différents vecteurs de diffusion. Pour cela, les publications imprimées, en recul, ne devraient plus être les bénéficiaires quasi-exclusives de ces aides.