Déclaration de M. Thomas Cazenave, ministre délégué, chargé des comptes publics, sur le projet de loi d'approbation des comptes 2023 et l'actualisation de la trajectoire macroéconomique et de finances publiques dans le cadre du programme de stabilité, à l'Assemblée nationale le 17 avril 2024.

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Circonstance : Audition sur le PSTAB et le PLR 2023 devant la Commission des finances de l'Assemblée nationale

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur général,
Mesdames et Messieurs les députés,


L'audition d'aujourd'hui a pour objectif de vous présenter le projet de loi d'approbation des comptes 2023 et l'actualisation de notre trajectoire macroéconomique et de finances publiques dans le cadre du programme de stabilité.


Je vais dans un premier temps revenir sur l'année 2023.

Les comptes de l'année 2023 traduisent d'abord une chose : nos dépenses ont été tenues.

S'agissant de l'Etat et des opérateurs, nous avons moins dépensé que prévu et ce à hauteur de 7 Md€.

Ce résultat a été permis par les mesures de pilotage mises en oeuvre et qui ont porté leurs fruits. Concrètement :

- Nous avons augmenté la mise en réserve en mai 2023 et pris un décret d'annulation de 5 Md€ en crédits de paiement en septembre.
- Nous avons aussi présenté une loi de finances de fin de gestion portant des annulations nettes sur le périmètre des dépenses de l'État.
- Enfin, nous avons renforcé le suivi de l'exécution des dépenses en fin de gestion, ce qui nous a permis d'aboutir à une exécution significativement inférieure à ce qui avait été indiqué dans la loi de fin de gestion.

S'agissant des emplois, les recrutements de l'Etat sont conformes au budget qui avait été voté.

Au-delà de l'Etat, la trajectoire de l'ONDAM a été respectée : les mesures de régulation ont permis de compenser les aides en trésorerie accordées aux hôpitaux au titre de l'inflation et le dépassement des soins de ville. Les dépenses de santé de crise sanitaire ont été très significativement réduites passant de près de 12 Md€ en 2022 à 1 Md€ en 2023.

S'agissant des collectivités locales, leurs dépenses de fonctionnement ont été dynamiques en 2023. La Loi de programmation des finances publiques fixait pour 2023 une hausse des dépenses égale à l'inflation. Nous constatons aujourd'hui qu'elles ont augmenté plus fortement, de +5,9% là où l'inflation (hors tabac) s'est élevée à 4,8%.


Si les dépenses ont été globalement tenues, nous avons fait face à un ralentissement économique à l'échelle européenne et mondiale et à des difficultés conjoncturelles qui ont pesé lourdement sur nos finances publiques fin 2023, et en particulier sur nos recettes. Au total, ce sont 21 Md€ de moindres recettes que nous constatons en 2023, par rapport à ce nous anticipions lors des débats au Parlement en octobre et novembre 2023.

Plus précisément, cet écart de 21 Md€ d'euros en 2023 se décompose ainsi :

- 4,4 Md€ sur l'impôt sur les sociétés ;
- 4,3 Md€ sur la TVA ;
- 2,7 Md€ sur la Crim ;
- 0,2 Md€ de DMTO ;
- 1,4 Md€ d'impôt sur le revenu ;
- 4,8 Md€ de cotisations sociales ;
- 1,4 Md€ de prélèvements sociaux sur l'activité.

J'entends que certains nous reprochent de ne pas avoir pu prendre en compte ce retournement lors de l'examen des textes financiers à l'automne.

Au mois de décembre, les administrations de Bercy ont fait état d'un risque de déficit plus élevé que ce que nous attendions. Dans le même temps, elles alertaient sur le risque à communiquer sur un tel chiffre au regard des nombreuses incertitudes qui l'entouraient. A cette date, la loi de fin de gestion 2023 avait déjà été promulguée depuis une semaine et ne pouvait donc pas être modifiée.

De tels écarts aux prévisions de recettes ont déjà été connus dans le passé, certains d'entre vous s'en souviennent probablement :

- En 2013, les recettes avaient chuté, ce qui avait entrainé un écart entre l'objectif en PLF et le déficit constaté d'1,3 point de PIB soit 25 milliards d'euros de différence.
- En 2011, même chose, l'Etat avait vu ses recettes baisser avec par exemple - 700 M€ sur l'IR et – 5,7 Md€ sur l'IS.

Par ailleurs, cette année, un changement de méthode appliqué par l'INSEE a modifié le périmètre des administrations publiques, conduisant à dégrader le déficit public de 4Md€.


Vous avez eu l'occasion d'auditionner Pierre Moscovici plus tôt dans l'après-midi. Je rappelle que le HCFP estimait lui-même que la prévision de déficit à 4,9% était " vraisemblable " au vu des informations disponibles et nos prévisions de recettes plausibles.

En résumé, l'exercice 2023 a donc été marqué par des dépenses globalement maîtrisées mais par des moindres recettes dans une conjoncture difficile, comme cela a été souligné par le Haut-Conseil aux Finances publiques dans son avis du 15 avril. C'est dans ce contexte que nous ajustons notre trajectoire de finances publiques dans le cadre du programme de stabilité (PSTAB).

[Actualisation de la trajectoire]

Face à cette conjoncture plus difficile, Bruno Le Maire a révisé notre prévision de croissance à 1% pour 2024, en cohérence avec ce qu'ont fait nos voisins européens et nous avons pris un décret d'annulation de 10 Md€ - j'y reviendrai.

Malgré la révision de notre croissance 2024, les fondamentaux de notre croissance restent solides, soutenus par les réformes structurelles, les investissements mis en oeuvre depuis 2017 et, de façon plus conjoncturelle, par l'accélération de la consommation des ménages permise par la baisse de l'inflation et la baisse de leur taux d'épargne.

A ce titre, le 11 avril dernier, la Banque de France a conforté cette prévision en constatant un PIB en hausse de + 0,2% au premier trimestre, ce qui n'est pas " incompatible avec une prévision de 1% sur l'année ".

La prévision de croissance, si elle est jugée " optimiste ", n'est pas « hors d'atteinte » d'après le dernier avis du Haut conseil des finances publiques. La prévision gouvernementale est d'ailleurs proche de celle de la commission européenne qui est de 0,9%.

Enfin, cette prévision est conforme avec les indicateurs conjoncturels : le climat des affaires retrouve sa moyenne de long terme et la confiance des ménages se redresse.

La trajectoire que nous présentons en PSTAB s'inscrit donc dans ce contexte de croissance préservée et à cette occasion, je veux réaffirmer deux choses.

La première, c'est que nous gardons une boussole qui guide notre action : celle du retour sous la barre des 3% de déficit à horizon 2027. Pour atteindre cet objectif, nous réajustons notre trajectoire avec une première marche crédible qui tient compte de l'exécution 2023 et de la révision de la croissance 2024 : ainsi l'objectif est de ramener le déficit de 5,5% à 5,1% en 2024. La suite de la trajectoire est également modifiée pour atteindre 2,9% en 2027, après 3,6% en 2026 et 4,1% en 2025.

La deuxième, c'est qu'on ne change pas une politique économique qui a fait ses preuves.

Nous continuons de mener une politique de l'offre, qui – je le disais – soutient la croissance, la création d'emploi et l'activité partout sur notre territoire. Depuis 2017, ce sont 2,4 millions d'emplois qui ont été créés, un taux de chômage au plus bas depuis 40 ans, et une réindustrialisation qui permet à notre pays d'être l'une des locomotives de la croissance européenne.


[2024]

Pour tenir notre objectif 2024, je veux d'abord rappeler l'effort déjà fait dans le cadre du décret d'annulation de février 2024 : 10 Md€ de crédits ont été annulés sur l'ensemble du budget de l'Etat.

Ce décret a conduit à des mesures d'économies et à des reprogrammations dans tous les ministères.

Nous avons notamment :

- réduit les dépenses de fonctionnement de l'Etat et des opérateurs. C'est la poursuite de nos efforts vers un Etat plus sobre. Des efforts qui nous ont déjà conduit à réduire de 150 M€ la facture énergétique de l'Etat, à céder pour 280 M€ de biens immobiliers, et à diviser par trois en deux ans les dépenses de conseil ;
- reporté certains investissements immobiliers ou informatiques non encore lancés ;
- réduit nos dépenses d'aide publique au développement ;
- de nouveau resserré le Compte personnel formation (CPF) en mettant en place un ticket modérateur ;
- mobilisé la trésorerie des opérateurs sur tous les périmètres, notamment à Bercy et à la culture.

Ce sont des mesures rapides et ciblées pour ajuster le niveau de nos dépenses à celui de nos recettes.

Pour tenir l'objectif de 5,1% en 2024, nous savons déjà qu'il faudra aller au-delà avec un effort supplémentaire, estimé à 10 Md€.

L'Etat [5 Md€]

Pour l'Etat, une part importante de la réserve de précaution – qui est aujourd'hui de plus de 7 Md€ – ne sera pas utilisée.

Les ministères devront tenir leur budget dans les crédits disponibles et nous allons piloter la gestion au mois le mois, dépense par dépense, pour le garantir.

En cas d'alerte d'insoutenabilité, les seuils au-delà desquels un visa de Bercy sera nécessaire pour engager la dépense seront drastiquement réduits pour un contrôle quasi-systématique.

Enfin, je rappelle que ces mesures de bonne gestion ne remettent pas en cause nos priorités et les grands équilibres du budget 2024 : les dépenses vertes continueront d'augmenter en 2024, les budgets de la sécurité intérieure, des armées, de la justice, de l'éducation nationale, de la recherche, continuent de progresser.

Sur les collectivités territoriales [2,5 Md€]

La maîtrise de nos dépenses publiques, c'est un effort partagé.

Avec Bruno LE MAIRE, Christophe BECHU et Dominique FAURE, nous avons eu l'occasion de le redire devant le Haut Conseil aux Finances Publiques Locales. L'objectif pour les prochaines années, conformément à la LPFP, entre 2024 et 2027, c'est que les dépenses de fonctionnement progressent un peu moins vite que l'inflation (0,5 point en-dessous). En 2024, cela représente 1,9% d'augmentation maximum. Cet objectif n'a pas varié depuis le débat et l'adoption de la LPFP en décembre dernier.

Pour y arriver, il faut se poser la question de l'efficacité de l'action publique, de l'enchevêtrement des responsabilités et de la façon de réduire le coût de notre action publique.

Je demeure convaincu que c'est par le dialogue que l'Etat et les collectivités territoriales parviendront ensemble à construire des solutions face à la dégradation de nos finances publiques. C'est pourquoi les instances de dialogue comme le Haut conseil des finances publiques locales sont importantes. Celui de la semaine dernière, le 9 avril 2024, a permis d'évoquer de nouveaux thèmes de travail.

Sur le champ social

Nous poursuivrons nos efforts de maîtrise de la dépense, afin de tenir la trajectoire prévue, notamment d'ONDAM.

Nous continuerons de porter des réformes structurelles, pour plus de travail, plus de croissance et plus de recettes : c'est la poursuite de notre stratégie économique payante.

Sur les recettes

Je l'ai dit, je le redis, nous n'envisageons pas de changer notre politique fiscale. Comme nous l'avons fait par le passé sur les énergéticiens, les sociétés d'autoroute, les raffineurs de pétrole ou les laboratoires de biologie, des mesures seront prises en 2024 sur la base des travaux des parlementaires comme annoncé par le Premier Ministre. Je pense en particulier à Jean-René CAZENEUVE, Nadia HAI, le Président Jean-Paul MATTEI et François JOLIVET qui auront l'occasion de présenter leurs conclusions d'ici l'été. Nous nous sommes d'ores et déjà engagés à travailler sur la question des énergéticiens et des rachats d'action

[2025]

J'en viens à l'année 2025.

Là aussi, nous pourrons compter sur une croissance solide prévue à 1,4%. Cette croissance sera là aussi soutenue par la consommation des ménages, par le rebond de l'investissement des entreprises et du commerce extérieur.

Malgré cette croissance solide, nous aurons là encore un effort important à faire, prioritairement sur les dépenses, avec un objectif : celui d'un déficit à 4,1% pour 2025.

Pour y parvenir, nous devrons faire des économies dans tous les champs et le travail est déjà engagé. Il est engagé avec les revues de dépenses qui doivent nous permettre d'identifier le plus finement possible les marges de manoeuvre qui sont les nôtres. Il est engagé en maintenant un haut niveau d'ambition en matière de réformes structurelles. Et enfin, il est engagé avec vous, parlementaires, grâce au dialogue que nous avons déjà commencé à mener à l'Assemblée comme au Sénat.


[Conclusion]

Enfin, je veux le redire devant la représentation nationale : dans la période que nous traversons et face à la conjoncture, je veux vous réaffirmer la détermination du Gouvernement à maîtriser notre dépense, à tenir nos objectifs et à préparer l'avenir.
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Ce travail est exigeant mais il se fera avec vous, à travers le dialogue toujours sincère que j'ai à coeur de mener avec vous depuis maintenant 9 mois.

Je vous remercie et me tiens à votre disposition pour répondre à l'ensemble de vos questions.


https://www.economie.gouv.fr, le 18 avril 2024