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Quelles sont les principales raisons de l’abstention ?
Alors la France a basculé dans une démobilisation électorale assez importante à partir de la fin des années 1980.
On a vu une élection comme l'élection législative, qui est l'élection reine, qui est celle de la mise en place du suffrage universel, et pour lesquelles on a des comparaisons dans un temps long.
On a vu l'abstention commencé d'augmenter à cette élection, qui a longtemps été autour de 20 % d'abstention, et puis qui atteint presque 40 % au tournant des années 2000, et vous voyez en 2017 au deuxième tour des législatives, on a une abstention de 57 %.
Donc ça vous donne une idée de l'ampleur de l'abstention.
Après, tout au long de ces années-là, l'abstention a augmenté de façon différenciée en fonction des scrutins.
Elle a atteint presque tous les scrutins intermédiaires entre deux présidentielles, y compris les élections municipales qui, pourtant, résistent davantage.
Mais les élections européennes sont des élections qui enregistrent désormais régulièrement un taux d'abstention élevé, et les élections régionales, départementales, bien entendu.
Seule la présidentielle, en réalité, échappe à l'abstention massive, même si elle n'échappe pas, elle-même, à une hausse de l'abstention, mais qui est beaucoup plus mesurée.
On est pour une présidentielle depuis quelques années, autour de 25 % d'abstention.
En 2002, on s'est approché des 30 %, mais c'était un phénomène exceptionnel.
Et la participation la plus importante a été enregistrée en 2007.
Mais depuis 2007, la participation à la présidentielle baisse un petit peu également.
Les facteurs de l'abstention sont multiples.
C'est la raison pour laquelle, voilà, c'est difficile d'expliquer l'abstention.
Il y a des déterminants sociaux qui sont très forts de la participation électorale, qui sont anciens et qui continuent de peser encore aujourd'hui.
Des déterminants socio-démographiques au premier rang desquels figure l'âge.
On a toujours moins voté à 25 ans qu'à 45 ans.
Tout simplement parce que la participation électorale, ça prolonge d'autres formes d'intégration sociale et que le fait d'avoir un travail stable, une famille, et bien ça favorise le fait d'aller porter un bulletin dans l'urne.
Et puis, il y a un autre facteur qui s'est greffé à celui de l'âge, c'est celui de la génération.
Qui explique que les jeunes d'aujourd'hui aient tendance à rester loin des urnes quand ils ne comprennent pas vraiment l'enjeu d'un scrutin, ou quand ils ne sont pas d'accord avec l'offre des candidats.
Ils ne culpabilisent plus de s'abstenir, alors que les personnes des générations plus anciennes continuent de voter, ou peuvent aller régulièrement voter, tout en n'étant pas plus confiants en la politique.
Ensuite, il y a évidemment les facteurs sociaux.
Le rapport au vote, comme le rapport à la politique de façon générale, il est en partie lié au niveau de diplôme.
Et donc, plus on est diplômé, plus on a de chances de faire entendre sa voix dans les urnes et autrement d'ailleurs.
Et de la même façon, plus on a un patrimoine important, plus on est sécurisé financièrement et économiquement, plus on a de chances de participer.
Et puis, il y a évidemment des facteurs politiques.
Qu'est-ce qui fait se déplacer vers les urnes ?
C'est le fait d'avoir l'impression que sa voix va avoir un effet, qu'elle va contribuer à faire élire un candidat porteur d'un projet de société qui va amener des changements ou qui va maintenir une société qui convient.
Mais c'est le facteur politique qui donne un sens au déplacement vers les urnes.
Alors évidemment, quand les citoyens ne croient plus que le vote change la vie.
Quand les citoyens sont défiants à l'égard des élus, et bien ces facteurs-là ne sont évidemment pas favorables à la participation électorale.
Et puis, il y a enfin des facteurs procéduraux.
Qui ne font pas évidemment à eux seuls le niveau de participation électorale, mais qui peuvent le changer et qui peuvent faire perdre ou gagner quelques points.
Le fait qu'en France, on dispose d'une procédure d'inscription électorale volontaire qui oblige après que les jeunes aient bénéficié d'une inscription automatique une fois, l'année de leurs 18 ans, qui oblige les gens, après chaque déménagement, à se réinscrire là où ils déménagent, et bien conduit à laisser à l'écart des urnes une partie importante de la population.
Le profil des abstentionnistes a-t-il évolué dans le temps ?
Alors, dire que l'abstention a des facteurs structurels, et qu'il y a des déterminants sociaux de la participation électorale, c'est aussi dire qu'il y a une certaine stabilité dans le profil des abstentionnistes.
À cette réserve près, cependant, et qui explique l'augmentation notable de l'abstention dans les milieux populaires aujourd'hui.
À cette réserve près, que pendant longtemps, en France, les quartiers populaires et les lieux du travail ouvriers notamment, ont bénéficié d'un encadrement par des syndicats, par les partis politiques, par le milieu associatif, articulé aux milieux politiques locaux.
Un encadrement qui favorisait la participation le jour du vote parce qu'il était articulé à des formes de sociabilité quotidienne des milieux populaires.
Aujourd'hui, la faible syndicalisation et la déstructuration des partis politiques a eu pour effet de priver, finalement, les milieux populaires de ces formes d'encadrement qui compensaient l'absence de diplômes et l'absence d'intérêt pour la politique, voilà, liée à des facteurs très sociaux.
Donc ça, ça a eu un effet sur l'évolution du profil des abstentionnistes.
Et puis, il y a une catégorie d'abstentionnistes qui a toujours existé, et qui, peut-être, depuis quelques années, est en train de croître, qui est celle des abstentionnistes politisés, qui connaissent les enjeux des élections et qui décident de ne plus y aller, pour manifester une sorte de défiance à l'égard du système démocratique.
Quelles solutions mettre en œuvre pour lutter contre l’abstention ?
Alors, bien évidemment, dire que l'abstention s'explique par de multiples facteurs, c'est dire qu'il n'y a pas un moyen, et un seul, qui résoudra le problème de l'abstention.
Tous les leviers peuvent être activés, mais certains plus ou moins facilement et selon un calendrier plus ou moins rapide.
Bien évidemment, parmi les facteurs structurels, les facteurs politiques structurels.
Comment redonner confiance en la politique ?
Ça dépend évidemment des candidats.
Ça dépend des partis politiques.
Ça dépend des élus et de la manière dont ils font la politique.
Bien sûr que, si les citoyens avaient l'impression que voter produit des effets concrets, qu'ils pouvaient mesurer l'effet de leur déplacement, alors on n'aurait aucun mal à faire revenir les électeurs vers les urnes.
Mais ça, j'ai envie de dire, la balle est dans le camp des professionnels de la politique et des candidats, pour essayer de redonner du sens au vote.
Il y a évidemment des leviers sur lesquels on peut agir facilement.
Je pense à l'école, par exemple.
L'école ne répond pas suffisamment aujourd'hui à cette attente de compréhension des jeunes.
C'est assez paradoxal parce qu'on est un des pays dans lequel l'éducation morale et civique occupe le plus de place en termes d'heures réservées dans les programmes.
Et puis, il y a évidemment, des facteurs et des leviers pour la participation qui sont liés aux procédures électorales et qui, là, sont très faciles à mettre en œuvre.
Il est bien évident que toutes les formes de vote qui permettront le vote à distance, peuvent avoir un effet facilitateur.
Évidemment, aucune mesure technique ne permettra à ceux qui doutent, ou à ceux qui n'y croient plus, de retourner vers les urnes avec le sentiment qu'il va se passer quelque chose, bien sûr.
Mais ça peut, en facilitant la participation, lever certains obstacles au vote, bien évidemment.