Après la Seconde Guerre mondiale, la communauté internationale n'a pu que constater que les civils avaient été les principales victimes du conflit : exterminations en masse, déportations, bombardements de villes…
En 1949, sont signées les conventions de Genève. Elles sont au fondement du droit international humanitaire (DIH). Elles sont relatives aux conflits mais ne portent pas sur la conduite de la guerre. Ces conventions sont vouées à protéger les personnes qui ne participent pas (civils, membres du personnel sanitaire ou d'organisations humanitaires) ou plus à la guerre (blessés, malades et naufragés, prisonniers de guerre).
La convention (IV) de Genève, plus particulièrement, porte sur la protection des personnes civiles en temps de guerre. Le texte aborde la protection des populations contre certains effets de la guerre mais laisse de côté la question de la limitation de l'emploi des armes.
La convention IV prévoit que, dans le cadre d'un conflit international, les personnes civiles doivent être protégées en toutes circonstances et ont droit "au respect de leur personne, de leur honneur, de leurs droits familiaux, de leurs convictions et pratiques religieuses, de leurs habitudes et de leurs coutumes. Elles seront traitées, en tout temps, avec humanité et protégées notamment contre tout acte de violence ou d'intimidation, contre les insultes et la curiosité publique.
Les femmes seront spécialement protégées contre toute atteinte à leur honneur, et notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à leur pudeur.
Compte tenu des dispositions relatives à l'état de santé, à l'âge et au sexe, les personnes protégées seront toutes traitées par la Partie au conflit au pouvoir de laquelle elles se trouvent, avec les mêmes égards, sans aucune distinction défavorable, notamment de race, de religion ou d'opinions politiques".
L'article 32 de la convention IV stipule : "Les Hautes Parties contractantes [c'est-à-dire les États signataires] s'interdisent expressément toute mesure de nature à causer soit des souffrances physiques, soit l'extermination des personnes protégées en leur pouvoir. Cette interdiction vise non seulement le meurtre, la torture, les peines corporelles, les mutilations et les expériences médicales ou scientifiques non nécessitées par le traitement médical d'une personne protégée, mais également toutes autres brutalités, qu'elles soient le fait d'agents civils ou d'agents militaires.
Le protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, dit protocole I et signé le 8 juin 1977, étend la protection réservée aux blessés, malades et naufragés au personnel sanitaire civil, à l'équipement et à l'approvisionnement ainsi qu'aux unités et aux transports civils. Le protocole I donne la définition des objectifs militaires et interdit les attaques contre les personnes civiles et les biens de caractère civil. Sont aussi protégés les organismes de protection civile, leur personnel, et les secours en faveur de la population civile.
Certains groupes font l'objet d'une attention particulière, comme les femmes, les enfants, les personnes malades ou fuyant leur foyer, qui ont le statut de déplacés internes ou réfugiés (Les civils et le droit international humanitaire).
Le DIH repose sur des traités, mais aussi sur un ensemble de règles coutumières, c'est-à-dire de règles découlant d'une "pratique générale acceptée comme étant le droit", au sens de l'article 38 du Statut de la Cour internationale de justice.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a élaboré une liste de ces règles coutumières. Par exemple, les personnels et biens sanitaires, religieux, humanitaires ou employés dans une mission de maintien de la paix, mais aussi les journalistes bénéficient d'une protection spécifique. Ces règles se retrouvent dans les conventions de Genève mais n'en suivent pas forcément la structure.
Ces règles peuvent être très anciennes. Il y a près de 4 000 ans, Hammourabi, roi de Babylone, prescrivait déjà dans son code des lois de la guerre "afin d'empêcher que le fort n'opprime le faible" (Quelles sont les origines du droit international humanitaire ?).
Le droit international humanitaire repose sur cinq principes fondamentaux :
- le principe d'humanité (concilier nécessités militaires et humaines au cœur du conflit) ;
- le principe de distinction (les belligérants doivent faire la distinction entre civils et combattants mais aussi entre biens civils et militaires) ;
- le principe de précaution ("Les opérations militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population civile, les personnes civiles et les biens à caractère civil" [article 57 du protocole I aux conventions de Genève, 8 juin 1977]) ;
- le principe de proportionnalité (interdiction des attaques pouvant causer des pertes civiles, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, "qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu" [article 51 du protocole I aux conventions de Genève, 8 juin 1977]) ;
- le principe d'interdiction des maux superflus et des souffrances inutiles (c'est-à-dire de dommages ou de souffrances qui ne sont pas nécessaires pour atteindre des buts strictement militaires et l'affaiblissement du camp adverse).
Presque tous les États sont parties aux conventions de Genève, elles sont universellement applicables. En cas de conflit armé international, c'est-à-dire de différend entre deux ou plusieurs États provoquant le recours à la force armée, les conventions s'appliquent.
Or, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la quasi-totalité des conflits sont non internationaux et opposent le plus souvent des groupes armés dissidents aux forces gouvernementales d'un État. Ces conflits armés peuvent aussi opposer un ou plusieurs groupes armés au sein d'un État. Parmi ces forces armées non étatiques, on trouve :
- des groupes armés classiques ;
- des mercenaires, au sein de sociétés militaires privées ;
- des réseaux terroristes transnationaux…
Ces acteurs non étatiques ne sont pas parties aux traités de droit humanitaire. C'est pour cette raison, entre autres, que le CICR a dressé une liste de règles coutumières du DIH qui sont donc, en théorie, opposables.
La difficulté, aujourd'hui, vient du fait que la plupart des conflits sont mixtes, c'est-à-dire pouvant être qualifiés d'internationaux ou de non internationaux selon leurs différentes phases.
L'article 3 commun aux quatre conventions de Genève de 1949 était auparavant la seule disposition applicable aux conflits armés non internationaux. Cet article stipule que les populations civiles et les combattants qui ont été mis hors de combat doivent être traités "avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue".
Sont prohibés :
- les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices ;
- les prises d'otages ;
- les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants ;
- les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés.
Le protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, dit protocole II et signé le 8 juin 1977, vient compléter l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève de 1949, qui "était auparavant inadéquat", puisque "environ 80% des victimes de tous les conflits armés qui avaient eu lieu depuis 1945 étaient des victimes de conflits non internationaux". Mais le projet initial a été simplifié, par crainte des États de voir leur souveraineté affectée. Seuls 28 articles sur 47 ont été adoptés. La conséquence est que le protocole II couvre moins de conflits internes que l'article 3 des quatre conventions de 1949.
Le DIH ne définit pas à proprement parler les couloirs (ou corridors) humanitaires.
L'article 23 de la convention IV de Genève définit un libre passage des envois humanitaires : "Chaque Haute Partie contractante accordera le libre passage de tout envoi de médicaments et de matériel sanitaire ainsi que des objets nécessaires au culte, destinés uniquement à la population civile d'une autre Partie contractante, même ennemie. Elle autorisera également le libre passage de tout envoi de vivres indispensables, de vêtements et de fortifiants réservés aux enfants de moins de quinze ans, aux femmes enceintes ou en couches."
Le texte ajoute que l'obligation d'une partie d'accorder le libre passage de ces envois est subordonnée à la condition qu'il n'y ait aucune raison sérieuse de craindre que :
- les envois puissent être détournés de leur destination ;
- le contrôle puisse ne pas être efficace ;
- l'ennemi puisse en tirer un avantage manifeste pour ses efforts militaires ou son économie.
Le CICR définit ainsi les couloirs humanitaires : "Les couloirs humanitaires sont essentiellement des accords conclus entre les parties au conflit armé pour assurer un passage sans danger dans une zone géographique donnée. Ils peuvent permettre le départ de civils, l'arrivée de l'assistance humanitaire ou l'évacuation des blessés, des malades ou des morts."
Le CICR précise que la volonté des populations civiles empruntant un couloir humanitaire doit être respectée. Elles ne peuvent être déplacées contre leur gré, à part des exceptions très encadrées. Trois conditions doivent être être réunies :
- libre consentement des personnes ;
- préservation de l'unité familiale ;
- autorisations et garanties nécessaires relatives aux biens, à la destination, à la sécurité, au retour ultérieur.
Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge comprend :
- le CICR ;
- la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ;
- les 191 sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
Le CICR est une institution neutre et indépendante créée en 1863. Son mandat découle principalement des conventions de Genève de 1949, date à laquelle le CICR a proposé aux États la révision des conventions de Genève existantes (la première datant de 1864).
Toute action du CICR s'inscrit dans un cadre juridique précis :
- les quatre conventions de Genève et le protocole I, en cas de conflit armé international (droit de visite des prisonniers de guerre et des internés civils, droit d'initiative) ;
- l'article 3 des quatre conventions de Genève, accordant au comité un droit d'initiative humanitaire reconnu par la communauté internationale en cas de conflit armé non international ;
- les statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, accordant un droit d'initiative en cas de troubles ou de tensions internes et dans toute situation justifiant une action humanitaire.
Les emblèmes de la croix rouge et du croissant rouge sont utilisés depuis le XIXe siècle comme symboles du secours aux victimes des conflits armés. L'article 38 de la convention I détermine que, par hommage pour la Suisse, à l'initiative avec le CICR des conventions de 1949, "le signe héraldique de la croix rouge sur fond blanc, formé par interversion des couleurs fédérales, est maintenu comme emblème et signe distinctif du Service sanitaire des armées".
L'article admet également le croissant rouge ou le lion et le soleil rouges sur fond blanc pour les pays qui les employaient déjà à la date de la signature de la convention (le lion et le soleil ont été employés par l'Iran jusqu'en 1980).
Toutefois, certains États et sociétés nationales ont refusé d'adopter ces emblèmes au motif qu'ils ne se reconnaissent dans aucun d'entre eux et qu'ils pourraient avoir une connotation religieuse ou politique.
Pour ces raisons, le protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel, dit protocole III et signé le 8 décembre 2005, consacre un emblème additionnel, le cristal rouge (un carré posé sur la pointe). Le cristal rouge a été conçu pour être dénué de toute connotation politique, religieuse ou autre mais pas comme remplaçant la croix et le croissant.
Le protocole III est formulé de manière à prévenir toute prolifération d'emblèmes à l'avenir.
Les conflits armés faisant de plus en plus de victimes parmi les populations civiles, le Conseil de sécurité des Nations unies a mis en place des opérations de maintien de la paix, assurées par les Casques bleus. Dès les années 1990, les populations civiles ont été systématiquement prises pour cibles dans des conflits internes que les Casques bleus n'étaient pas préparés à affronter (Minuar au Rwanda et la Forpronu en ex-Yougoslavie).
Le Conseil de sécurité a donc élaboré une architecture de résolutions renforçant le rôle des Casques bleus en matière de protection afin de mieux assurer la protection des civils en cas de conflit. Les mandats et les règles d’engagement ont été définis afin que les Casques bleus aient le pouvoir d’agir. Leur rôle ne se limite plus à faire respecter des cessez-le-feu et ils peuvent désormais participer directement aux hostilités dans le cadre de missions de la paix.
Le mandat de protection des civils dans le maintien de la paix est régi par un ensemble de principes :
- la protection des civils incombe au premier chef aux gouvernements ;
- les Casques bleus chargés de protéger les civils ont l’autorité et la responsabilité de fournir une protection dans la mesure de leurs moyens ;
- la protection des civils se fait en coopération avec les acteurs humanitaires ;
- le mandat de protection des civils est un mandat prioritaire.
Près de 95% des Casques bleus servent dans des missions de protection des civils, ce qui inclut la protection des enfants et la protection contre la violence sexuelle liée aux conflits.
La protection des civils est, selon le Groupe indépendant de haut niveau chargé d'étudier les opérations de paix de l'ONU, une obligation fondamentale de l'ensemble du système des Nations unies et pas seulement du maintien de la paix.