Les États membres doivent faire face à deux tensions contradictoires :
- le contrôle des flux migratoires et la lutte contre l’immigration clandestine ;
- le vieillissement démographique et les pénuries structurelles de main-d’œuvre. D’ici à 2070, la part des personnes en âge de travailler passera de quelque 65% en 2019 à 56 à 54% de la population totale de l’UE.
Les représentants des 27 États membres de l’Union européenne (UE) ont réussi, le 4 octobre 2023, à trouver un accord sur la répartition de la prise en charge des migrants, demandeurs d'asile et réfugiés. La Hongrie et la Pologne ont cependant fait part de leur opposition à cet accord sur la réforme migratoire tandis que l'Autriche, la Slovaquie et la République tchèque se sont abstenues sur le texte.
La gestion des flux migratoires constitue une difficulté pour les États membres de l'Union européenne, en quête d’une politique migratoire commune. Cette approche commune semble parfois introuvable tant les intérêts nationaux et les exigences en matière de droits européen et international sont difficiles à concilier.
L'UE et ses États membres essayent de mettre en place une "politique migratoire européenne efficace, humanitaire et sûre". Les principaux pays d’arrivée de migrants de pays tiers en dehors de l'UE sont en 2022 l'Espagne, l'Italie et la Grèce. Ces derniers se sentent souvent peu soutenus car l'actuel système de répartition des demandeurs d’asile parmi les États membres sur la base du volontariat ne fonctionne pas correctement.
De fait, cinq États membres de l'UE ont reçu en 2022 près des trois quarts de l'ensemble des premières demandes d'asile déposées dans l'UE. L'Allemagne seule a enregistré un quart (25%) des demandes d'asile dans l'UE, suivie de la France (16%), de l'Espagne (12%), de l'Autriche (11%) et de l'Italie (9%).
Le Pacte européen sur la migration et l'asile a été proposé par la Commission européenne en septembre 2020. Il a été annoncé pour réformer la politique migratoire européenne qui a été mise en difficulté lors de la crise migratoire de 2015. Le pacte a pour but d'"instaurer un climat de confiance et un nouvel équilibre entre responsabilité et solidarité" entre les États membres.
Concrètement, ce pacte se traduit par un éventail de mesures législatives et opérationnelles. Elles font l'objet de négociations depuis plus de trois ans entre le Parlement européen et le Conseil européen. Fin 2022, le Parlement et les prochaines présidences du Conseil se sont engagés à tout mettre en œuvre pour finaliser la réforme du cadre législatif en matière d’asile et de migration avant avril 2024 et les prochaines élections européennes de juin 2024.
Le Pacte comprend une liste de neuf textes liés entre eux pour créer un cadre harmonisé à l’échelle du continent :
Trois nouveaux règlements sont proposés :
- un règlement introduisant une procédure de filtrage ("screening") aux frontières extérieures de l’UE afin de procéder rapidement à des vérifications d’identité, de sécurité et de vulnérabilité avant d’orienter le ressortissant de pays tiers vers la procédure la plus adaptée ;
- un règlement établissant un cadre de gestion de l’asile et de la migration pour remplacer le règlement Dublin et assurer un plus juste équilibre entre les principes de responsabilité et de solidarité entre les États membres ;
- un règlement de gestion des situations de crise et de force majeure qui permettra de répondre à des situations d’urgence par le biais d’aménagements procéduraux et de réponses solidaires.
Par ailleurs, deux ajustements de textes existants sont prévus :
- une proposition amendée du règlement Eurodac devant permettre une information plus complète sur les demandeurs d’asile avec des données par individu et non plus seulement par demande ;
- une proposition amendée de règlement sur la procédure commune d'asile, introduisant notamment les nouvelles procédures à la frontière (procédures d’asile et de retour à la frontière).
Le Pacte comprend trois recommandations sur la gestion des crises, les réinstallations et les voies légales d’entrée ainsi que sur les sauvetages en mer et une orientation concernant les passeurs et la lutte contre le trafic de migrants.
Plus globalement, le Pacte s’articule autour de trois principaux axes :
- le renforcement des frontières extérieures ;
- un partage plus équitable des responsabilités et de la solidarité ;
- et le renforcement de la coopération avec les pays tiers.
Qu'en est-il des arrivées irrégulières dans l'UE entre 2015 et 2023 ?
Les arrivées irrégulières dans l'UE ont considérablement diminué depuis le pic de la crise migratoire en 2015.
En 2023, selon les chiffres les plus récents de l'UE, plus de 160 000 arrivées irrégulières ont été enregistrées.
La grande majorité des migrants arrivent et résident dans l'UE légalement. Selon les statistiques sur la migration vers l'Europe, au 1er janvier 2022, l'UE comptait 23,8 millions d'immigrés, soit 5,3% de la population totale de l'UE (446,7 millions d'habitants).
La Commission européenne a proposé et mis en œuvre une politique en matière de migration légale dont les objectifs sont triples :
- profiter à l’économie de l’UE ;
- renforcer la coopération avec les pays tiers ;
- améliorer la gestion globale des migrations à long terme.
Compétences et talents
Le 27 avril 2022, la Commission a présenté une communication qui définit une approche en matière de migration légale, qui "attire les compétences et les talents dont l'UE a besoin afin de remédier aux pénuries de main-d'œuvre et de réagir à l'évolution démographique en Europe".
Permis unique
Le 27 avril 2022, la Commission a présenté une proposition visant à moderniser la directive sur le permis unique. Elle a pour but d'établir une procédure de demande unique et d'obtenir un permis combiné de travail et de séjour. Le 8 juin 2023, le Conseil de l'UE a adopté une position de négociation pour la révision de la directive "permis unique".
Résidents de longue durée
La proposition de la Commission du 23 septembre 2020 relative à la directive sur les titres de résident de longue durée permet aux ressortissants de pays tiers de demander à une autorité nationale de pouvoir vivre et travailler sur le territoire pour une longue période après avoir vécu trois ans dans le pays. Actuellement, dans la plupart des États membres, les ressortissants de pays tiers peuvent demander la résidence permanente après cinq ans de vie dans un État membre.
Travailleurs hautement qualifiés
Le 7 octobre 2021, le Conseil a adopté la directive "carte bleue" révisée. Les nouvelles règles harmonisent davantage les conditions d'entrée et de séjour des travailleurs hautement qualifiés originaires de pays tiers.
Réinstallation
La réinstallation permet aux réfugiés ayant besoin d'une protection d'entrer légalement et en toute sécurité dans l'UE sans avoir à risquer leur vie en effectuant un voyage périlleux. Depuis 2015, des programmes de réinstallation soutenus par l'UE ont aidé plus de 98 000 personnes ayant besoin d'une protection internationale, parmi les plus vulnérables, à trouver refuge dans l'Union européenne.
Quels sont les autres flux de migration légale ?
- les étudiants et chercheurs. L'UE encourage la mobilité des étudiants, des chercheurs et des entrepreneurs des pays-tiers dans le cadre de son programme Erasmus+ ;
- les travailleurs saisonniers. L'économie de l'UE dépend d'un grand nombre de ressortissants de pays tiers ;
- le regroupement familial permet aux personnes qui résident légalement dans l'UE d'être rejoints par les membres de leur famille.
Ni le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFU), ni la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne donnent de définition des termes "asile" et "réfugié", mais ces deux textes font explicitement référence à la convention de Genève sur le statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et son protocole du 31 janvier 1967.
Le Parlement européen qualifie de demandeur d'asile une personne "introduisant une demande formelle d'asile dans un autre pays parce qu'elle craint d'être persécutée dans son pays d'origine. " La personne "devient un demandeur d'asile lorsque sa demande a été formellement déposée". Il peut ensuite obtenir le statut de réfugié, ou toute autre forme de protection internationale, une fois la demande acceptée par l'autorité nationale compétente.
Qu'est-ce qu'un primo-demandeur d'asile ?
Un primo-demandeur de protection internationale est une personne qui introduit une demande d'asile pour la première fois dans un pays de l'UE. Le nombre de primo-demandeurs d'asile dans l'UE en 2022 était de 881 220, soit une augmentation de 64% par rapport à l'année précédente (537 355).
Un réfugié est une "personne ayant une crainte fondée d'être persécutée en raison de sa race, de sa nationalité, de son opinion politique ou de son appartenance à un groupe social particulier", selon le Parlement européen.
En mars 2022, le Parlement a soutenu le déclenchement de la directive sur la protection temporaire. Il s'agit d'une première depuis son entrée en vigueur en 2001. La directive prévoit d'accorder, sous certaines conditions, une "protection temporaire" avec des droits précis en cas d'arrivées massives de réfugiés dans l'UE. Les "ressortissants ukrainiens et les personnes qui ont fait de l'Ukraine leur lieu de vie et les membres de leur famille déplacés en raison du conflit auront droit à une protection dans toute l'Union européenne".
La protection subsidiaire ou temporaire
L’UE a intégré les conditions à remplir pour pouvoir obtenir une protection internationale. Elle a créé une catégorie de bénéficiaires de la protection internationale autre que les réfugiés, à savoir les bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire ou temporaire.
Selon les règles actuelles de la politique d'asile et migratoire, les demandeurs d'asile ne font pas l'objet d'un traitement uniforme dans l'ensemble de l'UE. La proportion de décisions positives relatives à l'obtention de l'asile varie par conséquent dans les différents États membres.
Depuis 1999, l’UE essaie de développer une politique d’asile commune par la mise en place d’un régime d’asile européen commun (RAEC). Le RAEC fixe des normes minimales communes pour le traitement des demandes d’asile et des personnes en quête de protection. Elles sont mises en œuvre par des instruments juridiques spécifiques de l’UE. Les États européens mènent néanmoins des procédures d’asile autonomes sur la base de ces instruments juridiques.
Le RAEC comprend :
- la directive "qualification" (2011/95/EU) qui contient les exigences de l’examen d’une demande d’asile. Son but est de déterminer des conditions harmonisées qui permettent d’obtenir le statut de réfugié ou le droit à la protection subsidiaire ;
- la directive "procédure d’asile"(2013/32/EU) qui détermine le cadre minimal pour le déroulement de la procédure d’asile ;
- la directive "accueil" (2013/33/EU) qui établit des normes communes quant aux conditions de vie dont doivent bénéficier les demandeurs d’asile pendant la procédure d’asile (règles sur le logement, les soins et le marché du travail).
Convention et règlements de Dublin
Dès les accords de Schengen en 1985, une réflexion a été entamée sur la création d’un régime commun de l’asile, corollaire de la suppression des frontières intérieures. C’est ainsi qu’a été signée en 1990 la Convention de Dublin qui posait la règle dite du "guichet unique" pour éviter qu’un demandeur d’asile puisse déposer son dossier dans plusieurs pays de l’UE. Cette règle n'a pas été respectée.
Le règlement Dublin II de 2003 a intégré le règlement Eurodac. Il met en place une base de données recueillant les empreintes digitales des demandeurs d’asile pour garantir l’impossibilité d’une demande multiple.
Le règlement Dublin III de 2013 a établi une méthode permettant de déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile. Depuis 2013, l'État membre par lequel le demandeur d’asile est entré est responsable du traitement de sa demande, que cette entrée soit régulière ou non.