Le 26 mars 1991, le traité d'Asunción crée l'accord du Mercosur (de l'espagnol Mercado Común del Sur ou Marché commun du Sud).
L'alliance Mercosur est constituée de membres fondateurs - l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay (le Venezuela a été suspendu en 2017) - rejoints par la Bolivie en décembre 2023. D'autres États sont membres associés : Chili, Colombie, Équateur, Guyana, Pérou et Suriname.
Le Mercosur est une alliance économique qui repose sur :
- la libre circulation des biens et des services ;
- l'établissement d'un tarif extérieur commun et l'adoption d'une politique commerciale commune vis-à-vis des États tiers ou de groupe d'États tiers ;
- la coordination des politiques macroéconomiques et sectorielles entre les États parties dans les domaines du commerce extérieur, commerce agricole, industriel.
Le Mercosur, qui représente plus de 80% du PIB de l'Amérique du Sud, est le quatrième bloc économique de libre-échange au monde, après le Partenariat économique régional global (RCEP) en Asie (la Chine et 14 pays de la région Asie-Pacifique), l'Alena (les États-Unis, le Canada et le Mexique) et l'Union européenne (UE).
Le 28 juin 2019, après près de 25 ans de négociation, l'UE et le Mercosur ont signé un accord de libre-échange. Il fait partie d'un accord d’association plus large prévoyant un dialogue politique et la coopération entre les deux régions. L'accord d'association a pour objectif :
- d'encourager et accroître les relations commerciales entre les deux marchés en abaissant les barrières tarifaires et non tarifaires ;
- de promouvoir la coopération et un dialogue politique entre les deux alliances sur des questions de migration, d'économie digitale, de recherche, d'éducation, de droits humanitaires, de protection de l'environnement ou encore de cybercriminalité.
Les piliers "dialogue politique et coopération" de l'accord ne soulèvent pas de difficultés particulières. En revanche, son volet "commerce" suscite des inquiétudes quant à ses conséquences économiques, sociales, sanitaires et environnementales.
Il s'agit du plus important accord de libre-échange conclu par l'UE puisqu'il concerne presque 800 millions de personnes et, en termes de volumes d'échanges, couvre entre 40 et 45 milliards d'euros d'importations et exportations.
L'accord prévoit une importante réduction des barrières tarifaires qui doit faciliter aux entreprises françaises et européennes l'accès à des marchés en croissance. Les entreprises européennes devraient également bénéficier d'une plus grande ouverture des marchés publics des pays du Mercosur. Ces effets bénéfiques du libre-échange ne préjugent pas d'effets redistributifs négatifs pour certains.
Concrètement, l'accord devrait permettre aux entreprises françaises et européennes d’exporter davantage de produits industriels et de services. En retour, les producteurs du Mercosur devraient pouvoir exporter plus de produits alimentaires et agricoles vers l'UE. Il est pour cette raison souvent présenté comme un accord "viandes contre voitures".
L'agriculture fait partie des secteurs concernés par cet accord mais l'accord concerne aussi l'industrie automobile, la chimie, le secteur pharmaceutique, le textile et les services.
L'accord ne permet pas de dissocier l’agriculture des autres secteurs, tout accord de libre-échange étant un échange de concessions. Certains secteurs devraient enregistrer des gains (industrie, services), d'autres pourraient en pâtir (certains secteurs agricoles et alimentaires) et font entendre leur opposition.
Tout le secteur agricole n'est pas concerné de la même manière par l'accord : si la filière bovine ou le secteur du sucre peuvent être fragilisés en cas de baisse des prix sur les marchés européens à la suite à la hausse des importations du Mercosur, d'autres, comme celui du vin, des spiritueux ou du fromage, pourraient profiter de l'accord.
L'accord avec le Mercosur fait partie d'une politique globale d'accords de libre-échange de l'UE. En 2019 est entré en vigueur le partenariat économique UE-Japon qui abaisse les droits de douanes de 15% pour le vin, 38% pour la viande bovine et 30% pour le fromage, en 2023 celui avec la Nouvelle-Zélande.
Les crises intervenues depuis 2000 - crise climatique, crise financière, suivie de la crise pandémique, puis la guerre en Ukraine - ont transformé le commerce mondial. Elles ont mis en évidence les dangers de guerres commerciales (États-Unis - Chine ou États-Unis - UE), d'un côté, et de l'autre la question de la dépendance aux importations depuis certains pays.
L'UE essaie de diversifier ses échanges et d’aller progressivement vers une économie verte. Elle cherche à mieux maîtriser sa dépendance économique vis-à-vis de la Chine (de-risking), notamment dans les secteurs critiques.
Outre la perspective de nouveaux débouchés pour les entreprises européennes, l'accord avec le Mercosur s'inscrit dans la recherche d'une plus grande diversification des approvisionnements, notamment en matière de minerais stratégiques comme le lithium (essentiel à la transition écologique et dont les pays du Mercosur possèdent de grandes réserves), mais aussi le cobalt et le graphite, tous utilisés dans la construction de voitures électriques. En ce qui concerne le lithium, la France possède des sites potentiels, avec notamment un projet de mine de lithium dans l'Allier. Ce projet d'exploitation et de transformation est à l'étude.
Dès la conclusion de l'accord en 2019, plusieurs gouvernements européens (la France, rejointe par les Pays-Bas, l'Autriche, l'Allemagne et l'Irlande) ont exprimé leur opposition à l'accord en l'état.
Certains pays craignent des effets négatifs sur des filières agricoles ou alimentaires, d'autres s'inquiètent des effets sur l'environnement et la santé. Dès 2020, le rapport de Stefan Ambec sur les effets potentiels de l'accord souligne que les gains économiques attendus par l’accord ne peuvent pas compenser ses coûts environnementaux.
Il alerte sur le risque d'accroître les émissions de gaz à effet de serre et la déforestation en cas de hausse des exportations sud-américaines de viande bovine, ainsi que sur les risques sanitaires. Les modes de production dans les pays du Mercosur et dans l'UE ne sont pas les mêmes. Les limites maximales de résidus (LMR) brésiliennes sont "dans la plupart des cas plus hautes" que les normes européennes et françaises. Le rapport critique l'absence d'exigences contraignantes quant aux modes de production (alimentation des animaux, bien-être des animaux ou utilisation des produits phytosanitaires).
La France a rappelé qu'elle ne soutiendra l'accord qu'à certaines conditions, à savoir :
- la mention de la mise en œuvre effective de l'Accord de Paris sur le climat ;
- le respect des normes environnementales et sanitaires et l'inscription explicite du principe de précaution dans l'accord (principe de réciprocité);
- protéger les secteurs qui risquent de pâtir de l'accord, notamment certaines filières agricoles et alimentaires (clause de sauvegarde).
Cette clause de sauvegarde consiste à limiter temporairement les importations en cas d’apparition de difficultés sur le marché européen. La Commission européenne s'est engagée à adopter des mesures financières d'accompagnement pour le secteur agricole européen (potentiellement jusqu'à un milliard d'euros).
Afin de répondre aux craintes des pays membres et de sortir les négociations de l’impasse, l'UE a adressé en mars 2023 au Mercosur un protocole annexe à l'accord, contenant de nouvelles exigences environnementales et commerciales. En décembre 2023, le Brésil et l'Argentine ont refusé de s'engager sur le protocole additionnel, jugeant inacceptables et asymétriques certains points, notamment en matière de déforestation et de protection des marchés agricoles européens.
En janvier 2024, face à la colère du monde agricole, le Premier ministre Gabriel Attal s'est prononcé en faveur de l'intégration de la réciprocité des normes et la mise en place de clauses miroirs : "elles doivent protéger les consommateurs et garantir à nos producteurs qu’ils luttent à armes égales avec leurs concurrents étrangers". Une clause miroir consiste à imposer des normes identiques pour les produits échangés.
En janvier 2024, la France, confrontée à la colère du secteur agricole, a réaffirmé "sa plus ferme opposition à la signature du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur".
La Commission européenne a cependant affirmé sa volonté de poursuivre les négociations. Le nombre de pays opposés se réduit. L’Allemagne souhaite désormais que les négociations aboutissent, notamment pour son volet industriel et son importance géostratégique.
En principe, c'est l'intégralité de l'accord qui devra être soumis à la procédure de ratification c'est-à-dire à un vote à l'unanimité des États membres, puis à un vote au Parlement européen et à une ratification par l'ensemble des États membres selon la procédure prévue au niveau national, par l'Assemblée nationale et le Sénat dans le cas français. Mais la Commission pourrait également choisir de sortir le volet commercial afin de permettre l'adoption séparée du volet commercial de l'accord - les accords commerciaux relevant d'une compétence exclusive de la Commission.