[GÉNÉRIQUE]
Vous écoutez “L’Actualité de la vie publique”, un podcast du site Vie-publique.fr
Signature sonore
Patrice : Bonjour à tous, bonjour Guillemette !
Guillemette : Bonjour Patrice !
Introduction de l'épisode
Patrice : Du 6 et 9 juin 2024 ont lieu les élections européennes. À cette occasion, 720 eurodéputés seront élus par les électeurs des 27 États membres pour siéger au Parlement européen.
Voici le second épisode de la nouvelle série de “l’Actualité de la vie publique”, consacrée au Parlement européen et à ses élus, dont le rôle, souvent mal connu des citoyens, est pourtant essentiel dans le fonctionnement institutionnel et les politiques de l’Union européenne.
Au sommaire de ce second épisode : « Qu’est-ce qu’un eurodéputé ? »
1. Patrice : Alors, première question Guillemette, qu’appelle-t-on un eurodéputé ?
Guillemette : Pour vous répondre très simplement Patrice, un eurodéputé est un député élu au Parlement européen. C’est l’équivalent, à l’échelle européenne, de nos députés nationaux.
2. Patrice : Mais alors, comment les eurodéputés sont-ils élus, compte tenu des différences entre les systèmes électoraux de chaque État membre ?
Guillemette : Les modalités d’élection des eurodéputés sont régies à la fois par la législation européenne, qui fixe des dispositions communes à l’ensemble des États membres, et par le droit national, qui varie d’un pays à l’autre.
Pour être plus précise, parmi les dispositions communes, vous pouvez retenir :
- que tous les eurodéputés sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans au scrutin proportionnel ;
- que ce scrutin est libre et secret, et qu’il est ouvert à tous les ressortissants des États membres ayant atteint le droit de vote (l’âge de la majorité électorale est néanmoins différent selon les pays)
- vous pouvez également retenir que le vote est organisé dans tous les États membres sur une même période entre le jeudi matin et le dimanche soir suivant ;
- et que tout citoyen de l'Union résidant dans un État membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de voter lors des élections européennes dans l'État membre où il réside, et ce dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État.
[Intervention 1. Patrice : Et quelles sont les dispositions régies par le droit national ?]
Guillemette : De nombreuses autres dispositions importantes, comme le nombre de circonscriptions, par exemple, sont régies par le droit national.
- Ainsi, dans la plupart des États membres, il n’y a qu’une seule circonscription électorale. C’est le cas en France par exemple, depuis 2019.
- Mais en Belgique, en Irlande, en Italie et en Pologne, les électeurs votent dans le cadre de circonscriptions régionales.
- Enfin, en Allemagne, il s’agit d’un système mixte : les candidats peuvent se présenter à l’échelon d’une ou plusieurs régions (appelées Landers) ou à l’échelon national.
[Intervention 2. Patrice : Et est-ce que le vote est obligatoire ?]
Guillemette : C’est une autre différence à noter : le vote est obligatoire en Belgique, en Bulgarie, au Luxembourg, à Chypre et en Grèce tandis qu’il ne l’est pas dans les autres États membres.
3. Patrice : Une fois élus, tous les eurodéputés travaillent-ils au même endroit ?
Guillemette : Très bonne question Patrice ! Les citoyens se demandent en effet souvent pourquoi les eurodéputés font la navette entre Strasbourg et Bruxelles. Chaque mois, un eurodéputé consacre :
- au moins quatre jours consécutifs aux sessions plénières à Strasbourg. Les textes y sont examinés en première lecture avant d’être soumis au Conseil de l’UE. Je précise que le Conseil de l’UE est l’institution qui représente les États membres. Il est composé des représentants permanents de chaque gouvernement. En session plénière, les eurodéputés s’expriment également sur des sujets variés selon un ordre du jour défini par les présidents des groupes politiques. Les séances sont publiques et permettent de débattre puis de voter les textes législatifs.
- quatre autres jours du mois, au minimum, sont consacrés aux réunions des commissions parlementaires à Bruxelles.
[Intervention 3. Patrice : Entre tous ces déplacements, les eurodéputés ont-ils, comme nos députés nationaux, un lieu de permanence pour aller à la rencontre des électeurs ?]
Guillemette : Tout à fait une semaine par mois, les eurodéputés se rendent dans leur circonscription, afin d’être auprès des citoyens. Il n’y a cependant aucune règle concernant l’implantation locale : les députés sont libres dans l’établissement de leurs permanences.
En France par exemple, où le vote a lieu dans une seule et unique circonscription nationale, les eurodéputés peuvent établir leur permanence dans la ville de leur choix.
Je précise que le budget annuel de l’UE s’inscrit dans un cadre pluriannuel, fixé pour sept ans. Ce dernier permet de définir, à moyen terme, là où l’Union doit concentrer ses dépenses. Le cadre pluriannuel indique les montants maximums sur lesquels l’UE peut s’engager chaque année pour financer ses politiques.
[Intervention 4. Patrice : Pouvez-vous me citer quelques grands textes votés par les eurodéputés ces dernières années ?]
Guillemette : Bien sûr Patrice ! Vous pouvez retenir :
- le Pacte vert, une feuille de route environnementale qui vise la neutralité climatique dans l’UE à l’horizon 2050 ;
- le plan de relance appelé NextGenerationEU, qui prévoit plus de 750 milliards d’euros pour faire face au choc économique provoqué par la pandémie ;
- le Digital Services Act (DSA), dont le but est de diminuer la diffusion de contenus illégaux et d’instaurer plus de transparence entre les plateformes et leurs utilisateurs ;
- ou encore l’IA Act qui fut le premier règlement au monde sur l’intelligence artificielle.
- 5. Patrice : Et comment les choses se passent-elles, concrètement, entre les différentes institutions concernant l’examen et l’adoption des textes de loi ?
Guillemette : Dans la grande majorité des cas, la Commission (qui est l’organe exécutif de l’UE) soumet les textes au Parlement européen qui peut les approuver, les amender ou les rejeter par un vote.
Après cela, le texte est remis au Conseil de l’Union européenne, qui décide ou non d’approuver la version défendue par les eurodéputés.
Il s’agit d’une procédure de co-législation, dans laquelle le Conseil et le Parlement sont à égalité. C’est la procédure législative ordinaire, adoptée en 1992 et renforcée en 1999.
[Intervention 5. Patrice : Procédure législative ordinaire Guillemette… cela signifie qu’il en existe d’autres ?]
Guillemette : Bien vu Patrice ! Il existe également deux procédures législatives spéciales.
La première est la procédure d’approbation. Le Parlement peut accepter ou rejeter une proposition législative à la majorité absolue mais contrairement à la procédure ordinaire, il ne peut pas l’amender. Cette procédure concerne 16 domaines d’importance majeure, parmi lesquels :
- l’adhésion de nouveaux États membres ;
- la signature d’accords internationaux ;
- ou la désignation du président de la Commission européenne.
La seconde est la procédure de consultation. Le Conseil peut consulter les parlementaires, mais il n’est pas tenu de prendre leur avis en compte. Cela concerne une cinquantaine de sujet, notamment en matière fiscale.
[Intervention 6. Patrice : Finalement, si je dois résumer, les eurodéputés partagent le pouvoir législatif avec les autres institutions de l’UE…]
Guillemette : C’est ça ! Avec le temps, le pouvoir du Parlement européen s’est renforcé.
L’élection des eurodéputés au suffrage universel direct depuis 1979 a renforcé la légitimité démocratique de ces derniers. Elle a justifié l’élargissement du pouvoir législatif du Parlement au vote du budget en 2009, par exemple.
Cependant, la marge de manœuvre des députés européens sur la politique européenne dépend des sujets traités et des procédures utilisées.
[Intervention 7. Patrice : Je vois… Et à part ça, les eurodéputés ont-ils d’autres pouvoirs ?]
Guillemette : Les eurodéputés ont également un pouvoir de contrôle sur les autres institutions européennes et notamment sur la Commission européenne qui incarne, je le rappelle, le pouvoir exécutif de l’UE.
Concrètement, le Parlement participe au processus d’investiture de la Commission européenne. Cette dernière est renouvelée dans la foulée des élections parlementaires.
Les eurodéputés élisent ainsi le président de la commission, sur proposition du Conseil européen.
Les autres membres de la commission (appelés commissaires) sont proposés par le Conseil de l’UE en accord avec le président élu.
Par un vote à la majorité, les eurodéputés peuvent également censurer la Commission. Jusqu’à aujourd’hui, le Parlement européen n’est jamais allé jusqu’à cette étape. Mais le 15 mars 1999, la Commission Santer, contestée au Parlement et menacée d’une motion de censure, a démissionné sans que celle-ci soit adoptée
[Intervention 8. Patrice : Pouvoir de vote, pouvoir de contrôle… peut-on dire Guillemette que tous les eurodéputés ont tous les mêmes fonctions ?]
Guillemette : Les missions que nous venons d’évoquer sont communes à l’ensemble des eurodéputés.
En parallèle, ces derniers sont libres de rejoindre entre une et 20 commissions thématiques permanentes.
[Intervention 9. Patrice : Qu’entendez-vous par commissions thématiques permanentes ?]
Ces commissions sont chargées d’examiner les actes législatifs, les « lois européennes » en quelque sorte. Intégrer l’une d’elle permet de développer une expertise sur un sujet (droits de l’homme, santé publique, droit des femmes et égalité des genres…)
Par ailleurs, certains eurodéputés occupent des postes particuliers :
- président et vice-présidents du Parlement ;
- présidents et vice-présidents de commission ;
- rapporteurs (qui présentent les travaux de leur commission aux autres députés lors de la session plénière) ;
- ou encore questeurs (chargés de la gestion administrative du Parlement).
- 6. Patrice : Les différentes fonctions des eurodéputés sont-elles compatibles avec un autre mandat ou une autre activité professionnelle ?
Guillemette : Tout comme les députés nationaux, les eurodéputés sont soumis à des règles d'incompatibilités de mandat.
Le mandat d’eurodéputé ne peut se cumuler aux fonctions suivantes telles que :
- membre du gouvernement d'un État membre ;
- membre de la Commission ;
- ou d’un membre d'un Parlement national ;
- membre de la Cour des comptes ou du Comité économique et social européen par exemple.
Ces incompatibilités de mandats visent à garantir l’indépendance des eurodéputés.
[Intervention 10. Patrice : Et les eurodéputés sont-ils payés pour exercer cette fonction ?]
Guillemette : Oui, les eurodéputés touchent une indemnité parlementaire.
En 2019, le traitement mensuel d’un député européen s’élevait à 8 758 euros brut par mois.
Pour couvrir leurs divers frais comme le téléphone ou la gestion de leur permanence en circonscription, s’ajoute une indemnité de 4513 euros par mois.
Cette dernière peut être suspendue si le parlementaire assiste à moins de la moitié des séances plénières tous les ans.
[Intervention 11. Patrice : Les eurodéputés sont-ils soumis à des contrôles, pour justifier cette rémunération ?]
Guillemette : Pas vraiment, c’est d’ailleurs pour cela que les modalités de l’indemnité parlementaire sont régulièrement critiquées.
Plus largement, les eurodéputés jouissent d’une immunité parlementaire. Cela signifie qu’il ne peuvent subir de poursuite judiciaire ni de restriction de leur liberté personnelle durant l’exercice de leur mandat.
Au même titre que l’indemnité parlementaire, l’immunité existe au nom de l’indépendance des eurodéputés.
- 7. Patrice : Puisqu’on parle d’indépendance Guillemette, quelles sont les pratiques autorisées en termes de lobbying, dans l’Union européenne ?
Guillemette : Les représentants d’intérêts privés, qu’on appelle aussi lobbyistes, sont des acteurs centraux du processus décisionnel au sein des institutions européennes.
Ils sont environ 50 000 à Bruxelles, lieu de rencontre quotidien avec les députés européens. En guise de comparaison, la HATVP (Haute autorité pour la transparence de la vie publique) recense un peu moins de 2900 lobbyistes en France.
L’Union européenne a mis en place un accord interinstitutionnel et un code de conduite pour contrôler l’action des lobbyistes. Mais ce cadre a récemment montré ses limites. Le 9 décembre 2022, certains États tiers sont accusés d’avoir mis en place un vaste réseau d’influence au sein du Parlement européen, avec l’aide de plusieurs eurodéputés.
Certains ont estimé que cette affaire était révélatrice des failles de l’UE en termes de transparence du Parlement et de régulation des activités d’influence.
[Intervention 12. Patrice : Des mesures ont-elles été prises depuis cette affaire ?]
Guillemette : Au lendemain de cette affaire, quelques mesures ont été mises en place. Depuis le 1er novembre 2023, tous les eurodéputés qui occupent un poste spécifique (président, vice-président, questeur…) doivent remplir une « déclaration sur la connaissance des conflits d’intérêts », dans laquelle ils précisent s’ils sont, ou non, en situation de conflit d’intérêt.
Le cas échéant, ils doivent spécifier la nature du problème et « la mesure dans laquelle celui-ci pourrait influencer indûment l’exercice du mandat du député dans l’intérêt public. »
Fin de l’épisode :
Patrice : Eh bien c’est la fin de cet épisode, merci beaucoup Guillemette ! Nous serons désormais incollables sur le rôle et les pouvoirs des eurodéputés. Je vous rappelle également que le premier épisode de cette série spéciale « élections européennes » est consacré au Parlement européen.
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On se retrouve très bientôt ! Au revoir à tous, au revoir Guillemette !
Guillemette : Au revoir Patrice !