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Guillemette : Les 6 et 9 juin 2024 ont lieu les élections européennes. A cette occasion le Parlement européen sera renouvelé.
Voici une nouvelle série de « L’Actualité de la vie publique » consacrée à cette assemblée qui occupe une place essentielle au sein des institutions de l’UE mais dont le rôle et le mode de fonctionnement restent pourtant relativement peu compris des citoyens européens.
Au sommaire de ce premier épisode : « Quel est le rôle du Parlement européen ? ».
1. Guillemette : Alors, première question Patrice, le Parlement européen, parfois également appelé « Parlement de Strasbourg », correspond à l’assemblée législative de l’UE, n’est-ce pas ?
Patrice : Oui Guillemette ! Le Parlement européen est une des sept institutions de l’Union européenne, les autres étant la Commission européenne, le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne, la Cour de justice de l’UE, la Banque centrale européenne et enfin la Cour des comptes européenne. Le Parlement occupe une place centrale dans le processus de prise des décisions en tant qu’assemblée législative et seul organe européen élu directement par les citoyens des Vingt-sept États membres de l’Union. Enfin, le traité sur le fonctionnement de l’UE fixe son siège officiel à Strasbourg.
2. Guillemette : Mais Patrice, quelle est l’origine de ce Parlement ? Depuis quand existe-t-il ?
Patrice : C’est une histoire ancienne puisque son origine remonte aux prémices de la construction européenne dans les années 1950. Le premier traité européen qui institue en avril 1951, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (la CECA) – établissant une gestion conjointe des réserves de charbon et d’acier de six pays (La France, l’Allemagne de l’Ouest, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg) et qui constitue la première étape de la construction européenne – ne prévoit pas au départ la création d’un Parlement représentant les citoyens de ces États. C’est en fait à la demande des gouvernements de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg que la décision de créer une telle assemblée est prise en 1952.
[Intervention 1. Guillemette. A cette époque on ne parle pas encore de Parlement européen, n’est-ce pas ?]
Patrice : Non pas encore Guillemette ! Cette première assemblée baptisée « Assemblée commune » compte 78 députés qui sont issus des parlements des six États membres de la CECA. Cette assemblée a peu de pouvoir puisqu’il s’agit uniquement d’un pouvoir de contrôle. Il faut dire que la France, qui dispose d’un poids politique important au sein de la CECA, n’a pas souhaité que l’Assemblée commune dispose de pouvoirs législatifs. Les choses vont évoluer très lentement, avec le traité de Rome, qui créé la Communauté économique européenne (la CEE) en 1957, l’assemblée de la CECA devient l’Assemblée parlementaire européenne. Au début des années 1960, cette assemblée adopte le nom qu’elle porte aujourd’hui de Parlement européen mais ses pouvoirs sont toujours très limités. Un changement important néanmoins : le traité de Rome prévoit à terme l’élection des députés européens au suffrage universel.
[Intervention 2. Guillemette. Mais dites-moi Patrice, à quelle date ont lieu les premières élections au suffrage universel direct ?]
Patrice : C’est en 1979 que pour la première fois les députés européens sont élus au suffrage universel direct ! La décision d’organiser les élections selon ce mode de scrutin est prise en 1974 par les Chefs d’État et de gouvernement lors du sommet de Paris des Communautés européennes. Mais si, à partir de 1979, les eurodéputés sont élus directement par les citoyens, cela ne change pas fondamentalement leur rôle. Le Parlement n’a toujours qu’un rôle consultatif et la Commission de Bruxelles conserve le monopole de l’initiative législative.
3. Guillemette : Et aujourd’hui quelle est la place du Parlement au sein des institutions ?
Patrice : La place et le rôle du Parlement n’ont cessé de se renforcer par rapport au Conseil de l’Union européenne (qui est composé des représentants permanents des gouvernements des États membres) et de la Commission européenne (l’exécutif de l’UE). Le Parlement est passé d’une participation - au processus décisionnel – qui était exclusivement consultative à la codécision.
[Intervention 3. Guillemette. Et comment ce changement en termes de pouvoirs s’est-il opéré ?]
Patrice : C’est d’abord l’Acte unique européen en 1986, puis les traités européens qui ont suivi qui ont progressivement étendu les pouvoirs du Parlement. Tout d’abord, le traité de Maastricht qui institue en 1993 la procédure de codécision mais à cette époque elle reste applicable à un nombre restreint de domaines législatifs, essentiellement des questions portant sur le marché intérieur. Un peu plus tard, en 1999, le traité d’Amsterdam simplifie la procédure de codécision et en étend le champ à une quarantaine de domaines. Enfin, c’est avec le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, que la codécision devient officiellement la procédure législative ordinaire qui couvre la grande majorité des domaines d’intervention de l’Union et qui est devenue la règle pour l’adoption de la législation de l’UE.
[Intervention 4. Guillemette. Si je comprends bien, Patrice, c’est à ce moment-là que le Parlement européen est définitivement devenu co-législateur ?]
Patrice : Oui Guillemette ! Le Parlement partage le pouvoir législatif avec le Conseil de l’UE. La procédure législative ordinaire accorde le même poids aux deux institutions. Toutefois, le Conseil de l’UE dispose de pouvoirs législatifs plus importants que le Parlement, puisque dans certains domaines sensibles s’appliquent des procédures législatives dites « spéciales » pour lesquelles le Conseil de l’UE est seul législateur, le rôle du Parlement se limitant à une consultation ou une approbation (c’est par exemple le cas pour les accords internationaux négociés par l’UE ou pour l’adhésion de nouveaux membres).
[Intervention 5. Guillemette. Et le Parlement européen a-t-il d’autres pouvoirs ?]
Patrice : Oui ! Le Parlement a des pouvoirs importants en matière budgétaire et de contrôle des autres institutions européennes, en particulier la Commission de Bruxelles qui doit lui rendre des comptes.
4. Guillemette : En ce début 2024, c’est la Maltaise, Roberta Metsola qui préside le Parlement, quel rôle est son rôle ?
Patrice : L’organe de direction de l’assemblée européenne, c’est le Bureau du Parlement. Il est composé de la présidence, des 14 Vice-présidents et des cinq questeurs, tous élus par l’assemblée pour une période de deux ans et demi renouvelables. Le Bureau est chargé de gérer des tâches administratives et financières et tout ce qui concerne le fonctionnement interne du Parlement. Quant à la Présidente du Parlement européen, elle assume plusieurs fonctions importantes. C’est elle qui dirige les travaux du Parlement et anime les débats en séances plénières dans l’hémicycle à Strasbourg et qui veille au respect du règlement de l’assemblée. Elle représente par ailleurs le Parlement auprès des autres institutions européennes, par exemple à l’occasion des réunions du Conseil européen qui réunit les Chefs d’État et de gouvernement des Vingt-sept, elle exprime le point de vue du Parlement sur l’ordre du jour et sur des sujets spécifiques. Elle entretient également les liens avec le reste du monde (Chefs d’État, Organisations internationales, ONG, parlements de pays tiers, etc.). Cette activité de diplomatie parlementaire vise à promouvoir les valeurs et les intérêts de l’Union européenne.
[Intervention 6. Guillemette. D’ailleurs, il me semble que sa signature est obligatoire pour faire appliquer les actes législatifs, c’est-à-dire les « lois européennes » (entre guillemets) n’est-ce pas Patrice ?]
Patrice : Oui Guillemette, c’est exact ! Dans le cadre de la procédure législative ordinaire, sa signature est nécessaire pour rendre les actes législatifs adoptés exécutoires et c’est également le cas pour le budget de l’UE. Enfin, pour vous donner Guillemette, une idée de la place importante accordée à la fonction de Président du Parlement, on peut ajouter que sur le plan protocolaire, les traités européens accordent au Parlement une place prééminente au sein des institutions européennes. Il est classé première institution de l’UE avant le Conseil et la Commission. Cela signifie donc que la Présidente du Parlement précède dans l’ordre des préséances, toutes les autorités nationales et européennes.
5. Guillemette : Et concrètement, le Parlement est-il le représentant des États membres ou de leurs citoyens dans le processus de prise des décisions ?
Patrice : Dans le processus décisionnel européen, Guillemette, le Parlement représente la voix des citoyens des Vingt-sept États membres de l’UE. C’est le Conseil de l’UE qui représente les États membres. Et ce point est très important à souligner car l’assemblée européenne est élue par environ 360 millions d’électeurs européens qui constituent le plus grand électorat transnational. Des pays-continents comme les États-Unis ou le Brésil comptent par exemple moins d’électeurs que l’UE, qui détient le deuxième plus grand électorat au monde (après l’Inde). Le Parlement de Strasbourg est un des plus grands parlements du monde avec 705 députés (ils étaient même 751 avant le Brexit). Et pour la prochaine législature (après les élections de 2024), ils seront 720 à siéger pour tenir compte des changements démographiques survenus au sein de l’UE depuis les élections de 2019.
[7. Intervention Guillemette. Le Parlement rassemble donc plus de 700 eurodéputés venant de 27 États membres, mais quelle langue parle-t-il ?]
Patrice : Le multilinguisme est un principe démocratique fondamental au sein des institutions européennes. Le Parlement ne fait pas exception. L’UE compte 24 langues officielles. Tout citoyen de l’UE peut ainsi comprendre la législation européenne ou suivre en direct les débats au Parlement qui sont diffusés en ligne avec une interprétation dans les 24 langues. Par ailleurs, tout citoyen européen peut également devenir député au Parlement de Strasbourg même s’il ne parle aucune langue étrangère. Les députés ont accès à toutes les informations nécessaires à leur travail dans leur propre langue. Enfin, les actes législatifs pour pouvoir s’appliquer ou être transposés dans le droit national d’un État membre doivent être traduits dans sa langue ou les langues officielles.
6. Guillemette : Et comment sont organisés les partis politiques au Parlement européen ? Est-ce que les députés sont regroupés par nationalité ?
Patrice : Non ! Les parlementaires européens ne sont pas organisés par nationalité mais en fonction de leurs affinités politiques par exemple le groupe Renew qui rassemble des centristes et des libéraux compte 101 députés issus de 40 partis européens.
[8. Intervention Guillemette. Et combien y a-t-il de groupes ?]
Patrice : Il y a actuellement 7 groupes politiques. Il faut un minimum de 23 membres pour former un groupe et celui-ci doit comprendre des élus représentant au moins un quart des États membres. Un parlementaire ne peut appartenir qu’à un seul groupe et s’il n’est membre d’aucun, il siège parmi les non-inscrits. Chaque groupe est doté d’un président ou de deux co-présidents (pour certains), d’un bureau et d’un secrétariat. La place des députés dans l’hémicycle est déterminée en fonction de leur appartenance politique, de gauche à droite, par exemple les élus du groupe du Parti populaire européen (des conservateurs) sont assis à droite de l’hémicycle, tandis que les membres du groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates siègent eux à gauche de l’assemblée.
7. Guillemette : Et quel est l’équilibre des forces politiques au sein du Parlement européen ?
Patrice : Depuis l’origine du Parlement, un bloc central composé de partis de centre droit, centre et centre gauche est majoritaire. Ce bloc central est d’une grande stabilité est repose sur une alliance de fait entre ces partis sur la base de coalitions bâties sujet par sujet. Les deux principaux groupes qui constituent cette « grande alliance » sont le PPE et le groupe des sociaux-démocrates (S&D). Leur objectif est de créer une majorité pro-européenne stable au Parlement en défendant les valeurs et les principes de l’intégration européenne face aux groupes eurosceptiques. Et jusqu’en 2016, selon un usage quasi constant depuis 1979, le PPE et les sociaux-démocrates se partageaient la présidence de l’assemblée à mi-mandat. La « grande coalition » s’est élargie au cours de la dernière législature au groupe des libéraux (Renew) et à celui formé par des partis écologistes, tous les deux pro-européens.
8. Guillemette : Pour finir Patrice, quels sont les projets du Parlement pour réformer les institutions européennes de l’UE ?
Patrice : Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il y a presque 15 ans, le contexte politique a beaucoup changé en Europe avec la montée des partis nationalistes, populistes et eurosceptiques. C’est pourquoi le Parlement a souhaité proposer dans une résolution approuvée fin 2023, la révision du traité sur l’UE et du traité de fonctionnement de l’Union européenne afin notamment de favoriser la participation citoyenne, de renforcer les principes démocratiques au sein de l’Union, d’améliorer son fonctionnement et de se doter des moyens institutionnels de protéger plus efficacement ses valeurs fondamentales comme le respect de l’État de droit.
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