Qu'est-ce qu'un sénateur ? (1/2)
L'Actualité de la vie publique - Podcast - N° 46
Le 24 septembre 2023 ont lieu les élections sénatoriales à l’occasion desquelles la moitié des sièges de la chambre haute du Parlement sera renouvelée. « L’Actualité de la vie publique » consacre une nouvelle série aux sénateurs, des élus dont le rôle, le mode d’élection, la place occupée au sein des institutions de la Ve République demeurent
relativement méconnus des Français.
A quelle époque le Sénat a-t-il été créé ? Combien de sénateurs siègent au Palais du Luxembourg ? Comment sont-ils élus ? Quelles sont leurs principales missions ?
[GÉNÉRIQUE]
Vous écoutez « L’Actualité de la vie publique », un podcast du site Vie-publique.fr.
Signature sonore
Stéphanie : Bonjour à tous, bonjour Patrice
Patrice : Bonjour Stéphanie
Introduction de la série
Stéphanie : Le 24 septembre 2023 ont lieu les élections sénatoriales à l’occasion desquelles la moitié des sièges de la chambre haute du Parlement sera renouvelée.
Voici une nouvelle série de « L’Actualité de la vie publique » consacrée aux sénateurs, des élus dont le rôle, le mode d’élection, la place occupée au sein des institutions de la Ve République demeurent relativement méconnus des Français.
Au sommaire de ce premier épisode : « Qu’est-ce qu’un sénateur ? ».
1. Stéphanie : Alors, première question Patrice : à quoi correspond le mandat de sénateur ?
Patrice : Avant de vous répondre précisément, Stéphanie, un rappel historique s’impose, je vous propose de remonter brièvement le temps et de nous intéresser à l’origine du mot « sénateur ». Ce terme nous vient du latin senator, dérivé par l’intermédiaire du mot « senatus » (sénat) de l’adjectif « senex » qui signifie « vieux, vénérable ». Pourquoi cela ? Parce qu’à l’origine le Sénat était un Conseil d’Anciens. En fait dans l’Antiquité, ce type d’assemblée était très répandu dans tout le bassin méditerranéen. Maintenant pour répondre plus précisément à votre question, en France, aujourd’hui, un sénateur est un parlementaire du Sénat, une des deux chambres qui forment le Parlement, aux côtés de l’Assemblée nationale, avec laquelle elle détient le pouvoir législatif. Précisons également que les sénateurs sont les seuls élus pour lesquels il y a un âge minimum pour être candidat, fixé à 24 ans.
[Intervention 1. Stéphanie. Et en France à quand remonte le Sénat ?]
Patrice : La seconde chambre du Parlement voit le jour en 1795 sous le nom – justement – de « Conseil des Anciens ». Mais le nom, le rôle comme les pouvoirs de cette seconde assemblée vont varier selon les époques. Après le « Conseil des Anciens », le nom de la seconde chambre va changer plusieurs fois au cours du temps devenant successivement le « Sénat conservateur », « la Chambre des Pairs [P-A-I-R-S] », le « Conseil de la république », etc. Il faudra attendre finalement 1958 pour que la Constitution de la Ve République redonne à la seconde chambre sa place et son nom actuel de « Sénat ».
2. Stéphanie : Combien le Sénat compte-t-il de sénateurs ?
Patrice : Depuis 2011, leur nombre est de 348. Ils sont élus pour six ans et renouvelés par moitié tous les 3 ans. La composition du Sénat, la durée du mandat des sénateurs ainsi que leur mode d’élection ont été modifiés depuis le début des années 2000. Jusqu’en 2004, le Palais du Luxembourg – siège du Sénat – ne comptait que 321 sénateurs élus pour un mandat de 9 ans, renouvelés par tiers tous les 3 ans.
[Intervention 2. Stéphanie. Quel est le mode d’élection des sénateurs ? Sont-ils élus de la même manière que les députés ?]
Patrice : Non Stéphanie ! A la différence des députés élus directement par les Français, les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect par un collège électoral d’environ 162 000 « grands électeurs ». Précisons également que le vote est obligatoire pour les sénatoriales. Les grands électeurs encourent une amende en cas de non-respect de cette obligation.
[Intervention 3. Stéphanie. Et comment fonctionne ce « collège de grands électeurs » ?]
Patrice : Alors d’abord, il faut préciser que la circonscription sénatoriale est celle du département, tandis que pour les députés, la circonscription électorale correspond à une fraction du département. Les sénateurs sont élus dans chaque département par un collège électoral constitué de différents élus de ce département : députés et sénateurs, conseillers régionaux, conseillers départementaux, conseillers municipaux et délégués des conseils municipaux. Sachant toutefois que 95 % des grands électeurs sont désignés par les conseils municipaux.
[Intervention 4. Stéphanie. Quel est le mode de scrutin pour cette élection ?] Patrice : En fait, ça dépend du nombre de sénateurs à élire par circonscription (par département donc !). Le mode de scrutin est majoritaire à deux tours s’il s’agit d’élire un ou deux sénateurs ou proportionnel pour l’élection de trois sénateurs ou plus.
3. Stéphanie : Vous nous avez dit que les sénateurs sont avec les députés détenteurs du pouvoir législatif. Quels sont concrètement le rôle et les pouvoirs d’un sénateur français ?
Patrice : Selon l’article 24 de la Constitution, le Sénat est le représentant des collectivités territoriales de métropole et d’outre-mer (régions, départements, etc.) et des Français établis hors de France. Comme les députés, les sénateurs ont deux rôles principaux. Le premier de ces rôles est de voter les lois : soit les projets de loi du gouvernement, soit les propositions de loi déposées par les sénateurs eux-mêmes ou par les députés. Pour ce faire, un sénateur participe aux débats sur les textes organisés au Sénat au sein des travaux en commission. Il est obligatoirement membre d’une des huit commissions du Sénat, par exemple celle des Affaires économiques, des Affaires étrangères, des Affaires sociales, de la Défense et des Forces armées, etc. Une commission spéciale peut également être créée pour l’examen d’un texte particulier. Les sénateurs peuvent également modifier les textes de loi en déposant des amendements - c’est-à-dire des modifications ou des ajouts qu’ils estiment nécessaire d’apporter au texte - lors de leur examen en commission ou en séance publique dans l’hémicycle.
[Intervention 5. Stéphanie. Est-ce que pour le dépôt des projets de loi l’Assemblée nationale a la prééminence sur le Sénat ?]
Patrice : En fait, les projets de loi peuvent être examinés indifféremment d’abord par les sénateurs ou les députés, sauf pour les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale qui doivent toujours être déposés devant l’Assemblée nationale et les projets de loi relatifs à l’organisation des collectivités territoriales qui sont d’abord déposés au Sénat.
[Intervention 6. Stéphanie. Et en cas de désaccord sur un texte de loi laquelle des deux assemblées a le dernier mot ?]
Patrice : Pour être adopté un projet de loi ou une proposition de loi doit être voté en des termes identiques par les deux assemblées mais le gouvernement peut – en cas d’échec de la commission mixte paritaire composée de sept députés et sept sénateurs - donner le dernier mot à l’Assemblée nationale.
[7. Intervention Stéphanie. Une fois la loi votée, les sénateurs peuvent-ils encore agir ?]
Patrice : Oui c’est possible dans certaines conditions. Un sénateur peut, après le vote d’une loi, saisir – avec 59 autres de ses collègues – le Conseil constitutionnel afin que celui-ci se prononce sur sa conformité à la Constitution, c’est-à-dire que le Conseil juge si cette loi respecte bien la Constitution. La saisine du Conseil constitutionnel suspend la promulgation de la loi jusqu’à ce que celui-ci ait statué.
4. Stéphanie : Vous nous avez dit que le sénateur avait deux rôles principaux, quel est le deuxième de ses rôles ?
Patrice : Le deuxième rôle d’un sénateur est de contrôler l’action du gouvernement et d’évaluer la mise en œuvre des politiques publiques. Pour ce faire, les sénateurs posent des questions orales ou écrites aux ministres sur les politiques publiques que ces derniers sont chargés de mettre œuvre dans leurs administrations.
[8. Intervention Stéphanie. Et est-ce que en tant que citoyen, je peux consulter par exemple les questions posées par le ou les sénateurs de mon département ?]
Patrice : Oui c’est possible ! D’autant plus que ces questions portent naturellement sur des sujets qui concernent directement les citoyens. Vous pouvez consulter l’ensemble des questions - écrites et orales – qui ont été déposées depuis 1978 par les sénateurs. Elles sont référencées dans une base de données informatisée consultable sur le site internet du Sénat.
[9. Intervention Stéphanie. Quels sont les autres moyens dont disposent les sénateurs pour remplir cette mission de contrôle de l’action du gouvernement ?]
Patrice : Les pouvoirs de s’informer et d’investigation dont disposent les sénateurs peuvent s’exercer sous d’autres formes. Un sénateur peut être amené à participer à des commissions d’enquête – comme celle récemment consacrées aux pénuries de médicaments ou au réseau social Tik Tok - ou bien prendre part à des missions d’information – comme celle mise en place récemment sur la fin de vie. Dans le cadre de ces commissions d’enquête ou de ces missions d’information, les sénateurs peuvent consulter des organismes extérieurs au Parlement, organiser des auditions, etc. Les informations ainsi rassemblées sont ensuite publiées sous la forme de rapports d’information.
[10. Intervention Stéphanie. Les sénateurs exercent également un contrôle budgétaire, n’est-ce pas ?]
Patrice : En effet ! Le Sénat effectue un contrôle de l’exécution de la loi de finances et contrôle l’application des lois de financement de la sécurité sociale.
[11. Intervention Stéphanie. Les sénateurs ont-ils d’autres prérogatives en matière de contrôle ?]
Patrice : Oui ! Les sénateurs disposent également de prérogatives en matière de contrôle des entreprises publiques. Ils peuvent aussi être amenés à se prononcer sur certaines nominations relevant de l’exécutif. Et dans le domaine des activités européennes, le Sénat exerce une mission générale d’information et de contrôle. Cela concerne par exemple le vote de résolutions sur des textes de lois européens ou un avis sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité.
5. Stéphanie : Les sénateurs peuvent-ils renverser le gouvernement ?
Patrice : Non ! A la différence des députés, les sénateurs ne peuvent pas mettre en cause la responsabilité du gouvernement s’ils sont en désaccord avec sa politique. Ils n’ont pas le pouvoir de le censurer. Mais, en revanche, contrairement à l’Assemblée nationale, le Sénat ne peut pas être dissous par le président de la République.
6. Stéphanie : Quel est le rôle du président du Sénat dans le fonctionnement des institutions. Il y occupe une place particulière, n’est-ce pas ?
Patrice : Oui ! Tout d’abord, il est garant de la continuité de la République. C’est le président du Sénat qui exerce - à titre temporaire durant 50 jours - les fonctions de président de la République, si celui-ci est empêché (dans le cas d’une destitution), s’il démissionne ou décède en cours de mandat. Le président du Sénat s’installe au palais de l’Elysée le temps de procéder à l’élection d’un nouveau président. Les pouvoirs du Président par intérim sont toutefois restreints, celui-ci ne peut ni dissoudre l’Assemblée nationale, ni organiser un référendum. Sinon en sa qualité de « gardien de la Constitution », le président du Sénat nomme 3 des 9 membres du Conseil constitutionnel, Conseil qu’il peut saisir si certaines lois votées ne lui paraissent pas conformes à la Constitution. Enfin le président de la République est tenu de consulter le président du Sénat en cas de dissolution de l’Assemblée nationale ou dans l’hypothèse d’un recours à l’article 16 de la Constitution, qui en cas de menace grave et immédiate contre les institutions de la République, accorde des pouvoirs exceptionnels au président de la République.
7. Stéphanie : Pour finir, Patrice, pourquoi le Sénat se voit-il attribuer le qualificatif de « chambre haute du Parlement » ?
Patrice : Et bien Stéphanie, il s’agit d’une dénomination propre au régime bicaméral, c’est-à-dire un Parlement constitué de deux chambres. Dans ce type de régime parlementaire, la « chambre basse » est élue directement par le peuple et peut être dissoute, en France, c’est l’Assemblée nationale. Tandis que la « chambre haute » a une fonction de « gardien de la Constitution » et d’enrichissement du travail législatif. Elle ne peut pas être dissoute. Ce qui est le cas du Sénat.
Fin de l’épisode
Stéphanie : Merci beaucoup Patrice ! C’est la fin de cet épisode ! On a maintenant une idée bien plus claire du rôle et des pouvoirs de nos sénateurs. Dans le second - et dernier épisode de notre série consacrée aux élections sénatoriales -, nous nous intéresserons cette fois au profil sociologique des sénateurs : qui sont-ils ? peut-on en dresser un portrait-robot ?
Vous pouvez réécouter gratuitement le premier épisode de cette série sur vos plateformes préférées et notre chaîne YouTube. N’hésitez pas à vous y abonner !
Et pour en savoir plus, RDV sur notre site internet Vie-publique.fr et nos réseaux sociaux.
On se retrouve très bientôt ! Au revoir Patrice, au revoir à tous !
Patrice : Au revoir !
- www.assemblee-nationale.fr (l’Assemblée nationale)
- www.conseil-constitutionnel.fr (le Conseil constitutionnel)
- www.francearchives.gouv.fr (le portail national des Archives)
- www.haut-conseil-egalite.gouv.fr (le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes)
- www.inegalites.fr (l’Observatoire des inégalités)
- www.publicsenat.fr (Public Sénat, chaîne parlementaire et politique)
- www.senat.fr (le Sénat)