Image principale 1
Image principale 1
© Oraziopuccio - stock.adobe.com

Faut-il augmenter le budget de l’UE ?

Temps de lecture  6 minutes

Par : Marion Gaillard - Diplômée de l’IEP de Paris, docteur en histoire

Le budget de l’UE n’est en rien comparable à celui d’un État fédéral : aux États-Unis, par exemple, la part du budget central, estimé par référence au PNB, est plus de dix fois supérieur à celui de l’UE. En d’autres termes, le total des dépenses publiques engagées par les 28 États membres au plan national est presque cinquante fois supérieur au budget de l’UE.

La faiblesse du budget de l’UE s’explique aisément par la nature de l’Union. En effet, les dépenses principales d’un État comme la France ou d’une fédération comme les États-Unis sont celles qui sont consacrées au fonctionnement de l’État (salaires des fonctionnaires par exemple), à la défense, à l’éducation, à la police ou à la justice, toutes compétences dont l’UE ne dispose pas ou pour lesquelles elle vient en appui des États. Il est donc naturel que son budget ne soit en rien équivalent à celui des États-Unis, par exemple.

Financer la nécessaire solidarité entre les États membres et une éventuelle politique contracyclique

Néanmoins, il conviendrait d’accroître le budget de l’UE de manière substantielle (certains spécialistes, sans demander un budget fédéral, estiment nécessaire un budget aux alentours de 1,5 à 2 % du PIB) afin qu’il soit en mesure de devenir un outil de policy mix avec la politique monétaire de la BCE, et qu’il dispose de ressources suffisantes pour assurer la solidarité avec les États les plus en difficulté (aide d’urgence, politique de cohésion), garantir la transition écologique (soutien à l’agriculture durable, aide aux énergies renouvelables…), développer davantage les programmes de soutien aux chômeurs ou à la jeunesse (Garantie jeunesse par exemple), ou encore financer des programmes aujourd'hui menacés – comme l’aide aux associations caritatives.

Il est à noter qu’au début de la crise financière, en 2008, le plan de relance « européen » de 200 milliards d’euros était en réalité pour l’essentiel l’addition de plans nationaux (170 milliards), l’apport de l’UE constituant une part très faible (30 milliards). En outre, ce plan ne représentait que 1,5% du PIB de l’UE contre 4% pour le plan de relance américain. Le directeur de la BCE, Jean-Claude Trichet à l’époque, avait déploré que l’indigence du budget de l’UE ne lui permette pas d’agir comme un levier contracyclique de croissance.

Début février 2013, les États membres ont fini par trouver un compromis sur un montant a minima pour le budget 2014-2020 (premier budget en baisse de l’histoire européenne) : 960 Mds€ soit 1 % du RNB de l’UE, le budget de la PAC passant de 420 Mds€ durant la période précédente à 373. Parmi les autres secteurs également touchés par des diminutions de crédits : le poste sécurité et justice ou encore l’énergie, les transports et les télécommunications.

Des voix s’élèvent encore aujourd'hui pour demander une augmentation du budget européen afin de financer la nécessaire solidarité entre les États membres. La crise migratoire que l’UE connaît depuis 2015 nécessiterait des fonds supplémentaires, pour venir en aide aux pays les plus touchés (Italie, Grèce, Espagne), accueillir dans des conditions dignes les demandeurs d’asile, ou doter de moyens conséquents le corps européen de garde-côtes et de garde-frontières. En outre, d’aucuns soulignent le retard de l’UE dans le domaine du numérique et de l’intelligence artificielle et estiment que des investissements sont indispensables dans ce secteur, par ailleurs porteur d’emplois.

Les propositions pour le cadre financier pour 2021-2027

Les négociations qui commencent pour la définition du cadre pluriannuel 2021-2027 seront tout à fait déterminantes. Elles doivent résoudre la question du retrait du Royaume-Uni, qui était contributeur net, mais aussi répondre aux nouveaux défis mentionnés ci-dessus. On sait déjà que l’Allemagne, dans son accord de coalition gouvernementale, a annoncé l’augmentation de sa participation au budget européen. Reste à savoir dans quelle proportion et quelle sera la position de ses partenaires.

Le 22 février 2018, le Parlement européen a adopté un projet de rapport préconisant un accroissement du plafond de dépenses qui devrait être fixé selon lui à 1,3 % du RNB de l’UE, au lieu de 1 % jusqu’alors. Il propose aussi que la durée du cadre pluriannuel soit de cinq ans au lieu de sept, pour se caler sur le mandat parlementaire et ainsi éviter qu’un Parlement nouvellement élu ne soit dans l’obligation d’appliquer un budget qu’il n’a pas voté, ce qui est le cas aujourd’hui. Il suggère notamment d’augmenter les dépenses allouées au programme Erasmus+, à l’initiative pour l’emploi des jeunes ou encore à la gestion de la question migratoire ou à la défense. Il propose pour cela la mise en place de nouvelles ressources, notamment une part de l’impôt sur les sociétés une fois mise en place l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), une taxation sur les services financiers ou encore une taxe sur les grandes entreprises du numérique ou sur le carbone.

Le 2 mai 2018, la Commission a présenté ses propositions pour le nouveau cadre pluriannuel financier 2021-2027. Elle n’a donc pas tenu compte de la volonté des parlementaires de réduire sa durée pour la faire correspondre à celle du mandat du Parlement. La Commission n’a pas non plus retenu l’idée d’un budget de 1,3 % du PIB de l’Union et a tranché pour un montant de 1,11 %.

Les fonds dédiés à la PAC se verront diminués de 5 % et ceux de la politique de cohésion de 6 %, et ce au profit de la surveillance des frontières, de la défense, de la recherche et de l’innovation ou encore du programme Erasmus+ dont les crédits sont doublés. Si ces augmentations sont louables, elles demeurent faibles au regard des défis de l’heure. On peut aussi s’inquiéter de la diminution du budget de la PAC, notamment des fonds consacrés à l’agriculture durable permettant une meilleure sécurité alimentaire et une préservation de l’environnement. Dès lors, le débat sur la pertinence d’une augmentation substantielle du budget de l’UE au minimum aux alentours de 2 à 3 % du PIB reste d’actualité.

Cet article est extrait de