La loi présente le budget de la justice sur la période 2023-2027, détaille les objectifs et les moyens du ministère et simplifie et améliore la procédure et l'organisation de la justice. Elle est complétée par une loi organique du 20 novembre 2023 modernisant le statut de la magistrature. Ces deux textes traduisent le "plan d'action pour une justice plus rapide et plus efficace" présenté par le garde des sceaux en janvier 2023, à l'issue des États généraux de la justice. Dans son rapport de juillet 2022, le comité des États généraux évoquait "l'état de délabrement avancé dans lequel l'institution judiciaire se trouve" après des "décennies de politiques publiques défaillantes".
11 milliards d'euros pour le budget de la justice en 2027
La loi fixe la trajectoire pluriannuelle du budget de la justice d'ici 2027. Celui-ci, d'un montant de 9,6 milliards d'euros en 2023, sera porté à 10,8 milliards d'euros d'ici quatre ans, soit une hausse de 21% sur le quinquennat.
Ces crédits supplémentaires permettront de revaloriser les salaires des agents et de renforcer les effectifs avec le recrutement annoncé de 10 000 fonctionnaires d'ici à 2027, dont 1 500 dans la magistrature et 1 800 pour les greffes, et d'une équipe autour des magistrats. Une fonction d’attaché de justice est créée, elle remplace celle de juriste assistant. Ces nouveaux attachés pourront être fonctionnaires ou contractuels.
Ces crédits serviront également à embaucher par contrat de nouveaux "surveillants adjoints" de prison pour faire fonctionner les derniers établissements pénitentiaires construits. Dans le même objectif, la réserve civile pénitentiaire est étendue à l’ensemble des personnels retraités de cette administration qui pourront exercer jusqu'à l'âge de 67 ans.
Ces nouveaux moyens financeront en outre la généralisation du port des caméras individuelles par les surveillants pénitentiaires, la transformation numérique de la justice ainsi que les chantiers immobiliers du ministère (rénovation des palais de justice, plan 15 000 places de prison). Ce plan "15 000" a été porté à 18 000 places de prison par les sénateurs ("sous réserve de la délivrance par les collectivités locales des autorisations d'urbanisme nécessaires"), ce qui conduira le parc pénitentiaire à environ 78 000 places.
Le gouvernement devra présenter au Parlement, chaque année avant le 30 avril, un rapport d'évaluation de la mise en oeuvre de cette programmation budgétaire.
Des mesures pour améliorer l'efficacité de la justice
La loi habilite le gouvernement à prendre d'ici deux ans une ordonnance pour réécrire à droit constant le code de procédure pénale. Elle comporte en outre des mesures de simplification de la procédure pénale afin de prendre en compte certaines préconisations issues des États généraux : extension de la possibilité de recourir aux perquisitions de nuit en cas de risques graves, réforme du statut du témoin assisté, limitation de la détention provisoire si elle peut être évitée, choix laissé au procureur d'ouvrir ou non une information judiciaire, placement sous bracelet électronique en cas de détention provisoire irrégulière...
La loi permet, par ailleurs, au juge d'autoriser les enquêteurs à activer à distance un appareil connecté (téléphone portable, ordinateur...) pour géolocaliser en temps réel des personnes dans certaines instructions ou enquêtes (pour crimes ou délits punis d'au moins cinq ans de prison). Ce nouveau dispositif est exclu pour les appareils utilisés par les avocats, les parlementaires et les magistrats, et sur amendement des parlementaires, par les journalistes, les médecins et les commissaires de justice. Le texte autorisait également l'activation à distance d'un appareil connecté pour écoutes et captation d'images sous certaines conditions. Toutefois, cette mesure a été censurée par le Conseil constitutionnel qui a jugé qu'elle "est de nature à porter une atteinte particulièrement importante au droit au respect de la vie privée".
Des dispositions favorisent la peine de travail d'intérêt général (TIG) : possibilité d'accueil de l'économie sociale et solidaire généralisée et prononcé systématique d'une peine en cas d'inexécution du TIG. Pour une meilleure prise en charge des victimes, le champ des infractions recevables à la commission d'indemnisation des victimes d'infractions est élargie. À l'initiative du Sénat, des dispositions ont été introduites pour assurer une prise en charge effective des frais de déplacement des victimes souhaitant se rendre à un procès à l’étranger.
Les parlementaires ont enrichi le texte initial du gouvernement de nombreuses autres mesures : possibilité pour un gardé à vue de faire prévenir, en plus d'un proche et de son employeur, "toute autre personne" ; suppression de la condition de double incrimination pour la compétence universelle des tribunaux français dans les affaires de génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre et condition de résidence habituelle en France assouplie ; possibilité élargie pour les assureurs d’intervenir ou d’être mis en cause devant les juridictions pénales des mineurs... Dans le rapport annexé à la loi, un amendement pose le cadre réglementaire permettant la création, au sein des tribunaux judiciaires, des pôles spécialisés en matière de lutte contre les violences intra-familiales, suivant une préconisation du rapport "Plan Rouge Vif" remis au gouvernement en mai 2022.
Sur le plan de la justice commerciale, la loi prévoit la création de "tribunaux des activités économiques" à titre expérimental pour quatre ans, dans neuf à douze tribunaux de commerce. Ces tribunaux auront une compétence étendue pour traiter toutes les procédures amiables et collectives engagées par les acteurs économiques, sauf pour les professions du droit réglementées. Une contribution financière est instaurée pour assurer leur fonctionnement. Elle sera remboursée lorsque les parties au litige parviendront à un accord amiable. Le gouvernement doit remettre au Parlement un rapport d'évaluation de cette expérimentation.
D'autres mesures sur les conseillers prud’hommes, la justice civile, les magistrats administratifs et financiers et les professions judiciaires complètent le texte. Ainsi, les fonctions civiles qu'assure actuellement le juge des libertés et de la détention (JLD) en matière d'éloignement des étrangers et de contentieux des hospitalisations sous contrainte sont confiées à un juge du tribunal judiciaire. Le niveau de qualification requis pour accéder à la profession d'avocat est relevé de maîtrise à master en droit, passant ainsi d’un niveau bac + 4 à un niveau bac + 5, en cohérence avec les diplômes désormais délivrés par l’enseignement supérieur. Les titulaires d'un master 1 sont toutefois autorisés à entrer dans une école d'avocats. Les étudiants en droit d’un niveau bac +4 pourront ainsi continuer de passer l’examen du centre régional de formation professionnelle des avocats (CRFPA).
Enfin, la procédure de saisie des rémunérations est réformée. Elle est désormais confiée aux commissaires de justice (et non plus aux juges).
Sources
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Légifrance :
LOI n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 -
Conseil constitutionnel :
Décision n° 2023-855 DC du 16 novembre 2023 -
Sénat :
Dossier législatif : Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 -
Collection des discours publics :
Conseil des ministres du 3 mai 2023 -
Haut Conseil des finances publiques :
Avis relatif au projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice