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Financement public de l'enseignement privé : des contreparties insuffisantes ?

Temps de lecture  3 minutes

Par : La Rédaction

L’enseignement privé, qui scolarise 17% des élèves en France (plus de deux millions d'élèves) dans 7 500 établissements sous contrat, est financé "à 75% par la puissance publique". Or, un récent rapport de l’Assemblée nationale fait le constat d'un "financement public fort associé à de faibles contreparties".

Remis le 2 avril 2024, le rapport sur le financement public de l’enseignement privé sous contrat s’interroge sur l’existence d’un "système hors de contrôle", pointant qu'à la "parité de financement" entre enseignements public et privé "correspond de moins en moins la parité des obligations".

En effet, tant les montants des dépenses publiques, mal évalués, que leur allocation, jugée peu transparente, posent question au regard d’un contrôle "en pratique très lâche" des établissements et d’une association "à la carte" de l’enseignement privé aux obligations du service public, notamment en termes de mixité sociale et scolaire.

Des dépenses mal évaluées

Le montant global de la dépense publique pour l'enseignement privé est cependant "difficile à estimer". Évaluée, pour 2022, à 8,5 milliards d'euros pour l’État et à 1,9 milliard d'euros pour les collectivités (forfait d'externat), cette dépense est "en tout état de cause sous-estimée" selon la mission car s’ajoutent des financements indirects. Ainsi, les subventions des collectivités font l'objet d’un manque de lisibilité budgétaire et comptable.

 

Dès lors, les rapporteurs jugent "urgent" d’élaborer un document budgétaire annuel retraçant le financement alloué aux établissements d’enseignement privé.

La mission relève que l’attribution des moyens publics, selon la procédure qui découle de la loi Debré de 1959, est dans la pratique "aujourd’hui très éloignée de la lettre et de l’esprit du texte".

En effet, au lieu d’une contractualisation entre les établissements et l’État, des réseaux ont émergé, qui sont les interlocuteurs directs de l’administration, hors de tout cadre législatif et règlementaire :

  • réseau des établissements catholiques, qui rassemble 96% des établissements privés sous contrat ;
  • réseaux des établissements laïques, juifs, protestants, musulmans ou encore en langue régionale.

L'alternative serait soit d'officialiser leur rôle, soit de contractualiser avec les établissements exclusivement.

Un contrôle budgétaire insuffisant

Les rapporteurs évoquent une "règlementation inopérante" et, à la suite des auditions, ils mettent en garde contre des "possibilités de dérives" (par exemple, avec la rémunération d’heures fictives) "voire de détournements", où l’argent public serait utilisé "à d’autres fins que celles prévues".

Une dégradation de la mixité

En matière de mixité sociale, tant la stratégie "d’évitement des établissements publics par des familles favorisées" que la "grande liberté dont jouissent les établissements sous contrat pour le choix de leurs élèves" ont conduit, note la mission, à "une accélération nette de la dégradation de la mixité sociale" dans ces établissements. De fait, la part des élèves boursiers n’atteint, en 2023, "que 9,8% dans les collèges privés contre 27,8% dans les collèges publics et 8,1% dans les lycées privés contre 21,9% dans les lycées publics".

Quant à la mixité scolaire, l’écart de niveau entre public et privé tient, entre autres facteurs à :

  • la captation des meilleurs élèves issus des établissements publics environnants ;
  • l’éviction des élèves plus faibles scolairement dans certains établissements ;
  • une répartition des moyens plus libre permettant de mieux encadrer les classes les plus en difficulté…

Les rapporteurs plaident pour des "mesures contraignantes" en faveur de plus de mixité, comme la mise en place de contrats d’objectifs et de moyens.