Déclaration de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur l'intelligence artificielle, à Paris le 15 février 2024.

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Intervenant(s) : 
  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Circonstance : Ouverture du Hub pour l'IA à Paris

Texte intégral

Merci cher Sundar,

Madame l'ambassadrice, 
Mesdames et Messieurs les ministres, 
Madame la présidente de la Région, 
Madame la maire du 9ème arrondissement.


Je dois d'abord dire un immense merci à Sundar PICHAI pour l'ouverture de ce hub ici à Paris qui va être une chance pour notre pays, ça va nous permettre d'attirer des talents, des savoirs, de mélanger ces talents et ces savoirs et faire le meilleur en matière d'intelligence artificielle. Et je vois dans ce choix avisé de Paris et de la France, un signal supplémentaire de l'attractivité retrouvée de Paris et de la France en matière d'investissements étrangers. Et croyez-moi, cher Sundar, avec le président de la République, nous sommes totalement déterminés à prendre encore de nouvelles décisions pour attirer des investisseurs étrangers sur notre territoire, à Paris ou ailleurs.

Inutile de dire à quel point l'intelligence artificielle et la révolution technologique et la révolution économique la plus importante que nous ayons eu à connaître depuis, non pas des décennies, mais depuis des siècles. Cela a été beaucoup dit, l'intelligence artificielle est l'équivalent au XXIe siècle de ce qu'a été la création de l'imprimerie il y a quelques siècles. L'imprimerie avait comme base fondamentale les caractères. L'intelligence artificielle a les données. Et de la même façon que l'imprimerie a su utiliser les caractères pour diffuser le savoir, l'intelligence artificielle va être capable d'absorber, de comprendre, de restituer, mais aussi de manipuler, ne l'oublions pas, des milliards de données pour diffuser de manière planétaire les savoirs. Et je veux profiter de cette inauguration, en renouvelant mes remerciements à Sundar pour dire à quel point nous sommes déterminés à ce que la France joue tout son rôle dans cette révolution.

Les États-Unis ont un temps d'avance. Et j'aime la compétition, cher Sundar, et nous aimons la compétition et nous pensons qu'avoir un hub ici à Paris, pouvoir travailler avec Google est une chance pour réussir nous-mêmes. Pour donner à la France la possibilité d'exercer son leadership sur l'intelligence artificielle en Europe. Nous voulons être les premiers en matière d'intelligence artificielle en Europe et nous nous battrons pour ça et nous livrerons la compétition et nous nous donnerons tous les moyens de réussir. Et je pense que votre présence marque à quel point la France a aujourd'hui tous les atouts pour être, comme vous l'avez vous-même dit, et je vous en remercie, un des leaders mondiaux de l'intelligence artificielle au XXI? siècle. La Présidente de la Région l'a très bien rappelé, l'habitude européenne, c'est de réguler avant d'innover. Eh bien moi, je vous dis que nous allons innover avant de réguler et non pas réguler avant d'innover. Pardon, j'inverse les mots tellement je suis convaincu, il faut que nous innovions avant de réguler.

Réguler, c'est très bien, mais en règle générale, quand on commence par réguler une innovation, c'est qu'on ne la maîtrise pas. Donc je préfère que nous innovions pour ensuite encadrer, réguler et mettre toutes les barrières qui sont nécessaires. La France a tout pour être un des champions sur l'intelligence artificielle au XXI? siècle et elle a déjà un temps d'avance. La première de ses qualités et le premier de ses atouts, c'est Joëlle BARRAL. Je vous rappelle d'ailleurs, cher Sundar, qu'Arthur MENSCH, que tout le monde connaît ici, le créateur de Mistral, a commencé chez Google. Et finalement, il a grandi, il est sorti, il a créé sa propre entreprise, Mistral, qui continue à coopérer avec Google. Je compte bien récupérer Joëlle BARRAL un jour, et qu'elle crée à son tour sa propre entreprise.

Mais je le dis très sincèrement, je crois profondément, que le premier atout français, c'est un atout humain. C'est la qualité de nos scientifiques, c'est la qualité de nos chercheurs, c'est la qualité de nos institutions. C'est du CEA à l'Ecole Polytechnique, en passant par l'Ecole Normale Supérieure, pour laquelle j'ai un attachement très particulier, qui fait que nous avons effectivement les meilleurs scientifiques au monde en matière d'intelligence artificielle. C'est notre premier atout.

Nous en avons un deuxième, et l'installation de Google le prouve : un écosystème. Je crois aux écosystèmes, c'est-à-dire la capacité non pas à exclure, mais à rassembler, non pas à diviser, mais à unir sur le même lieu les scientifiques, les intelligences qui viennent de toute part, qui ne parlent pas forcément les mêmes langues mais qui vont s'enrichir mutuellement pour arriver à être les meilleurs en matière d'intelligence artificielle. C'est ce que nous avons réussi à faire pour créer cet écosystème. Nous avons en troisième lieu des entreprises, la France, cher Sundar, je vous l'apprends ou je ne vous l'apprends pas, a retrouvé son goût d'entreprendre et elle a des entreprises qui n'ont peur d'aucun défi. Je vois une entreprise comme Mistral, je l'ai citée, j'aurais pu citer OVH, j'aurais pu citer Kyutai qui vient d'être créée. C'est formidable. On part, là, quasiment seul, mais avec beaucoup de détermination, beaucoup de panache à la française, pour se dire : nous sommes capables de réussir en matière d'intelligence artificielle.

Des scientifiques, un écosystème, des entreprises qui réussissent : voilà nos atouts considérables. J'en rajouterai un, fondamental et qui n'est pas partagé par certains de nos concurrents européens. Donc autant le dire avec beaucoup de force : nous, nous sommes capables en France de produire un gigawatt d'énergie décarbonée sans difficulté parce que nous croyons au nucléaire et que tous ceux qui ont renoncé à l'énergie nucléaire en Europe auront du mal, à mon sens, à conjuguer industrie, technologie et performance écologique. Je rappelle qu'un centre de stockage de données de grande taille va requérir l'équivalent de la puissance d'un réacteur nucléaire et que pour alimenter un seul de ces centres de données, il faut quasiment la puissance nécessaire pour alimenter une ville de 500 000 habitants. Bon courage à tous ceux qui ont renoncé à l'énergie nucléaire. Je pense qu'ils auront du mal à conjuguer réindustrialisation, technologie, stockage de données, intelligence artificielle et décarbonation de leur économie. Nous avons cet atout stratégique et nous sommes totalement déterminés à le consolider en réalisant 6 nouveaux réacteurs nucléaires d'ici 2035, commençant en 2035.

Nous sommes aussi, cher Sundar, conscients de nos faiblesses. Et quand on a des faiblesses, il faut y remédier. La première faiblesse française, européenne je dirais, c'est l'investissement et la capacité financière. Ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre, vous êtes à la tête d'une des capitalisations boursières les plus importantes de la planète. La finance est décisive en la matière. Il faut que l'Europe se dote d'une plus grande profondeur financière, car les investissements ne se chiffrent en millions ou en dizaines de millions ou en centaines de millions ou en milliards. Ils se chiffrent en dizaines de milliards d'euros. Donc si l'Europe veut gagner son indépendance en matière d'intelligence artificielle, il y a urgence à construire une union des marchés de capitaux, pour que l'intelligence artificielle ne soit pas financée uniquement par les banques qui n'auront pas les moyens, mais par les marchés de capitaux qui auront la profondeur nécessaire pour lever l'argent nécessaire. Nous sommes totalement déterminés à nous engager dans cette voie et à permettre à l'intelligence artificielle de se développer. Nous avons des faiblesses, nous voulons y remédier. Voilà les quelques mots que je voulais vous dire. C'est un grand honneur pour nous, cher Sundar, de vous avoir parmi nous aujourd'hui. C'est une chance d'ouvrir ce hub, ici, dans le coeur de Paris. Vous êtes le bienvenu.

Nous sommes résolument engagés en matière d'intelligence artificielle. Dans le fond, vous apportez de l'esprit d'innovation, de l'esprit de compétition, de l'esprit de défi. C'est désormais tout ce que nous aimons en France. Merci !


Source https://www.economie.gouv.fr, le 19 février 2024