Interview de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à France Bleu Armorique le 12 septembre 2023, sur la rémunération des producteurs de lait, l'augmentation de près d'un milliard d'euros du budget alloué à l'agriculture pour 2024, le glyphosate et le métier d'agriculteur.

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Intervenant(s) : 
  • Marc Fesneau - Ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Texte intégral

JOURNALISTE
C'est un temps fort de l'agriculture en Bretagne ; le SPACE ouvre ses portes au parc expo de Rennes ce matin, Valentin.

VALENTIN BELLEVILLE
Dans le salon international de l'élevage où se rend ce matin le ministre de l'Agriculture. Bonjour Marc FESNEAU.

MARC FESNEAU
Bonjour.

VALENTIN BELLEVILLE
Les producteurs de lait d'Ille-et-Vilaine vous ont adressé une lettre ouverte la semaine dernière. Ils ont peur d'être les grands perdants des nouvelles négociations qui doivent s'ouvrir entre distributeurs et industriels pour définir les prix en rayon et contenir l'inflation. Ils ont raison d'être inquiets ?

MARC FESNEAU
En tout cas, ça n'est pas du tout la volonté du Gouvernement et nous ferons tout pour continuer à être sur la trajectoire qui est celle d'ailleurs reconnue pour les producteurs de lait, qui est celle de la rémunération des agriculteurs par le prix. Puisque le lait a un coût et donc puisqu'il a un coût, il doit avoir un prix. Dans ce moment où il y a de l'inflation ; on ne peut pas le nier. Dans ce moment où il y a un certain nombre de Français qui peuvent être en situation de précarité. Essayons de trouver des solutions sur ce registre-là mais nous ne le faisons pas, une nouvelle fois, sur le dos des agriculteurs. Ça fait 15 ans qu'on a eu de la déflation et grâce aux droits que nous avons votés : Egalim 1, Egalim 2, la récente loi de Frédéric DESCROZAILLE ; on a réussi à enrayer ce déclin. Or, la rémunération c'est le premier facteur pour assurer le renouvellement des générations, le maintien d'exploitations laitières puisque c'est le sujet sur lequel vous m'interrogez et donc c'est un élément de la souveraineté. Et s'il n'y a pas de rémunération, il n'y aura pas de souveraineté. C'est aussi la responsabilité d'ailleurs de la grande distribution et des unités de transformation.

VALENTIN BELLEVILLE
Vous avez annoncé dimanche une augmentation de près d'un milliard d'euros du budget alloué à l'Agriculture pour 2024. Cela doit notamment aider à accompagner les exploitations engagées dans la transition écologique. Comment concrètement cela va fonctionner ? Quels agriculteurs seront aidés et sur quels critères seront-ils choisis ?

MARC FESNEAU
Alors, l'objectif c'est d'aider l'ensemble des agriculteurs. Il y a plusieurs enveloppes et plusieurs sujets d'aider à la transition sur la réduction des produits phytosanitaires. C'est de la recherche, de l'innovation, de l'aide à l'équipement.

VALENTIN BELLEVILLE
Pour sortir notamment du glyphosate qui est toujours autorisé actuellement.

MARC FESNEAU
Le glyphosate, je rappelle que les analyses européennes considèrent qu'il n'y a pas de risque majeur d'un point de vue cancérogène. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est les scientifiques. Donc le glyphosate, on est d'ailleurs le seul pays au monde à avoir déjà réduit de 30% la consommation. Et donc ça c'est de l'accompagnement effectivement mais ce n'est pas que sur ce produit-là. C'est parfois un peu le... dirai-je le totem, le glyphosate. Il y a des tas d'autres sujets sur lesquels nous devons régler la question de la réduction des produits phytosanitaires. Encore que nous ayons encore besoin de produits phytosanitaires pour protéger notre culture. Mais simplement, la question c'est de se trouver sur une trajectoire de réduction effectivement. Donc c'est ces éléments-là et puis des aides aussi pour essayer d'engager les agriculteurs sur la décarbonation. Alors c'est des systèmes d'exploitation, la rotation des cultures, les couverts permanents. C'est un travail du sol qui se fait dans d'autres conditions donc là aussi, c'est du matériel. C'est le travail aussi sur l'innovation et la recherche.

VALENTIN BELLEVILLE
Oui, Marc FESNEAU, vous qui êtes ministre de l'Agriculture. On a Cédric HENRY qui est en ligne avec nous. C'est le président de la FDSEA 35. Il a une question pour vous.
Bonjour Cédric HENRY.

CEDRIC HENRY, PRESIDENT DE LA FDSEA 35
Oui, bonjour monsieur le ministre. Je crois qu'on va se croiser dans pas très longtemps mais (coupure de son)
De la Souveraineté alimentaire. Or, en ce moment, depuis je dirais bien un an ou un an et demi, on voit que partout, toutes les productions, on perd des parts de marché. Qu'est-ce que vous comptez réellement faire pour qu'on arrive à maintenir cette souveraineté alimentaire au maximum ?

MARC FESNEAU
Vous le savez aussi bien que moi, la perte de souveraineté alimentaire sur un certain nombre de productions, ce n'est pas depuis un an, un an et demi. Les fruits et légumes, on est à 50% d'autosuffisance ; les ovins à moins de 50% ; la volaille à 50%. C'est des années, des dizaines d'années donc reconquérir la souveraineté, c'est forcément du temps un peu plus long que ce qu'on espèrerait vous et moi d'ailleurs. Donc qu'est-ce qu'il faut faire ? Il faut aider les agriculteurs à gagner en compétitivité, il faut résoudre parfois des questions de main-d'oeuvre pour dire des choses. Trois, il faut résonner aussi la production en fonction de la consommation. On a beaucoup raisonné la montée de gamme ; c'est une bonne chose. Mais par exemple si je prends le cas de la volaille, on a besoin aussi de pouvoir offrir à nos concitoyens de la volaille d'entrée de gamme, qui est de qualité mais qui est d'une autre nature que par exemple celles qui sont sous label. Donc on a besoin aussi de travailler sur : quel est le segment de marché auquel on entend répondre pour pouvoir faire en sorte que, comment dirais-je, qu'on puisse répondre et couvrir l'ensemble de la gamme des besoins de nos concitoyens. Et puis, il y a un troisième élément, je viens d'en parler ; c'est la rémunération. Si on n'accepte pas de se mettre à l'idée que ça a un coût et donc ça a un prix, on n'arrivera pas à le faire. Et donc c'est aussi un élément dans le dialogue avec nos concitoyens et puis dans le débat avec la grande distribution.

VALENTIN BELLEVILLE
Voilà pour votre réponse Cédric HENRY. Marc FESNEAU, ministre de l'Agriculture, en direct avec nous ce matin sur France Bleu Armorique. Marc FESNEAU, face à l'inflation, les agriculteurs ne sont pas épargnés, on le sait. Ils font notamment face à la flambée des prix de l'énergie. Est-ce qu'il faut les aider à en produire de l'énergie ? Et quels types d'énergie ? On entendait dans l'un de nos journaux ce matin, un agriculteur en Bretagne qui a une unité de méthanisation et ça fonctionne bien visiblement.

MARC FESNEAU
Oui, ça fait partie de la panoplie de ce que nous devons faire. Le gain de compétitivité doit aussi se faire sur l'énergie parce que c'est vrai que produire, produire du lait, produire en grande culture, c'est de l'énergie qu'on retrouve soit dans les engrais, soit qu'on retrouve évidemment dans les bâtiments quand on en a besoin pour l'élevage en particulier. Donc, il y a à la fois la capacité des agriculteurs de produire de l'énergie pour nous tous et c'est parfois un revenu complémentaire qui es apporté aux agriculteurs, et qui deuxième élément, effectivement, qu'on puisse et d'ailleurs, on a commencé à faciliter les choses en termes de réglementation à faire en sorte que l'autoconsommation puisse se développer, c'est-à-dire que l'agriculteur profite lui-même des gains énergétiques et de la capacité à se fournir lui-même en énergie et ne pas être dépendant du gaz ou de l'électricité sur lesquels il est moins, comment dirait-je, il est moins en capacité de jouer sur les prix.

VALENTIN BELLEVILLE
On va continuer à prendre des questions les auditeurs ce matin, Vincent.

VINCENT GRASSIN
Il est 7h53 effectivement et nous accueillons Yannick à Roz-sur-Couesnon, en Ille-et-Vilaine. Bonjour Yannick. Monsieur le ministre vous écoute.

YANNICK FRAIN, ELEVEUR D'AGNEAUX DES PRES-SALES DU MONT-SAINT-MICHEL AOP
Oui. Bonjour monsieur le Ministre.

MARC FESNEAU
Bonjour.

YANNICK FRAIN
Yannick FRAIN, président d'une appellation d'origine protégée, l'AOP du Saint-Michel et vice-président de la FEAO aux fédérations des appellations française environ des démarches AOP. Ma question est simple, je suis une petite association pour la défense d'un produit exceptionnel, cependant, nous serons obligés peut-être d'arrêter bientôt cette démarche parce que nous manquons de moyens pour pouvoir continuer à maintenir une appellation d'origine.

VINCENT GRASSIN
La réponse de Marc FESNEAU, ministre de l'Agriculture.

MARC FESNEAU
Peut-être que je vous propose que là on est sur un sujet particulier mais d'abord c'est vrai que les appellations d'origine sont un des éléments de la force et de l'identité et de la qualité des produits français et le réseau s'est beaucoup développé. Nous sommes un des pays qui a le plus d'appellation d'origine et qui est reconnu pour la qualité de ses produits. Deuxième élément sur le dossier particulier, ce que je vous propose peut-être c'est de m'envoyer des éléments de difficultés qui seraient, si je comprends bien c'est plutôt les charges de fonctionnement qui sont à votre charge sur lesquelles vous aurez du mal à les couvrir et ça il faut que vous regardez… Il faut que vous nous fassiez passer les éléments parce que comme ça au téléphone, si je peux dire ou via la radio, c'est difficile de vous répondre. Mais faites-moi passer les éléments et je m'engage à regarder le dossier. En revanche, la volonté qu'on a de défendre les AOP, elle est bien ferme et c'est ce qu'on fait dans tous les territoires je crois que le ministère de l'Agriculture est reconnu pour ça.

YANNICK FRAIN
Merci beaucoup.

VALENTIN BELLEVILL
On va organiser ça entre Yannick et le ministre de l'Agriculture. Donc, Marc FESNEAU, le métier d'agriculteur, c'est une profession difficile : trouver un remplacement pour souffler un peu, ce n'est pas évident, vous avez annoncé la possibilité de créer des incitations fiscales pour soutenir les services de remplacement des agriculteurs et leur permettre ainsi de partir en vacances. Où est-ce qu'on est de cette mesure ?

MARC FESNEAU
C'est dans le cadre du budget donc pour l'instant, les lignes précis du Budget seront présentées par le ministre du Budget le jour c'est-à-dire la dernière semaine de septembre, le dernier mercredi de septembre, l'objectif c'est de… On avait déjà des dispositifs de défiscalisation qui permettait de faire prendre en charge en partie le temps, l'objectif c'est d'augmenter le nombre de jours qui peuvent être consacrés à ça et c'est là-dessus que la mesure sera proposée et après, les parlementaires d'ailleurs s'en saisiront et ils auront peut-être des voix d'amendements qu'ils souhaiteront porter.

[Coupure de son]

MARC FESNEAU
Un accident de la vie, comme on dit, une maladie longue durée ou un accident. Et puis petit à petit, on s'est rendu compte aussi, au-delà de ça, ce qui est déjà formidable, c'est d'essayer de faire en sorte qu'on puisse laisser du temps de répit parce qu'on ne peut pas avoir des gens qui travaillent 365 jours par an. Et donc un élément de l'attractivité des métiers, c'est de faire en sorte qu'on puisse offrir la perspective d'avoir des temps de répit, des temps de congé, des temps de week-end pour pouvoir souffler.

VALENTIN BELLEVILLE
Dans les dix prochaines années, un quart des agriculteurs vont partir à la retraite. Un tiers d'entre eux ne savent pas à qui ils vont transmettre leurs fermes. Quelle est la solution pour aider les nouveaux agriculteurs à s'installer, selon vous ?

MARC FESNEAU
Alors au niveau national, c'est plutôt 40 % des agriculteurs, dans les dix prochaines années, qui pourront partir à la retraite. Ben il y a plusieurs solutions, je répète ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est la rémunération. C'est-à-dire ceci, vous offrez des perspectives de rémunération à des jeunes. Deuxième élément, c'est le travail qu'on va faire sur la question du foncier, c'est de faire en sorte que le foncier qui peut être une charge très lourde au démarrage pour un jeune qui reprend ne soit pas le sujet principal, et que des structures intermédiaires puissent porter le foncier. Eventuellement aussi, d'apporter des moyens qui permettent à l'agriculture qui s'installe d'entrer en transition, si je puis dire, des moyens d'investissement de modernisation des outils. Et puis ce qu'on a dit à l'instant sur les conditions de travail, je pense à la question des services de remplacement. Et puis dernier point qui n'est des moindres, c'est qu'on a besoin d'accompagner beaucoup mieux les projets. On a… Plus de la moitié des agriculteurs qui s'installent aujourd'hui ne sont pas issus du monde agricole. Et donc il y a une question d'encourager les vocations évidemment dans le milieu agricole, mais principalement, le principe d'arrivée, il sera hors du monde agricole. Donc c'est des accompagnements particuliers. Quand vous êtes né dans une ferme, vous savez des choses intuitivement ; alors après, vous partez à l'école dans l'enseignement agricole dont il faut saluer la qualité. Mais quand vous avez 25 ans et que vous décidez de faire un métier agricole, évidemment, vous avez besoin d'être mieux accompagné. C'est aussi là-dessus qu'il faudra travailler.


VALENTIN BELLEVILLE
Merci Marc FESNEAU, ministre de l'Agriculture. Et présent ce matin au SPACE à Rennes pour l'ouverture du Salon international de l'élevage. Bonne journée à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 septembre 2023